dimanche 12 octobre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 09h53, par
12 commentaires
Un constat : le capitalisme est mort. Et une invite : bougez-vous les fesses pour que le monde à naître soit celui dont vous rêvez. Dans Le Monde, le sociologue américain Emmanuel Wallerstein livre une réflexion salutaire, énonçant clairement que la crise permet une inespérée remise à plat du système et qu’elle est la plus belle des chances à saisir. Ça fait du bien.
Il est rare que la lecture du Monde me réjouisse.
Souvent, elle m’indiffère.
Parfois, elle me donne à réfléchir.
De temps en temps, elle m’énerve.
Mais jamais jusqu’ici, je n’avais relevé le nez d’un des articles du quotidien avec un grand sourire de contentement, heureux et requinqué par ce qui m’avait été donné à lire.
Il faut un début à tout.
Pour moi, ce sera la lumineuse interview d’Immanuel Wallerstein, publiée hier sur le site du journal.
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L’intervention de ce sociologue américain, figure reconnue de l’altermondialisme (si tant est que ce pseudo-mouvement foutraque et plutôt horripilant existe…) et théoricien d’un « système monde » classifiant la planète en centres, semi-périphéries ou périphéries au service d’une idéologie capitaliste toute puissante, m’a tellement plu que je n’ai pas résisté au plaisir de vous en livrer quelques extraits (ce qui ne doit surtout pas vous empêcher d’aller lire l’entretien en entier).
Donc :
« La situation devient chaotique, incontrôlable pour les forces qui la dominaient jusqu’alors, et l’on voit émerger une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système, mais entre tous les acteurs pour déterminer ce qui va le remplacer. Je réserve l’usage du mot »crise« à ce type de période. Eh bien, nous sommes en crise. Le capitalisme touche à sa fin », explique Emmanuel Wallerstein.
Qui poursuit un peu plus loin : "Les plus intelligents, eux, ont déjà compris qu’il fallait mettre en place quelque chose d’entièrement nouveau. Mais de multiples acteurs agissent déjà, de façon désordonnée et inconsciente, pour faire émerger de nouvelles solutions, sans que l’on sache encore quel système sortira de ces tâtonnements.
Nous sommes dans une période, assez rare, où la crise et l’impuissance des puissants laissent une place au libre arbitre de chacun : il existe aujourd’hui un laps de temps pendant lequel nous avons chacun la possibilité d’influencer l’avenir par notre action individuelle. Mais comme cet avenir sera la somme du nombre incalculable de ces actions, il est absolument impossible de prévoir quel modèle s’imposera finalement. Dans dix ans, on y verra peut-être plus clair ; dans trente ou quarante ans, un nouveau système aura émergé. Je crois qu’il est tout aussi possible de voir s’installer un système d’exploitation hélas encore plus violent que le capitalisme, que de voir au contraire se mettre en place un modèle plus égalitaire et redistributif."
Enfin !
Enfin, une réflexion ne présentant plus la crise comme une source effroyable de peur et de destruction.
Mais l’appréhendant comme une opportunité, au sens économique du mot.
Une chance à saisir, inespérée, fantastique, grandiose.
Et le plus joli des coups de pouce du destin, pour peu que nous soyons à la hauteur.
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L’entretien d’Immanuel Wallerstein énonce une évidence qui aurait du frapper chacun d’entre nous : les conditions du changement sont là, hop, comme par miracle, servies sur un plateau.
Et cette remise à plat court-circuite les deux mouvements de fond qui prétendaient susciter l’émergence d’alternatives, illusions social-réformistes d’un côté (le monde changera parce que nous jouerons le jeu, le modifiant petit à petit) et convictions révolutionnaires de l’autre (le monde changera parce que nous saurons l’y obliger, en pratiquant la lutte armée ou en instaurant la dictature du prolétariat).
En un mot : comme dans un jeu vidéo dont nous aurions les codes, nous pouvons passer directement à l’étape suivante.
C’est pas beau, ça ?
J’en entends déjà crier à l’optimisme mensonger.
Et dénoncer de naïves illusions amenées à être rapidement démenties par la noire réalité.
Soit.
Mais je m’en fiche.
Aujourd’hui, je ne sais qu’une chose : le capitalisme est mort, le monde est à nous et the futur is now.
Je trouve que c’est plutôt une bonne nouvelle pour un dimanche.1
1 Repos dominical qui n’est pour une fois, notons-le, pas avare de bonnes surprises : de la non-extradition de Marina Petrella à la disparition de Jorg Haider, cette semaine eut pu plus mal se terminer. Jusqu’à John McCain qui s’est comporté avec classe (un artifice ?), semblant découvrir les forces mauvaises avec lesquelles il jouait… Ne boudons pas notre plaisir !