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mardi 24 mars 2009

Le Cri du Gonze

posté à 11h44, par Lémi
10 commentaires

Guerre propre et robots chiens : de « l’humanisation » des conflits
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« BigDogs » qu’elle s’appelle, cette merveille. Sous son air bonhomme et bienveillant, c’est le dernier cri technologique en matière de robot de guerre. Un must qui devrait bientôt filer exploser du barbu en Afghanistan. Horrible ? Z’avez rien compris : c’est pour la bonne cause, pour des guerres encore plus « propres ». Ok, ceux d’en face vont en baver. Mais qui s’en soucie ?

C’est un article de Pascal Riché sur Rue 89 qui présente la vidéo de cette chose. Avec en phrase d’introduction : « Regardez déambuler cette étrange bête, qui n’est pas sans grâce. »

« Pas sans grâce », qu’il dit.

Et ben…

A vrai dire, je ne suis pas sûr de partager ce jugement. J’ai eu beau regarder déambuler l’horrible machine, la voir affronter différents éléments naturels sans se vautrer, trottiner dans les sous-bois avec son hideuse démarche de Dahu militarisé, j’ai eu quelques difficultés à voir percer la « grâce » sous les mouvements du robot-chien.

Je dirais même, en toute sincérité, que j’ai plutôt frissonné d’effroi en regardant la « bête » se mouvoir.

Question de goût, j’imagine.

Pascal Riché est coutumier de ce genre de frissons d’extase esthétique – érotisme du métal ? – envers les robocops de l’armée ricaine. En février 2005, il parlait déjà d’un robot militaire en ces termes : « On ne peut s’empêcher de le trouver mignon, ce soldat-là.1 »

La photo du robot en question, conçu tout spécialement pour aller guerroyer contre les basanés dans les ruelles de Bagdad, genre de mini char d’assaut à roulettes :

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Mignon ?

Qu’il nous soit permis de ne pas partager le jugement.

Voire même de trouver la chose hideuse.

Mais sur le fond, « mignon » ou pas, « gracieux » ou pas, le problème reste le même : ce genre d’attirail robotique devrait peu à peu devenir la norme en matière de guerre, grâce à des progrès technologiques fulgurants.

Et l’apparition de ce genre de technologies suit une logique implacable tout à fait dans la lignée de la manière dont Tsahal a mené sa dernière agression sanglante contre Gaza : puisque ce sont « nos » morts qui troublent l’opinion publique, alors trouvons des moyens de tuer, d’étriper massivement, sans que nos propres soldats ne soient en danger. La guerre « zéro mort gentil », en fait. S’il y a quelques dommages collatéraux du côté des méchants, ce n’est pas très grave, puisque ce sont les… « méchants »

Depuis 1991 et la première guerre dite propre (la Guerre du golfe), on ne peut que se féliciter des progrès effectués. De moins en moins de morts (proportionnellement) dans nos rangs occidentaux. Et une approche toujours plus « humaine » de la guerre. On se rappelle même avec gratitude des moyens mis en œuvre par l’armée israélienne pour « humaniser » son dernier massacre. Les appels téléphoniques pour prévenir les cibles. L’absence d’infanterie sur le terrain. Les promesses pieuses de ne cibler que les barbus les plus horribles (oui, beaucoup d’enfants et de femmes sont barbus et fanatiques dans ces régions perdues pour l’humanité).

