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lundi 18 août 2008

Le Charançon Libéré

posté à 11h52, par JBB
13 commentaires

Il faut sauver l’économie française ! Je me mets au service de la nation…
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L’heure est grave : la crise menace ! Alors que les ministres concernés se réunissent dans trois heures pour étudier les meilleurs moyens de faire obstacle à la récession, je crois de mon devoir de livrer quelques pistes à même d’aider à passer ce mauvais cap. Ne doutant pas d’être entendu, je fais don de ma science économique à la nation. Qu’elle en fasse bon usage.

C’est limite.

C’est tout juste.

Mais il n’est pas trop tard.

Et il est encore possible, alors que le froid manteau de la récession économique commence à tomber sur l’Europe, de sauver notre fière patrie de la crise.

Il suffit que les bonnes décisions soient prises et les leviers idoines tirés.

Pas de panique, donc…

Mieux encore : nous devons garder une total confiance dans les capacités à faire face de notre gouvernement.

Lequel saura camper fermement sur ses positions et affronter la récession aussi courageusement que nos glorieux ancêtres de la Ligne Maginot face à ces féroces soldats allemands venant jusque dans nos bras pour violer nos femmes et tuer nos enfants (ou l’inverse…).

D’ailleurs, vous l’avez remarqué : seuls les plus compétents des ministres sont convoqués à ce grand raout en petit comité, annoncé pour dans quelques heures à Matignon.

François Fillon, Eric Woerth, Hervé Novelli, Luc Chatel, Anne-Marie Idrac, Laurent Wauquiez… un casting d’enfer !

Je suis serein.

Zen même, comme dirait le lévitateur céleste.

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Mais…

Je ne peux m’empêcher de penser que, dans la frénésie de l’action et l’euphorie des décisions, ces six fiers capitaines de notre politique économique peuvent oublier quelques mesures et omettre de tirer un ou deux leviers capitaux.

Ce serait une catastrophe, tant le plan d’urgence du gouvernement se doit d’être complet et global.

Je me suis donc permis de rédiger un petit vade mecum des décisions à prendre et des remèdes à apporter.

Récapitulatif que je mets modestement à la disposition des ministres convoqués.

En espérant qu’il pourra les aider à sauver la France.

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Il faut donc, sans tarder ni tergiverser :

1) Modifier le bouclier fiscal de façon à ce que les contribuables fortunés ne soient pas ceux qui participent le plus à l’effort de la nation. Dans l’idéal, il faudrait faire passer ce plafonnement de 60 à 50 % des revenus.

De cette façon, on redonnera confiance et espérance aux plus aisés de nos concitoyens, qui pourront épargner et spéculer en toute liberté.

2) Lancer une politique de défiscalisation des heures supplémentaires. On veillera à ce que cette réforme soit compliquée et inapplicable, afin que personne n’en comprenne réellement les tenants et les aboutissants. On veillera aussi à ce que les salariés se rendent compte assez rapidement que la mesure profite surtout au patronat.

L’intérêt tactique est ici double : il s’agit tout à la fois de donner de faux-espoirs aux salariés, qui n’en seront que plus démotivés et fatalistes quand la bise sera venue, et d’adresser un signal clair au patronat, désormais certain qu’il ne compte que des amis au gouvernement.

3) Réduire de façon drastique les droits de succession pour les contribuables les plus aisés.

Cette mesure ne permettra pas seulement aux familles fortunées de ne pas aliéner leur capital à la mort d’un légataire, histoire de continuer à épargner et à spéculer. Elle est surtout un signe symbolique fort envoyé à l’ensemble des Français : en mettant bas les derniers vestige du principe d’égalité de tous à la naissance, elle contribuera efficacement à faire comprendre au petit peuple que c’est la crise et qu’il convient de se démerder au mieux sans compter trop sur le rôle correctif de l’Etat.

