mardi 12 janvier 2010
Le Charançon Libéré
posté à 12h36, par
30 commentaires
Je ne trouvais déjà pas le monde bien rose. Mais depuis que j’ai appris, par le bien informé Corse Matin, qu’un immonde salopard avait osé s’en prendre au chien de Guy Bedos, j’ai perdu tout appétit de vivre. Je cauchemarde et déprime. Comment dis-tu ? Des choses plus importantes ? Des infos plus essentielles ? Des faits plus dramatiques ? Rhôôô, je ne vois pas…
C’est une abominable tragédie.
Et cela valait bien une page dans Corse Matin.
Malo, « un jeune cursinu déniché il y a trois ans dans un refuge de Calvi », s’est pris une balle dans le museau à Lumio, où Guy Bedos possède une maison secondaire.
Drame !
Ni une ni deux, le comique a décroché son téléphone pour en faire part à la rédaction, puis s’est attelé à l’écriture d’un communiqué propre à dire toute sa peine dans les pages du journal.
Et Corse Matin a su trouver le rubriquage adéquat à une telle nouvelle - « Assassinat », rien de moins… - et les mots pour dire la perte d’un chien profondément corse, puisque « calme, intelligent et fier, pourtant méfiant vis-à-vis des étrangers ».
Je suis - comme toi - ému et indigné par cet acte lâche et vil (mais pas autant, quand même, que l’humoriste dans sa bafouille : « Pour nous, désormais, victime et martyr de la folie des hommes, il sera Saint Malo. Pour toujours. »)
Et ce n’est qu’une maigre consolation de penser que la presse régionale corse a su ne rien lâcher face à la modernité, conservant toute son expertise en ce qui concerne les chiens écrasés.
Je ne sais si Malo était aussi un chien d’arrêt - mais tous les chiens corses, « intelligents et fiers », ne sont-ils pas d’ardents chasseurs ?
Le cas échéant, il n’eut manqué de mener efficace besogne, crocs en avant et bave aux lèvres, en la ville italienne de Rosarno1, pour pourchasser ces basanés osant hérisser l’échine quand ils ne sont autorisés qu’à la courber sur de modernes champs de coton.
Un renfort bienvenu, tant les Italiens manquent de chien de garde et de chasse pour maintenir cois ces gens de couleurs qu’ils traitent pis que des clebs.
Et Le Progrès - autre quotidien régional de haute volée - ne dit pas autre chose, avec ce titre incroyable (la chose a été dénichée par Guy M, je ne peux que te recommander la lecture de son (excellent) billet) : Une chasse aux immigrés dans le sud de l’Italie vire au drame…
C’est cela : un accident de chasse.
Et si la battue a cette fois tourné au tragique, il ne faudrait pas pour autant jeter l’opprobre sur toutes les chasses aux immigrés : il en est de tout à fait respectables, qui se jouent selon les règles et ne se finissent pas trop dramatiquement.
Je suis rassuré.
Tu vois : il ne faut pas se laisser abattre (enfin : façon de parler…).
Et tout n’est pas si noir.
Il se trouve encore des hommes de bonne composition pour s’indigner de l’exécution du fidèle compagnon d’une célébrité.
Et d’autres qui se refusent à voir la traque aux immigrés dépasser certaines limites, à commencer par un souverain pontife, monté au créneau pour rappeler aux Italiens que « l’immigré est un être humain à respecter ».
Peut-être es-tu trop sensible, toi qui t’émeus qu’une telle évidence puisse nécessiter la prise de position d’un commandeur des croyants par ailleurs bien peu calé sur la question du respect des « êtres humains » ?
Peut-être - aussi - es-tu trop anxieux, toi qui t’effarouches de voir combien notre société occidentale ne cesse de faire davantage preuve de vile barbarie et détestable médiocrité ?
Sans doute - enfin - es-tu trop pessimiste, toi qui énumère tous les signes et indices d’une fin prochaine, mêmes causes produisant les mêmes effets, comme si le destin de l’homme - chien de Pavlov des plus abrutis - n’était que de répéter les mêmes cycles de haine et de bêtise ?
Qu’importe : cela te regarde, je ne tomberai pas dans les mêmes travers.
Et de ce billet, je ne retiendrai qu’une chose, positive et pleine d’espérance : la prise de position papale.
Que veux-tu ?
Je n’ai pas oublié qu’il n’y a pas si longtemps, la fière et respectable église catholique ne considérait pas tous les êtres humains sur un même pied d’égalité.
Et traitait les gris, noirs ou jaunes pis que des chiens.
C’est cela : on progresse.
1 Tu auras noté, bien entendu, qu’il n’est pas loin de la Corse à l’Italie du Sud. Pas géographiquement, mais en ce qui concerne le traitement réservé à ceux qui ne sont pas « de souche ». Comment disent-ils déjà, partout et en tous lieux ? Ah oui : « I Arabi Fora ».