jeudi 19 mars 2009
Le Charançon Libéré
posté à 14h50, par
15 commentaires
Ça manquait : en proposant d’instituer un délit criminalisant les fréquentations, le royal meneur de revue à talonnette a frappé fort. Soirées raclettes, mariage de la tante Hilda, rassemblement de fans de tuning.... autant de « bandes » susceptibles de tomber sous le coup de cette supposée nouvelle incrimination. Pas seulement ridicule, mais aussi totalement débile.
La radio libre FPP m’a gentiment proposé de faire une petite chronique hebdomadaire, le jeudi à 12 h 30. Comme je ne recule devant rien, je vous la copie-colle ici. Hop !
Je ne sais pas si ça s’entend à ma voix.
Mais je ne suis pas tranquille.
Pas rassuré et presque tremblant.
Le ton chevrotant et le coeur inquiet.
Aux abois, carrément.
Je vous vois venir.
Vous allez me demander pourquoi, la raison de mon inquiétude, quels sont ces serpents qui sifflent au-dessus de ma tête, les causes de cette triste crainte qui m’étreint, d’où vient que les doux sanglots des violons bercent mon coeur d’une langueur si monotone, pourquoi, pourquoi, pourquoi.
Petit un : merci de m’avoir posé cette question, ça fait plaisir.
Petit deux : ce n’est pas la perspective de l’insurrection qui ne viendra pas cet après-midi, joyeux défilé prévu sous les oriflammes des centrales syndicales et calme pique-nique sans ardeur ni folie, qui me file ainsi les foies, affolant mes sens et paralysant mon courage.
Non.
Non, non, non.
Si je les ai à zéro, c’est que je me suis rendu compte que Stalingrad, quartier qu’il me faut en partie traverser pour venir faire le guignol devant ce micro, que Stalingrad - donc - est rempli de bandes sanguinaires et haineuses, celles-là même que notre bien-aimé meneur de revue à talonnette a dénoncé hier, lors d’une visite présidentielle à Gagny.
Sortant la cravache et la matraque pour dénoncer d’un ton de justicier qui sait qu’il peut faire le malin parce qu’il a deux flingues à la ceinture et 50 gugusses pour s’en servir à sa place, pour dénoncer - donc- ces jeunes qui ne font rien d’autre que rêver à culbuter Marianne dans l’impasse noire d’une sombre cité.
Jurant qu’il « n’abandonnera aucune parcelle de notre pays à la logique des bandes, des caïds ».
Se tournant vers nos fiers policiers - il est vrai un peu mous du slip ces derniers temps, vous avez sans doute remarqué qu’il n’y a pas eu de bavures depuis deux jours - pour les inciter à « utiliser la force, la force républicaine ; ce ne sont pas les bandes qui vont triompher, mais la République ».
Demandant la création d’un délit nouveau - si contraire au droit que même les pisses-froids du Conseil constitutionnel n’auront d’autre choix que de le refuser, mais c’est pas grave c’est pour faire style - punissant de « trois ans d’emprisonnement la participation, en connaissance de cause, à un groupement, poursuivant le but de commettre des atteintes volontaires contre les personnes ou certains biens. »
Et concluant, c’est là le point essentiel : « Le fait même d’appartenir à une bande doit être un délit. »
On en est là.
Un agité du bocal ridicule propose de sanctionner des amitiés et d’incriminer des fréquentations, sans même qu’il soit nécessaires que les personnes concernées aient commis un délit, et paf…
On se rend compte que le gugusse en question est notre président.
Tout ça explique mon malaise, ma peur, ma crainte, mon angoisse.
Tant le discours de Nicolas Sarkozy m’a ouvert les yeux.
Occasion de me rendre compte que des bandes haineuses et sanguinaires tenaient littéralement le quartier de Stalingrad.
Et que je devais changer de trottoir pour les éviter.
Baisser les yeux pour ne pas attirer leur attention.
Et courber l’échine pour ne pas me faire péter la binette.
Oui : : un vrai parcours du combattant.
Pour venir, j’ai ainsi dû éviter la bande du bar-tabac, trois fumeurs de clopes qui n’avaient l’air de rien et discutaient tranquillement sur le pas de la porte, mais qui - j’en suis certain - n’attendait qu’un geste de ma part pour sortir des barres de fer de sous leur manteau, me coincer dans un recoin, me casser la figure et conchier la République.
J’ai ensuite été confronté à la bande de la boulangerie, quatre dames qui sortaient ensemble, et de façon très louche, du magasin, qui m’ont regardé passer avec un air mauvais et qui s’apprêtaient - j’en suis convaincu - à me barrer la route, à me refaire la tronche à coup de miches de pain et à conchier la République.
J’ai croisé aussi la bande des fumeurs de joie, indolents jeunes gens profitant du soleil mais tout prêt à conchier la République, la bande des enfants revenant de l’école en jouant, garçons et filles l’allure joyeuse mais tout prêt à conchier la République, la bande de l’épicerie africaine, la bande du kebab, etc etc…
L’enfer.
Il faut que je sois honnête : cette proposition de création d’une loi criminalisant les mauvaises fréquentations ne me dérange pas plus que ça.
Essentiellement parce que je n’ai ni ami ni fréquentation, ce qui me place sans doute à l’abri des ridicules oukases présidentielles.
Mais quand même...
Puisqu’on en est là...
J’aimerais qu’on poursuive dans la voie des innovations législatives.
Et qu’on instaure un flagrant délit de crétinerie.
Histoire de punir comme il convient la bande de cons qui nous gouvernent.