4) Rogner l’assiette de l’impôt sur la fortune. Il convient ici de ne pas trancher dans le vif, puisque les Français restent stupidement attachés à cet impôt injuste, mais de le rendre un peu moins effectif et pesant. On pourra par exemple décider que le montant peut en être affecté au financement d’une PME.

Là encore, l’effet d’une telle mesure est d’abord symbolique : permettre aux fortunes constituées de rester pleines et entières est un signe fort envoyé à nos compatriotes. Les meilleurs sauront se sortir les doigts du cul pour se constituer un magot, les autres n’auront que ce qu’ils méritent.

5) Les quatre mesures précédemment énoncées devraient idéalement être regroupées sous un même intitulé : Loi en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’achat (TEPA). En jouant sur le double discours et en envoyant des signaux contradictoires aux contribuables (les mesures ayant l’effet inverse de celui annoncé), ce « package » législatif aura l’immense intérêt d’ajouter à la confusion régnant déjà.

6) Annoncer toute une série de « mesurettes » dont l’effet se fera sentir immédiatement sur le porte-monnaie des plus modestes à défaut de rapporter beaucoup d’argent à l’Etat : baisse du montant des allocations familiales, augmentation du prix du gaz et de l’électricité, mise en place de franchises médicales, etc…

7) Inversement, ne rien faire pour endiguer l’augmentation du prix de l’essence, ne pas revaloriser le Smic, ne pas lutter contre la hausse du prix des matières premières, etc…

8) Supprimer des postes de fonctionnaires en quantité pour alléger le budget de l’Etat et permettre un changement de mentalité des Français. Ces suppressions, plus de 20 000 dans l’idéal, permettraient aux Français d’adapter leur état d’esprit à la crise : en soulignant combien l’Etat se dégage de ses obligations, il s’agit de faire comprendre que les temps bénis sont terminés.

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Voilà.

C’est tout.

Dites-moi franchement : qu’en pensez-vous ?

Comment ?

Ça a déjà été fait ?

Pardon ?

C’est là l’œuvre du gouvernement Fillon depuis son installation ?

Hein ?

Ça n’a fait qu’empirer les choses, fragilisant l’économie nationale et aggravant la situation ?

Quelle surprise…


COMMENTAIRES

 


  • Oui, quelle surprise, en effet ! On nous avait pourtant dit que ces mesures devaient apporter 1 point de croissance supplémentaire. Le pire, c’est qu’à chaque fois que les mauvaises nouvelles arrivent, leur réponse est qu’il faut continuer, voire accélérer les « réformes ».
    Depuis six ans qu’ils sont au pouvoir, et surtout depuis un an qu’il ont propulsé le pire d’entre eux au sommet, ces « réformes » n’ont contribué qu’à aggraver les conditions de vie de la plupart d’entre nous.

    • lundi 18 août 2008 à 15h31, par JBB

      C’est un parfait résumé de ce à quoi nous avons eu droit. Et de ce qui nous attend encore.

      Va falloir serrer les dents…



  • Je signale juste au passage que l’indice du coût de la construction (qui sert à calculer le montant des loyers dans le secteur privé) a augmenté de 8,09 % cette année. Il avait déjà connu des augmentations deux fois supérieures aux chiffres de l’inflation officielle ou quatre fois à cinq fois aux augmentations techniques de revalorisation des salaires (ce qui a fait doubler les loyers en francs ou euros constants depuis trente ans), mais là c’est la première fois qu’une nouvelle augmentation équivaut à un loyer mensuel ! On va me dire qu’il s’agit d’une mesure pour inciter les gens à devenir propriétaires de leur logement, mais à ce rythme on va devoir dépenser plus pour son logement que ce que l’on peut gagner.

