mercredi 10 septembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 13h05, par
12 commentaires
Voilà qui devrait remonter le moral des Afghans ! Alors même qu’il annonçait l’envois de troupes supplémentaires en Afghanistan, Georges W. Bush y est allé de sa petite larme pour les victimes civiles. Une gentille attention et la preuve qu’on peut avoir à la fois la main sur le coeur et le doigt sur la gâchette. Ça émeut toujours quand les salopards jouent à avoir une conscience. Non ?
Je ne sais pas si ça vous arrive.
(Ça m’étonnerait, connaissant vos coeurs de pierre et votre insensibilité marquée au malheur des autres…)
Mais il me vient parfois des bouffées de compassions envers les grands de ce monde.
Ceux qui ont charge d’Etat.
Exercent des responsabilités gouvernementales.
Et se doivent d’assumer des décisions parfois difficiles.
Les pauvres…
Oh… ne riez pas !
Mais essayez plutôt de vous mettre à la place de nos frères en humanité qui conduisent les politiques des nations pour le meilleur et pour le pire (surtout le pire).
Et qui, à la tombée de la nuit, voient parfois des centaines de cadavres - quand ce n’est pas des milliers - leur faire des clins d’oeil depuis l’outre-tombe, les contraignant à se remuer encore et encore sur leur auguste oreiller sans parvenir à trouver le sommeil.
Pas de quoi rigoler, n’est-ce pas ?
Oui : ça craint.
Ainsi de Georges W. Bush, aka je-suis-un-chef-de-guerre-sentimental, qui s’est récemment fendu d’une émouvante adresse aux victimes innocentes de ses élans militaires.
Prouvant de très belle façon qu’on peut avoir à la fois du coeur et le doigt sur la gâchette.
« Malheureusement, il arrivera que la traque de notre ennemi provoque accidentellement la mort de civils », a noté le sensible Texan après avoir annoncé l’envoi de 4 500 militaires américains supplémentaires en Afghanistan.
Avant de poursuivre sur ces mots apitoyés : « Cela est arrivé tout au long de l’histoire de la guerre, pourtant notre pays pleure chaque vie innocente. »
Alors ?
Ce n’est pas plein de compassion, d’amour, de tendresse, ça ?
Pour la peine, je vous la remets : « Notre pays pleure chaque vie innocente. »
Respect !
Emporté par sa sensiblerie, Georges W. Bush, aka le massacreur-aux-yeux-humides, devrait quand même se méfier.
Et prendre garde qu’à force de pleurer, son pays ne ressemble bientôt davantage à la vallée des larmes qu’à une fière nation combattante.
Tant les « vies innocentes » se bradent chaque jour un peu plus sur le marché des dommages collatéraux.
Inflation victimaire qui vient d’être mise en évidence par un rapport d’Human Right Watchs : « Civilian deaths in Afghanistan from US and NATO airstrikes nearly tripled from 2006 to 2007, with recent deadly airstrikes exacerbating the problem and fuelling a public backlash. »
Soit en français plus ou moins dans le texte : le nombre de civils tués par des bombardements américains ou de l’Otan a triplé en Afghanistan entre 2006 et 2007, pour s’établir à 1 633 victimes.
Un joli score.
Dont nul ne doute qu’il devrait être largement amélioré en 2008, avec l’intensification de l’effort de guerre et l’enlisement du conflit.
En bref, l’Amérique n’a pas fini de verser des larmes - la pauvre… - tant les afghans s’obstinent à se placer sous la trajectoire des balles et des bombes.
Et je vous le dis tel quel : je plains nos augustes chefs de guerre, ces hommes qui courbent les épaules sous le poids des victimes innocentes et dissimulent (mal) leurs yeux embués de tristesse.
Pour un peu, j’en pleurerais.
Pour de vrai.