mardi 16 décembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 11h30, par
23 commentaires
Jusqu’à présent, c’est lui qui faisait trembler dans les chaumières, jouant des chiffres et des faits divers pour faire monter la peur, entretenir son capital électoral et justifier sa politique. Sauf que l’apprenti-sorcier et démagogue de toujours est désormais transi de trouille, effrayé par ces images venant de Grèce et par cette colère qu’il sent monter. Chacun son tour, hein…
Dites…
Vous ne sentez rien ?
Une vague odeur ?
Un léger fumet ?
Oui : ça sent la peur.
La trouille.
La frousse, enfin.
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Attention, hein : c’est de la bonne, de la vraie.
Pas une inquiétude à la petite semaine, petit sursaut de crainte qui peut serrer le cœur de n’importe quel spectateur de TF1 quand un groupe de jeunes basanés, de ceux qui font rien tant qu’égorger des moutons dans la baignoire en rêvant de tendre des embuscades au soldat français qui combat vaillamment pour la liberté en Afghanistan, quand un groupe de jeunes basanés - disais-je - tourne le coin d’une petite ruelle sombre en hurlant « Allah akhbar », « mort aux infidèles » et toutes ces sortes de choses.
Pas une frayeur au rabais, gros plans serrés sur le visage tuméfié de papy Voise, chiffres de la délinquance montés en épingle ou chiffon rouge agité d’un terrorisme d’ultra-gauche qui n’a jamais existé.
Bref, pas une hantise de rien du tout.
Mais un affolement plus profond.
Qui ne s’exacerbe - non plus qu’il ne se calme - avec quelques grands titres et images sensationnelles balancés aux heures de grande écoute sur les chaînes de télévision.
Mais qui se subit, en faisant le gros dos.
Et en croisant les doigts pour que n’advienne pas ce que l’on redoute tant.
C’est ça, le truc : la peur vient de changer de camp.
Là, tout de suite, maintenant.
Et ce pouvoir qui n’a cessé d’en jouer, élu grâce à elle et pour elle, crève maintenant de trouille sur son siège, sans bouger et en serrant les fesses.
Certain - à tort ou à raison - d’être assis sur cette « poudrière » que la sociologue Isabelle Sommier décrivait pour Libération, pronostiquant : « Il peut y avoir une explosion. (…) Une étincelle peut s’enflammer, plus qu’en 2005. »
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Quel changement !
Il y a peu, encore, Nicolas Sarkozy montrait ses muscles et enfilait les rotomondades comme à la parade.
Jusqu’à provoquer syndicats et militants en affirmant : « Aujourd’hui, quand il y a des grèves en France, ça ne se voit plus. »
Dommage : le barreur de tête aurait été bien inspiré de la mettre en veilleuse, lui qui recule désormais avant même la grève.
Oblige Xavier Darcos à abandonner sa réforme des lycées malgré les grandes promesses de celui qui assurait qu’il ne serait pas « le ministre de l’hésitation nationale ».
Et laisse en grande partie tomber sa libéralisation du travail dominical, un cheval de bataille qu’il semblait pourtant décidé à imposer à sa propre majorité.
Que voulez-vous ?
Nicolas Sarkozy sent le vent tourner.
Visionne chaque soir, avec de nouvelles sueurs froides, les vidéos de l’embrasement grec.
Partage son effroi avec ses homologues européens : « Mais ce sont ses conversations avec plusieurs chefs d’État au Conseil européen de Bruxelles qui ont lancé l’alerte rouge, écrit Le Figaro. Le président en est revenu ’inquiet’, avec le sentiment que les conditions pouvaient être réunies, la crise aidant, d’un ’Mai 68 européen’, selon l’expression d’un proche du président. »
Et fait chaque nuit cauchemars sur cauchemars en se rêvant un destin à la Louis XVI, au point de l’avouer à haute voix : « Les Français adorent quand je suis avec Carla dans le carrosse, mais en même temps ils ont guillotiné le roi. C’est un pays régicide. Au nom d’une mesure symbolique, ils peuvent renverser le pays, regardez ce qui se passe en Grèce. »
C’est cela : la peur a changé de camp, camarades !
Avouez qu’il y a quand même de plus mauvaises nouvelles…
1 Image de Sarkophage piquée sur le blog de Sarkostique. Que son auteur, à qui je n’ai rien demandé, en soit remercié.