    • lundi 18 août 2008 à 15h35, par JBB

      J’ai récemment cherché un nouveau logement sur Parais, ça a été l’enfer : prix complètement hallucinants, manque de logements, demandes incroyables des proprio et agences qui savent qu’ils sont les rois du jeu…

      J’ai finalement trouvé en proche banlieue, mais je n’imagine même pas ce que ça doit être pour des gens qui ont charge de famille et qui sont payés au Smic. Même en habitant à 50 bornes de Paris, ça doit être mission impossible. C’est l’illustration parfaite du délitement de notre société.



  • Vous ne savez plus comment dépenser moins en gagnant moins ? Une bonne adresse pour manger chic et pas cher : Le self-service gratuit des ministères... _ 

    http://www.politique.net/2008081701...

    Des problèmes pour vous loger ? Il y a de la place dans nos palais de la République : _ 

    http://www.politique.net/2008012903...

    Et voilà la solution ! Plus la peine de rouspéter...

    Voir en ligne : http://repvblicae.wordpress.com/

    • mardi 19 août 2008 à 00h09, par JBB

      Eh ! Ça a l’air pas mal du tout comme adresse.

      Pour le self, il y a moyen de payer en tickets-restos ? Parce que si oui, je sens que ça va devenir ma cantine. Je me verrais bien tailler le bout de gras avec Rama Yade en dévorant une bavette (ou l’inverse)

      • vendredi 22 août 2008 à 17h23, par A.N.Onyme

        Euh... Dévorer Rama Yade en bavant sur le bout de gras ??

        Désolé. Je sors.



  • Huh ! Je me souviens d’avoir lu sur le blog d’un économiste que l’accession à la propriété était un des meilleurs moyens d’accentuer les risques de chômage parce que ça réduit grandement la mobilité par rapport aux simples locataires (en France, mais au contraire pas aux Etats-Unis, où les habitants changent de logement tous les six ans en moyennes).

    Ce qui est drôle, c’est qu’avec l’endettement faramineux que représente l’achat d’un logement, on peut être sûr qu’il y aura moins de récriminations contre les mesures anti-sociales, moins de jours de grève, etc. Les mesures qu’on subit depuis un an n’ont, me semble-t-il, que cette perspective en tête, pas d’améliorer l’état économique de la France. Quand ça se combine à la loi sur le service minimum, à la mise en valeur de la répression par rapport à la prévention... le bilan est assez clair. Si je ne savais pas qu’il est profondément anti-intellectualiste, je dirais que Sarkozy a lu Kant : « Mieux vaut une injustice qu’un désordre ».

    Pourtant, je suis sûr qu’en augmentant les contributions des grandes entreprises à la Sécu et à divers organismes du genre le Trésor public, on boucherait vite fait le trou (comme c’était le cas avec Jospin avant la réduction des taxes qui virent un fossé de plusieurs milliards d’euros réapparaître), on pourrait augmenter le budget d’un certain nombre de ministères, financer une vraie politique du logement... Je me souviens d’une constatation amère de Michael Moore : les maires et les gouverneurs baissent les impôts locaux voire les suppriment pour aider des grandes firmes à s’implanter... et celles-ci claquent la porte quand elles ont amassé assez d’argent pour délocaliser ! Laissant sur le carreau des milliers de nouveaux chômeurs.

    En même temps, pour qu’on taxe les entreprises, il faudrait arrêter de lire Hayek, Friedman et la clique criminelle des Chicago boys qui trouvèrent que le Chili de Pinochet était un joli lieu d’expérimentation grandeur nature et dont Thatcher et Reagan raffolaient. Ça n’est pas prêt d’arriver...

    • « Ce qui est drôle, c’est qu’avec l’endettement faramineux que représente l’achat d’un logement, on peut être sûr qu’il y aura moins de récriminations contre les mesures anti-sociales, moins de jours de grève, etc. »

      J’ai récemment découvert (je sais, je retarde…) que les prêts sur 50 ans étaient désormais légaux en France. 50 ans ! C’est comme se traîner un boulet à vie, l’obligation d’être un parfait citoyen rentable tout au long de sa vie, sans aucun relâchement. Ça me fait halluciner…

      « on boucherait vite fait le trou »
      C’est clair. Mais malheureusement, ni la droite (évidemment…) ni la gauche ne posent plus la question en ces termes. La vulgate néo-libérale a été tellement assimilée que plus personne n’envisage de taxer davantage les entreprises.