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Le « BigDogs », la gentille bête présentée sur la vidéo, sera pareil. Il évitera les morts indésirables, car occidentales. Il est prévu de l’envoyer bientôt en Afghanistan. Et d’en faire une espèce de machine télécommandée pour traquer le barbare jusque dans ses chiottes. On n’arrête pas le progrès. Et on imagine très bien l’Afghan moyen recevant un appel téléphonique du QG ricain : « Attention à vous, dans cinq minutes un robot chien tueur armé jusqu’aux dents va débouler dans votre village pour tout exploser. Ne nous remerciez pas pour cet appel, c’est tout naturel, nous sommes une nation civilisée, on fait des guerres propres. »

L’article de Pascal Riché (très instructif par ailleurs) présente les explications d’un spécialiste de la question expliquant pourquoi il est très tentant pour toute armée de faire appel à ce genre de stratégies : « Une bonne partie de la formation des soldats de l’infanterie consiste à les déconditionner pour les rendre capables de tuer. Mais c’est très difficile. Les robots, eux, seront sans merci, sans remords. » Tout s’explique : le soldat-moyen est trop gentil, rechigne à faire couler le sang. Bêtes enfantillages que l’emploi massif de robots de plus en plus autonomes permettrait de dépasser.

On va pouvoir vraiment faire la guerre sans minauder2. Vivement demain.



1 Si Monsieur riché a des goûts esthétiques que nous ne partageons pas, soulignons qu’il n’est pas foncièrement favorable à la prolifération de ces bestioles cuirassées, que son article, ici, est très complet et qu’il tempérait illico cette assertion (« on ne peut s’empêcher de le trouver mignon, ce soldat-là. ») par : « On a tort : c’est le pire des tueurs. Froid comme l’acier, insensible à la douleur, sans cœur. »

2 C’est vrai qu’on était un peu tapettes jusqu’à maintenant. Je renvoie à cet article récent de Benjamin qui prouve bien que des efforts peuvent être faits pour enfin perdre cette stupide sensibilité sur la question.


COMMENTAIRES

 


  • L’histoire du pilote américain, qui rentre chez lui le soir dans sa suburb border ses gamins après avoir bousillé du bronzé au commandes de son -lointain- drone fait aussi partie des guerres de demain, guerres inévitables pour l’énergie, pour l’eau, pour sauver nos filles (et nos compagnes) des hordes faméliques et vraisemblablement mahométanes qui ne manqueront pas de déferler sur nos moquettes...

    Voir en ligne : http://jide.romandie.com

    • La guerre vue comme un jeu vidéo, ça permet aux consciences de vivre en paix. Le joypad à la main, un petit écran pour viser, et paf, au suivant. Doom-like planétaire qui souligne la conclusion de ce billet : on vit une époque formidable (et terriblement morale) et nos lendemains vont chanter comme jamais.

      « Vraisemblablement mahométanes » : retire ce « vraisemblablement » tout de suite, social-traître. Saint Ivan Riofoul l’a dit : les hordes seront bronzées. Et quoi de plus bronzé qu’un mahométan ?



  • mardi 24 mars 2009 à 15h33, par Crapaud Rouge

    Petit préambule : l’histoire de l’humanité est jonchée de massacres en tous genres, et à tel point que le XXe siècle n’est pas plus « meurtrier » que les autres. C’est en tout cas ce que donne la recherche historique quand on cesse de « sélectionner » les massacres selon des critères plus ou moins arbitraires. L’info vient d’un article du Diplo signé Christian de Brie (http://www.monde-diplomatique.fr/20...).

    Cela étant, qu’est-ce que ça peut faire qu’on massacre par épidémies ou par marches forcées, en brûlant les villes ou en polluant les puits, sous les bombes ou dans des camps ? C’est toujours « inhumain », (ou trop humain, c’est selon), et la high-tech des robots flingueurs ne devrait pas effaroucher. Au contraire, même armé jusqu’aux dents, même véloce et acrobate, un robot ne sera jamais aussi efficace que l’homme. Christian de Brie évoque par exemple le Rwanda : « On sait que le dernier génocide du XXe siècle, celui des Tutsis du Rwanda, s’est déroulé dans un pays rural, très christianisé, sans moyens technologiques. Il a fait, en trois mois, d’avril à juin 1994, près de neuf cent mille victimes, les « machettes » se révélant aussi expéditives que les chambres à gaz ou les vagues de superbombardiers. »

    • Article impressionnant et très instructif, merci pour le lien, même si il fait froid dans le dos.

