mardi 3 février 2009
Le Charançon Libéré
posté à 12h08, par
14 commentaires
Pour un peu, il le condamnerait à la pendaison haut et court, histoire de lui apprendre à échapper à une peine inique… Impossible ? Pas grave. Philippe Bilger règle par écrit son compte à Cesare Battisti. En un réquisitoire haineux, l’avocat général accuse de toutes les bassesses celui qui serait à la fois un assassin et un lâche. Un procédé aussi facile que peu respectueux de la vérité.
Philippe Bilger est comme les chevaux.
Non qu’il soit une vieille carne, mais simplement qu’il a une double casaque.
A ma droite (très à droite…), le blogueur-éditorialiste de luxe, détenteur d’un certain prestige sur le net pour des prises de position occasionnellement courageuses1, parfois iconoclastes, souvent réactionnaires.
A ma gauche (enfin… façon de parler…), l’avocat général près la cour d’appel de Paris, qui exerce régulièrement la même fonction à la cour d’assises, cette dernière l’ayant amené - explique-t-il sur son blog - « à requérir dans un certain nombre d’affaires dont quelques-unes ont eu un fort retentissement médiatique : Christian Didier -l’assassin de Bousquet -, Philippe Naigeon, Bob Denard, Emile Louis, Maxime Brunerie, Michaël Freminet (victime : Brahim Bouarram), François Besse, Hélène Castel… »
Une liste de noms comme autant de titres de gloire médiatique dont il faut croire que Philippe Bilger, magistrat qui dit souhaiter « engager le dialogue avec (ses) concitoyens sur les problèmes de justice », n’aimerait rien tant que la rallonger d’un prestigieux patronyme supplémentaire.
Celui du « terroriste » italien Cesare Battisti.
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Naseaux frémissants.
Doigts vengeurs s’agitant sur le clavier.
Regard sombre du justicier masqué.
Corps tendu de l’homme qui s’engage dans une croisade au très noble objectif.
Philippe Bilger n’a - n’en doutons pas - longuement mûri « La gloire douteuse de Battisti », billet publié hier sur son blog puis repris par Marianne2.
Texte dans lequel il s’en prend très violemment à l’ancien activiste ayant trouvé refuge au Brésil, accusé d’être à la fois un lâche, un menteur et un quadruple assassin.
Et au cours duquel il se fait le porte-drapeau des affirmations de la justice italienne dont il devrait pourtant savoir - pour peu qu’il ait lu quelques livres d’histoire et d’occasionnels journaux - combien il est malaisé de lui faire confiance quand il s’agit de solder les années de plomb.
Bref : Philippe Bilger se fait vengeur, épistolier se muant en procureur général et requérant du haut de son blog la condamnation du prévenu.
Et peu lui chaut - peut-être une déformation professionnelle ? - d’apporter une quelconque preuve à ses accusations incantatoires.
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Un assassin, Cesare Battisti ?
Forcément !
Et l’avocat général près de la Cour d’appel de Paris ne s’embarrasse pas de faux-semblants pour l’écrire : Cesare est un « homme de fuite, son obsession est de demeurer sans cesse dans ce halo brumeux, littéraire et mondain qui évite l’affrontement brutal et impitoyable avec la réalité des quatre meurtres auxquels il a participé en Italie, en 1978 et 1979, avec ses camarades des Prolétaires armés pour le communisme ».
Paragraphe qui fait tout aussi joyeusement l’impasse sur les dénégations du principal concerné que sur les conditions pour le moins contestables du procès par contumace qui lui a valu d’être condamné à la réclusion perpétuelle à perpétuité en 1988.
Au premier rang desquelles des preuves matérielles inexistantes, un procès instruit à charge et une évidente volonté politique de faire des anciens activistes d’extrême-gauche les boucs émissaires d’une époque d’abord marquée par les coups bas de l’Etat italien et par les attentats de l’extrême-droite.
Des éléments qui devraient pourtant titiller une certaine fibre légale chez Philippe Bilger.
Lequel ne compte à l’évidence pas s’arrêter à de si basses considérations.
Et va même jusqu’à citer - comme si cela constituait une preuve de quoi que ce soit… - une déclaration de Pietro Torno, procureur adjoint du parquet de Turin : « Personne ne peut soutenir qu’il est innocent. »
Que voulez-vous ?
Entre procureurs, on se se serre les coudes…
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Mais l’avocat général ne se contente pas de présenter comme évidente une réalité qui ne l’est pas du tout.
Ni d’accorder foi à une justice instrumentalisée.
Non : confortablement installé derrière son ordinateur, il se fait aussi juge moral du comportement de Battisti.
Accusant ce dernier de manquer de solidarité à l’égard de ses anciens compagnons d’activisme, au motif qu’il n’aurait pas dû pointer de douteux témoignages extorqués par des méthodes bien peu légales.
Non plus qu’il ne devrait fuir sa condamnation, tant il est évident que Cesare Battisti - s’il est homme de parole - rentrerait en Italie pour se laisser enfermer à vie dans un sombre cachot.
« L’avenir, probablement, va lui permettre de remettre sur le métier une gloire douteuse. Il exploitera ce qui lui est advenu depuis qu’il a quitté la France. Ses partisans inconditionnels (facile quand on oublie le poids des morts et des souffrances qui, avec d’autres, lui incombe !) vont continuer à porter l’homme et l’écrivain aux nues, termine Philippe Bilger après quelques considérations oiseuses et sans intérêt sur le supposé rôle des services secrets et de Carla Bruni dans l’exil de Battisti au Brésil. Il publiera encore des romans policiers qu’on se fera un devoir et un honneur de vendre en France. Il sera invité au Brésil ou ailleurs à la télévision. Il vivra et fuira à l’abri. Faux persécuté comblé. »
Et de conclure, en un si facile effet de manche qu’il ne convaincrait sans doute pas le plus abruti des jurys populaires : « Mais sa conscience ? »
Hein : sa conscience ?
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Je ne sais si Cesare Battisti dort bien ou mal la nuit.
De même que j’ignore - à l’évidente différence de Philippe Bilger - si l’ancien activiste se voit comme un homme « comblé » et à « l’abri », lui qui depuis vingt ans vit avec une épée de Damocles au-dessus de la tête.
Je sais par contre combien sont contestables les conditions des procès qui - d’appel en cassation - ont condamné un homme à l’emprisonnement à perpétuité.
Tout autant que j’ai eu vent de ce climat délétère italien, un pays entier ne cessant d’appeler à la vengeance contre d’anciens militants tout en refusant ce nécessaire débat national sur la responsabilité de l’Etat dans les années de plomb et la stratégie de la tension.
Mais Philippe Bilger - procureur dans la vie, procureur sur son blog - s’en fiche : il préfère hurler avec les loups.
Vous savez quoi ?
Ce procureur général est comme l’école en juillet.
Il n’a aucune classe…
1 A commencer par de salvatrices attaques - reconnaissons-le - contre ce à quoi Nicolas Sarkozy et Rachida Dati prétendent réduire la justice.