mercredi 4 novembre 2009
Le Charançon Libéré
posté à 13h22, par
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C’est déjà certain, cette période qui débute - frénésie sécuritaire et chant de la nation - ne connaîtra guère de pause d’ici à mars prochain : initiatives haineuses et déclarations outrées s’enchaîneront sans relâche jusqu’aux régionales. Oui, ça va être long. Très long… Raison de plus pour savourer toute (rare) remise en compte de l’impunité policière. En voilà une, profite !
Tu sais quoi ?
Je me réjouis.
Oh… que je me réjouis !
Pour te dire : j’en ai des petits frissons tellement je suis jouasse.
Je souris sans relâche aux nuages.
Je cours en tous sens, le corps traversé de vibrantes envolées de plénitude et de satisfaction.
Je lève les bras aux étoiles, pousse de petits gémissements de plaisir et remue du torse pour mieux dire ma pétulance et mon ravissement.
Bref - et pour te résumer les choses, tant je sens qu’à trop m’étendre je pourrais un brin te lasser - , je suis content.
Voilà.
Je te vois un peu muet, un rien interloqué.
Je te connais bien et comprend que tu ne décèle guère en ces temps troublés de raison de fredonner l’Hymne à la joie.
Je sais que tu peux me dégotter dix, cent, mille raisons de désespérer, me citer tant d’événements qui s’enchaînent, de choses déjà écrites, et me montrer en ligne de mire ce bout du chemin n’incitant guère à se draper de rose et de bleu.
Tu ne demandes qu’à pleurer, ami, et tu voudrais que nous tanguions de concert.
Que nous fassions le compte de toutes ces défaites, et encore le monceau d’autres qui s’annonce.
Que nous dressions un macabre tableau et attendions ce coup de hache final du bourreau.
Que je te dise : je veux bien.
On peut.
C’est d’accord.
Pleurnichons un brin, couinons de concert, je vais faire semblant de ne pas être jouasse.
Par où veux-tu que je commence ?
Disons : cette joyeuse course aux régionales, départ donné il y a quelques jours pour la plus ébouriffante des fuites en avant, marche à pas forcés et absence de pause jusqu’à ce qu’une petite fraction des Français ait rempli ce qui porte l’absurde nom de « devoir citoyen ».
À en donner le vertige, même, tant ce bulletin de vote porte en lui de sombres conséquences, d’effets négatifs et d’emmerdements annoncés.
Bout de papier qui va en faire naître tant d’autres, lois et décrets pris et votés à la va-vite ou articles de presse hâtivement rédigés pour rendre compte des outrances d’une majorité prête à tout pour aller à la victoire.
C’est simple : d’ici au 21 mars 2010, ça n’arrêtera pas.
Et ces cinq (peu ou prou) mois à venir, nous allons manger de l’identité nationale (à définir, encore et encore), bâfrer du criminel récidiviste (à conserver sous les barreaux, une énième loi est en préparation)1, bouffer du mineur délinquant (à placer sous couvre-feu), engloutir du pédophile (à castrer, chimiquement et physiquement), roter de l’anarcho-autonome (à embastiller), absorber du sans-papier (à renvoyer en Afghanistan), boulotter de l’islamiste - voilé ou non - , becqueter du jeune dangereux et ingurgiter du mauvais garçon, en long, en large et en travers, jusqu’à en faire une terrible et désolante indigestion.
Plus loin, plus vite, plus fort.
Plus fort, surtout.
Adoncques, je veux bien - avec toi - me lamenter par avance.
Entonner déjà cette complainte que nous allons pousser tout l’hiver, toujours en retard d’une guerre sur ceux qui l’ont déjà gagnée.
Je veux bien, te dis-je, mais je préférerais plutôt savourer ma joie et me focaliser sur ce petit bonheur que j’évoquais un peu plus haut.
Un plaisir simple, qui me tiendra la journée, m’arrachera maints rictus de contentement et me fera oublier cette triste période.
De quoi s’agit-il ?
Et bien, ceci :
A donné cela :
Trois policiers qui avaient été accusés de violences lors des émeutes de 2005 à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), les scènes ayant été filmées par France 2, ont été condamnés aujourd’hui à 6 mois et 1 an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bobigny, a-t-on appris de source judiciaire.
Deux policiers ont été condamnés à un an de prison avec sursis, avec inscription au casier judiciaire, et interdiction d’exercer leur fonction pendant un an. Le troisième a écopé de 6 mois de prison avec sursis, avec inscription au casier judiciaire.
Et provoqué les glapissements outrés de ceux-ci :
Les policiers mis en cause ont été soutenus dès le début par le syndicat Alliance qui avait jugé à l’époque « inacceptable » leur sort judiciaire en mettant en avant le « climat de violence extrême », qui caractérisait selon lui les émeutes.
Une fois encore lundi Loïc Lecouplier, membre du syndicat de police Alliance, a reproché au tribunal de « ne pas avoir tenu compte avec cette décision lourde du contexte des émeutes ». « Les collègues travaillaient depuis plusieurs semaines dans la violence », a-t-il assuré à l’AFP, qualifiant la peine de disproportionnée" et déplorant les inscriptions au casier judiciaire et l’interdiction pour deux policiers d’exercer leur fonction.
Avec cette précision jubilatoire du même syndicaliste, en une interview donnée au Post :
Je pense que cette nouvelle risque de démotiver les troupes de police en Seine-Saint-Denis.
Ce n’est pas grand chose, j’en conviens.
Mais dans l’effarant actuel climat de mise au pas de la justice et de toute-puissance de la police, c’est l’une de ces heureuses surprises qui redonne foi en l’humain.
Allez : souris !
1 Cela ne m’arrive que rarement, mais je ne peux que t’encourager à aller lire ce billet d’Authueil ; hors l’incroyable naïveté du propos - évoquer une prétendue « tradition humaniste de l’UMP » serait poilant si ce n’était si risible… - le billet montre très bien combien certains députés de la majorité sont désormais en totales roues-libres sur les questions sécuritaires.