      Pour le reste, il ne s’agit pas de dédouaner l’homme de sa saloperie naturelle, toujours répétée, juste de souligner qu’il a trouvé dans ces nouvelles technologies (ciblage satellites, frappes chirurgicales...) un fidèle allié pour « moraliser » son action guerrière et passer à l’acte encore plus facilement, sans engager son opinion publique (qui s’en bat l’oeil des dommages collatéraux dans le camp adverse). Pour les robots, leur utilisation reste de la science-fiction mais semble terriblement proche. En se cachant derrière les machines, en tuant par procuration, l’homme peut faire encore mieux que par le passé. Ou aussi pire, en tout cas, ce qui reste infiniment monstrueux.



  • « avec son hideuse démarche de Dahu militarisé »

    Je m’inscris en faux devant une telle assertion qui tendrai à faire du dahu l’ancêtre de cette machine sans grâce. En effet ce n’est pas parce qu’on a les pattes gauche plus courtes que les droites que l’on manque de beauté. De plus la difficulté légendaire à approcher et à attraper le dahu est la preuve incontestable que l’animal est rusé et même intelligent, qualités qui ne seront jamais à la portée de cette pâle copie mécanique.

    Au sujet de la « déshumanisation » de la guerre il est évident que les névropathes qui demandent à d’autres malades de fabriquer ces horreurs savent qu’ils ne pourront conserver leur pouvoir qu’en ayant une garde prétorienne de machines qui elles, ne risquent pas de trahir, n’ont pas d’état d’âme, d’émotions et pas de famille.

    • Ah le Dahu, je m’attendais à des réactions de ce genre, ses partisans sont toujours prompts à prendre la mouche. Pour ta gouverne, sache que je suis un fervent partisan de l’admirable bête, d’autant que je viens des Vosges, lieu d’origine du dahu (j’attends les andouilles qui me soutiendront que c’est faux toutes canines sorties). Ce qu’il y avait de négatif dans la métaphore, était donc le « militarisé ». (je n’aime pas qu’on militarise ce que j’aime)
      Sur le sujet, tu connais cette magnifique vidéo ? (note que le caractère « intelligent » de la bête n’y est pas vraiment mis en avant...)

      • note que le caractère « intelligent » de la bête n’y est pas vraiment mis en avant...

        Parce que c’est le dahu vosgien ! rien à voir avec celui qui arpente les sommets pyrénéens. Merci pour le lien c’est plus vrai que nature et plein d’humour.



  • Content de voir que je ne suis pas le seul à avoir ressenti un malaise presque physique au visionnage de cette vidéo... A l’idée que l’auteur de l’article y voit de la grâce, ça me dépasse. C’est un peu comme si il préfaçait une vidéo de gang bang en précisant « non sans sensualité »...

    • « Un peu comme si il préfaçait une vidéo de gang bang en précisant »non sans sensualité« ... » : J’aime bien l’image.
      Et c’est vrai que ça m’a fait tiquer, cette idée de grâce associée à ça, même si l’article est très bien. A voir la machine évoluer, je grinçais presque des dents tellement je la trouvais déplaisante et angoissante. Je préfère encore les pitbulls.

    • mardi 24 mars 2009 à 21h56, par jediraismêmeplus

      C’est une question de goût. Sa démarche et ses jambes ont un côté dégingandé qui le rend-presque- sympathique. Un animal un peu entre l’insecte et le chameau, qui est prêt à partir les quatre fers en l’air, quand même, quand il prend un coup de latte latéral dans cette sorte de ventre.
      Mais il arrive à s’adapter au terrain, à se remettre sur ses pattes, et tout.
      Combien de personnes ont des jambes paralysées ou amputées, notamment du fait des guerres ?
      Parce qu’ils n’ont pas l’air d’être loin d’avoir une solution, au lieu de faire des machines à tuer.

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