mercredi 25 mars 2009
Le Charançon Libéré
posté à 11h27, par
40 commentaires
Il est de tous les combats ! Après avoir vaillamment soutenu cette pauvre armée israélienne attaquée par quelques civils palestiniens, voilà que le plus grand philosophe français (au moins…) vole au secours de l’alliance atlantique. Et règle, en une chronique, leur compte à tous ces abrutis - dont moi - hostiles à l’alignement français dans l’Otan. Dire que j’avais déjà mon billet pour Strasbourg…
Lâche, je suis.
Pleutre (aussi).
Et même : couard !
J’ en ai un peu honte.
Mais… c’est ainsi.
Que je vous explique : j’avais imprudemment prévu de me rendre à Strasbourg au début du mois prochain.
Décidé à faire entendre ma voix de citoyen hostile à cette internationale guerrière.
Résolu à dénoncer l’atlantisme du très petit père du peuple.
Et déterminé à protester contre l’un des principaux - si ce n’est le - outils de guerre et de douleur dans le monde.
Comme l’autre - le grand Charles - , j’avais aussi décidé de ne pas me laisser impressionner par les éventuels menus obstacles.
Et d’ignorer les coups de semonce d’un régime qui, pour habitué qu’il soit à déployer les flics par milliers pour la moindre inauguration de chrysanthèmes, a décidé de sortir en cette occasion le grand jeu.
Transformant la capitale alsacienne en ville morte le temps du sommet, quartiers rouges interdits à tous, si ce n’est à leurs habitants sommés de montrer patte blanche et de porter badge à la boutonnière pour être reconnus de loin.
Edifiant un véritable petit château-fort pour protéger les grands de ce monde, 50 000 barrières disposées aux alentours et des check-points militaires pour en garder l’accès.
Ne laissant aux protestataires d’autre alternative légale que de manifester en périphérie1, contestation reléguée dans les friches industrielles ou les lointaines banlieues, sauf à se frotter aux milliers de flics qui seront déployés partout.
Allant même jusqu’à pénétrer chez ceux des habitants assez hostiles à l’Otan, dix jours avant le début des festivités, pour leur intimer l’ordre d’enlever le drapeau de la paix qu’ils avaient fixé à leur fenêtre.
Et laissant augurer, de façon générale, une vive répression pour les milliers de manifestants qui viendront d’un peu partout crier leur opposition à l’Otan et à ses sales guerres.
Qu’importe : tout ça, j’étais prêt à le supporter.
Acceptant le risque des coups de matraque.
Et celui de voir mes droits les plus élémentaires - à commencer par mon droit à me déplacer librement - réduits à peau de chagrin.
Mais…
Il est une chose à laquelle je n’étais pas préparé.
Qui a stoppé net ma belle détermination, a mis bas mes grandes résolutions et m’a laissé pantelant et décontenancé.
Tant je m’attendais pas à ce coup bas du plus vif esprit de notre temps, intellectuel qui ne se trompe jamais et ne combat que pour les plus justes des causes, honnête homme qui met toujours son intégrité en balance dans le combat d’idée, philosophe portant les valeurs vraies de la générosité, du partage et de l’ouverture, vaillant chevalier qui a su si bien défendre le petit poucet israélien face à l’ogre palestinien, joyeux pourfendeur de tous les totalitarismes basanés, fier bretteur du journalisme sachant se servir de son imagination pour mieux dire l’indicible, au Pakistan ou en Géorgie, glorieux étendard de la pensée française, vaillant soutier de l’excellence nationale, Bernard-Henri Levy, mon idole, mon aimé, Nanard de mon coeur, phare de mes nuits.
Hors donc : cet homme-là, l’excellence incarnée, ne partage pas mes vues sur l’Otan.
Pis : il le clame haut et fort dans sa chronique hebdomadaire au Point.
Et il attaque sans vergogne, laissant couler sa plume sous un titre incendiaire, « Les mensonges des anti-Otan ».
