mardi 16 septembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 11h11, par
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Truelle en main, Christine Boutin posait hier en Seine-et-Marne la première pierre d’un programme de 14 maisons à 15 € par jour. Mais la ministre s’est bien gardée de préciser que ces demeures censées permettre l’accession à la propriété des ménages modestes coûtaient en réalité la bagatelle de 140 000 €. Un oubli révélateur de bien d’autres mascarades.
Il est de la sémantique comme en toute chose : seule l’appellation fait loi.
Et Christine Boutin, grande prêtresse de l’illusion, l’a parfaitement compris.
Reprenant un concept cher à un autre grand baratineur devant l’éternel, son collègue Jean-Louis Borloo aka je-suis-pilier-de-comptoir-au-café-du-commerce, la dame ne cesse ainsi, depuis plus de six mois, de faire du vent autour du projet de maison à 15 € par jour en promettant de faire « tomber les tabous ».
Et elle multiplie les actions pour faire accroire que cette « France de propriétaires », voulue par Nicolas Sarkozy, est l’horizon immobilier de demain.
En même temps que la réponse aux difficultés de logement des Français les moins fortunés.
Une galejade médiatique, qui tourne à la farce de mauvais goût.
A l’exemple de cette première pierre d’un programme de 14 maisons à 15 € par jour, posée lundi devant les caméras à Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne.
Et dont on apprend, au détour d’une brève du Parisien, que la facture réelle pour ceux qui rêvent d’un « home, sweet home » à bas prix atteindra la somme coquette et conséquente de « 140 à 160 000 € ».
Ce qui fait un rien cher pour des smicards.
Quand même…
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Mais l’arnaque fondamentale de la maison à 15 € est ailleurs que dans cette présentation fallacieuse d’une maison permettant aux ménages modestes, invités à s’endetter sur 40 ans, de se loger à bas-prix.
Et se révèle bien plus pernicieuse qu’un mensonger battage médiatique.
A tel point que le seul « tabou » qui pourrait en faire les frais n’est pas celui de l’accession des pauvres à la propriété.
Mais l’obligation faite aux villes de plus de 3 500 habitants de respecter la loi sur la Solidarité et le renouvellement urbain (SRU) et de d’inclure sur leur territoire 20 % de logements locatifs sociaux.
Une contrainte qui hérisse bon nombre de coeurs généreux de l’UMP, à commencer par l’édile de la si modeste ville de Neuilly, et se trouve gravement menacée par un projet de loi de Christine Boutin.
Articulé sur « quatre grandes priorités : construire plus de logements, favoriser l’accession populaire à la propriété, permettre l’accès au parc de logements HLM à plus de personnes, et lutter contre l’habitat indigne », le texte, qui sera présenté au parlement d’ici quelques semaines, prévoit notamment de comptabiliser dans les 20% de la loi SRU les habitations en « accession aidée à la propriété ».
A l’image de la maison-à-15 €-qui-en-vaut-en-fait-140 000.
Un joli tout de passe-passe.
Dénoncé par l’un des seuls hommes dignes de l’UMP, Etienne Pinte, dans un rapport rendu il y une dizaine de jours.
Lequel démolit par la bande le projet de loi de Christine Boutin, invitant plutôt à « améliorer l’application de la loi SRU », et à « rendre obligatoire » dans les communes récalcitrantes « la réalisation d’au moins 30 % de logements sociaux dans l’ensemble des programmes de construction de l’année ».
Une proposition tellement utopique, au regard des positions du gouvernement, qu’on pourrait se demander si Etienne Pinte sait bien à quel parti il appartient.
Et s’interroger sur la place de ce trublion jamais écouté au sein d’une majorité qui, sous couvert d’inciter à la propriété, ne fait que réduire un peu plus la solidarité nationale.
Se payant en plus le le luxe, avec ses annonces médiatiques mensongères, de nous prendre pour des ballots.
A tel point qu’il faut donner raison à Christine Boutin, récemment soucieuse d’affirmer qu’elle n’était pas cette vieille dondon conservatrice et dangereuse qu’on se figure.
C’est vrai : elle est encore pire.