      • Pourquoi est-ce devenu possible ? Pour pouvoir vendre les fameuses maisons Boutin à 15 euros par jour. La maison Boutin veut dire que l’on va payer en fait un loyer de 450 euros pendant 20 à 25 ans - ce qui est à peu près le prix d’un tel type de logement (85 m2) dans des zones rurales défavorisées. Mais lorsque l’on sera devenu propriétaire des murs, il faudra continuer encore à payer durant une période équivalente afin de devenir propriétaire du terrain sur lequel se trouve la maison. On en arrive à une situation à la britannique où les fameux propriétaires de l’ère Thatcher se sont endettés non seulement pour la durée de leur vie, de leur retraite, mais aussi pour leurs enfants (et dans certains cas, leur propriété revient au propriétaire du sol au bout de cent ans, il y a des quartiers entiers de Londres avec de tels faux propriétaires). Et si on ne paye pas le terrain ensuite, on peut être expulsé ou on peut voir sa jolie maison Boutin détruite. Ce type d’opération immobilière n’est pas neuve : qui se souvient des fameuses Chalandonnettes ?
        http://www.humanite.fr/2005-02-24_S...
        Dans ma bonne ville, on vient de raser une vingtaine de ces habitations si fort vantées du temps du gaullo-pompidolisme qui se voulait populaire et qui voulait faire naître une nouvelle caste de propriétaires à bon marché, tous bien bernés.

        • Ah, ça me fait penser aux serfs russes qui ont été émancipés à condition de racheter leurs terres sur plus de quarante ans, je crois. Le tout, en regroupant les fermes au niveau du village, de façon collective (non, les kholkozes ne sont pas sortis de nulle part...). En 1905, lors de la révolution qui a échoué, les traites n’avaient pas fini d’être payées...

          Pour être plus actuel : ma mère a accédé à la propriété en proche banlieue parisienne il y a deux ans, après que le propriétaire qui lui louait un appartement parisien depuis vingt-trois ans a voulu le récupérer pour le vendre (trop cher). Elle est endettée sur encore vingt-et-un ans. Au moins dix ans de remboursement se passeront après sa mise en retraite. Elle sera donc obligée de revendre. Paiera une taxe sur la plus-value. Et devra s’éloigner encore plus de Paris...

          C’est merveilleux de voir à quel point les résistants avaient tout compris : la Sécurité sociale, la nationalisation de toutes les économies en réseau et les loyers 48. Mais les entreprises cotisent maintenant moins à la première que les citoyens, les secondes sont privatisées bout par bout ou d’un coup et que je sois damné si les loyers 48 existent encore quand on cherche un appartement...



  • Bonjour
    Dans mon immeuble il y a encore un appartement en loyer 1948. Mais il n’y a pas l’eau chaude, les WC sont au bout d’un balcon ouvert (l’hiver s’il gèle il est impossible de se servir des toilettes), il n’y a pas de chauffage. L’appartement est grand (85 m2) et le loyer est de 40 euros environ. Les locataires sont là à vie. Une fois qu’ils seront décédés, il suffira au propriétaire de sortir de la loi 1948 en mettant une chaudière et le chauffage central et en fermant le balcon.

    En ce qui concerne les heures supplémentaires elles sont certes mieux payées et défiscalisées. Mais il ne faut pas oublier que les salaires correspondants n’entreront pas dans le calcul des indemnités d’arrêt maladie. Ni, ce qui est plus grave encore, dans le calcul des pensions de retraite.

    Cordialement

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