jeudi 24 juin 2010
Le Charançon Libéré
posté à 20h35, par
45 commentaires
À écouter les politiques, il n’est rien qui puisse jamais rattraper l’immense humiliation subie par la France toute entière à cause de son équipe de foot. Rien, si ce n’est une juste et exemplaire sanction : faire passer les joueurs sur l’échafaud pourrait, peut-être, renflouer l’honneur national bafoué et regonfler notre moral si meurtri. En attendant mieux, évidemment…
Je fais chaque jeudi une petite chronique sur la radio libre FPP, à 12 h 15. Comme d’habitude, je te la copie-colle ici.
Je suis content de disposer d’un micro.
Je vais pouvoir en profiter pour cracher ma hargne de supporter déçu.
Dire ma tristesse devant le ridicule parcours de l’équipe tricolore.
Hurler que c’est un drame horrible, qui nous concerne tous, une catastrophe nationale qui fera date.
Et surtout - surtout - exiger que des responsables soient trouvés et que des hommes payent leurs fautes.
Parce que, tout simplement, il en va de l’honneur de la France (enfin : de ce qu’il en reste…) !
Je veux que des têtes tombent, donc.
Que les pousseurs de baballes écopent d’une punition à la hauteur de leur infâme crime.
Et même - pourquoi pas ? - qu’ils soient traînés devant des tribunaux d’exception, pour y répondre de traîtrise nationale et de lâcheté devant l’ennemi.
L’idéal serait qu’ils soient promptement jugé, dans les deux-trois jours à venir.
Et qu’on en revienne à des sanctions exemplaires et expéditives, façon bonnes vieilles recettes du passé.
Je verrais bien, par exemple, la réinstallation de la guillotine sur la place de Grève : on pourrait y faire passer tous les joueurs - titulaires et remplaçants - de l’équipe de France.
Avec cette évolution que l’acier ne trancherait plus les têtes, mais les mollets - il faut bien qu’ils payent par là où ils n’ont pas marqué.
Les mecs passeraient à tour de rôle sur l’échafaud, devant toutes les caméras de télévision, avec la Marseillaise en fond sonore.
Jean-Michel Larqué commenterait l’événement en direct sur TF1, s’extasiant devant les gestes techniques du bourreau – un bon français bien de chez nous, lui, genre auvergnat ou picard.
Et les joueurs honnis auraient même droit à quelques dernières paroles, avant de se faire trancher les guibolles.
Ça aurait de la gueule.
Et je suis sûr qu’Anelka ferait moins le malin sans sa jambe droite…
Tu trouves peut-être, Ami, que j’exagère un brin ?
Mais je pense, moi, être parfaitement dans l’air du temps.
Et mes propositions - à défaut d’être frappées au coin de la lucarne - sont dans la juste tonalité des discours tenus par les politiques depuis une semaine.
Eux en tartinent tant sur le « drame national » vécu en Afrique du Sud qu’on pourrait penser revivre la défaite de 1940 - avec la défense tricolore pour nouvelle ligne Maginot - et qu’on jurerait qu’Armageddon a frappé le territoire, laissant un pays exsangue et meurtri.
Un emballement sans limite
Curée ridicule où ont émergé quelques crétins d’élite, à commencer par le vice-président de l’Assemblée nationale, Marc Le Fur, lequel a proposé la convocation d’une commission d’enquête parlementaire (rien de moins…)sur la participation des Bleus au mondial : « Cet incident1 n’est que la suite d’une tragique aventure sportive caractérisée par la médiocrité, la suffisance, et le manque de décence », écrit-il dans son exposé des motifs, poursuivant : « Au-delà de la catastrophe sportive, l’ultime incident survenu a entaché l’image de la France dans le monde entier. »
Disons-le : il n’est pas sûr qu’on s’en remette…
Plus modérée (enfin, façon de parler…), Roselyne Bachelot s’est répandu, elle, dans tous les médias pour dénoncer « le désastre moral » qui « ternit l’image de la France ».
Tandis que le locataire de l’Élysée - lequel avait déjà convoqué hier une première réunion sur le sujet avec Fillon, Bachelot et Yade, annonçant dans la foulée la tenue d’États généraux du football2 - a remis le couvert aujourd’hui, annulant même une rencontre prévue avec des ONG de développement (en vue du sommet du G20) pour mieux recevoir Thierry Henry pendant une heure.
Il ne reste plus qu’à décréter la mobilisation générale et à envoyer le GIGN prendre d’assaut le bâtiment de la Fédération française de football.
Là, on sera vraiment parés.
Bien évidemment, dans un monde normal, les choses ne se passeraient pas ainsi.
Dans un monde normal, on se foutrait totalement des résultats de l’équipe de France de foot.
On mettrait les politiques - tous ceux qui se répandent partout dans les médias pour parler d’honneur national et de dignité française - face à leurs vraies responsabilités.
On leur interdirait d’en faire des tonnes sur un sujet aussi mineur, on les empêcherait d’occuper le terrain médiatique avec l’équipe de France.
On se poserait des questions, aussi - pourquoi, par exemple, ne sont-ils pas capables de se mobiliser autant quand il s’agit de mettre un frein aux malversations des banquiers, des spéculateurs et des agences de notation ?
On leur demanderait de rendre des comptes - sur les retraites, sur la rigueur, sur leurs comportements corrompus.
On serait sans pitié.
Et on traînerait peut-être même certains de ces grandes gueules politiques sur la place des Grève.
Pas pour trancher des mollets, hein : la guillotine serait réglée un poil plus haut, ce coup-ci…
Mais bon… qui a dit qu’on vivait dans un monde normal ?
1 Il s’agit du refus de Domenech de serrer la main de son homologue sud-africain.
2 Juste les énièmes États généraux d’une longue liste. Juge donc (et note que chacun a son petit site officiel, tout pimpant et joli) : États généraux de l’Outre-Mer, États généraux de la bioéthique, États généraux de la presse écrite, États généraux de la sécurité à l’école, États généraux de l’Europe, États généraux de l’industrie, États généraux de l’enfance… N’en jetez plus !