Quelle déception…
Il faut dire que Benard-Henri Levy sait de quoi il parle : il n’est guère de meilleur poste d’observation, pour évoquer l’atlantisme et l’alliance américaine, que cette suite de l’hôtel Carlyle qu’il occupe désormais à demeure.
Et je veux croire que son nouveau statut de New-Yorkais lui donne toutes les armes pour fustiger « l’ubuesque débat sur la place de la France dans l’Otan ».
Ah bon ? Il y a un débat ? Abruti que je suis, j’avais justement l’impression que Nicolas Sarkozy avait réussi à enterrer toute discussion, notamment parlementaire, sur la question…
Pour garantir que « demain, ce sont des généraux français qui siégeront dans le saint des saints de l’Allied Command Transformation où se conçoivent, notamment, les nouveaux systèmes d’armement ».
Chouette, chouette, chouette… Nos galonnés dans le saint des saints pour mettre au point de nouveaux systèmes d’armement… j’en frémis.
D’autant que c’est là vil mensonge : la France n’a pas obtenu des Américains de commandement stratégique et n’en obtiendra pas.
Pour affirmer que le retour de la France dans l’Alliance atlantique ne va pas la contraindre à « s’aligner sur ’l’Empire’ », puisqu’il est « évident que c’est le contraire qui se produira ».
Sic…
Pour clamer qu’il « est non seulement faux mais scandaleux d’affoler, alors, les populations en brandissant l’épouvantail des ’guerres dont nous ne voulons pas et où nous nous trouverons mécaniquement entraînés’ ».
Voyez comment je suis, stupide membre de cette populace qui se laisse « affoler » sans raisons…
Pour moquer « une France juchée sur les ergots d’une indépendance nationale qui s’est si souvent traduite par des amitiés contre nature (l’Irak de Saddam, l’URSS finissante, sans parler de la trop fameuse ’politique arabe’ du Quai d’Orsay) ? »
Quesako ? On a collaboré avec les rouges ? Dire que je l’ignorais…
Quant à la « trop fameuses politique arabe du Quai d’Orsay », on comprend ce qui motive cette considération. Une défense jusqu’au-boutiste d’Israël qui n’est, à l’évidence, pas pour rien dans l’atlantisme de BHL.
Pour enrôler - contre toute évidence - les morts dans son piètre combat : « Mais que les socialistes (…) se joignent à ce piètre concert, qu’ils tournent le dos, ce faisant, (…) à la mémoire de Mitterrand (qui s’opposa, dès 1966, à la décision du général de Gaulle) (…), voilà qui est plus navrant. »
Et c’est sans doute pour cette très bonne raison que Mitterrand n’a pas, en 14 ans d’’exercice du pouvoir, tenté de revenir sur la décision du général de Gaulle…
Et pour constater, démocrate d’élite, qu’il est normal « qu’un Jean-Marie Le Pen ne veuille pas entendre ces évidences » et qu’il est « dans l’ordre » qu’il « soit rejoint par les ’anti-impérialistes’ façon Besancenot ».
Et rien sur l’alliance des islamistes et des gauchistes ? Rhôô, cher Nanard, tu me déçois.
Bref, Bernard-Henri Levy - vous l’avez compris - m’a chaudement convaincu
Et l’opinion éclairée du taulier de l’Escalier qui bibliothèque a achevé d’emporter le morceau, avec cette jolie conclusion que d’aucuns jugeraient ironiques : « Sachant que la paranoïa s’accorde très bien avec l’exercice de facultés intellectuelles bien supérieure à la moyenne, et que l’OTAN est aussi une fourmilière de grands cerveaux qui ont renoncé au prix Nobel de la Paix, on peut trouver cela bien excitant… »
Eheh… c’est ça : je suis tout excité !
1 Soit un parcours de manifestation uniquement autorisé, pour le samedi 4 avril, sur les routes du Port du Rhin, à l’écart du centre ville, des commerces, des habitations… et du sommet de l’Otan.