mardi 14 octobre 2008
En Sueur
posté à 00h19, par
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Alors que nos journaux - « L’Equipe » en chef de meute - se sont échinés pendant une semaine à nous expliquer pourquoi le renvoi de Raymond Domenech était inéluctable, voici que la marche arrière est enclenchée. Un joli numéro d’équilibriste, dont certains s’acquittent mieux que d’autres. Car un plumitif contrarié par les événements est un plumitif offensé. Le tout, c’est de ne rien en montrer.
On ne sait pas où vous en êtes, vous, avec Raymond Domenech, mais force est de constater que pour l’immense majorité, le cas du sélectionneur national a fait perdre leur boussole aux suiveurs de l’équipe de France, ces comiques troupiers qui nous annoncent depuis dix jours le goudronnage-emplumage de l’affreux Raymond, avant de se raviser, au soir du match contre la Roumanie, et de nous asséner telle une évidence que ce type-là, tout irritant qu’il est, n’en a pas moins réussi un fameux tour de force en sol roumain, de sorte, ma brave dame, qu’il n’est plus impossible, et je vais même vous dire, peut-être même que ce serait souhaitable, qu’il poursuive sa mission pendant quelques mois encore.
Eh bien…
Tant de subtilités aux fins d’initier le béotien et de retournements de situations ont de quoi laisser hébétés. Ce que nous ne manquons pas d’être, encore tout émus d’avoir lu dans « L’Equipe », la semaine dernière, pourquoi un match nul en Roumanie disqualifierait à 90% les chances de maintien au poste du sélectionneur. « L’Equipe » n’était d’ailleurs pas en reste, qui étalait sur 8 colonnes le nom du favori à la succession : Gérard Houiller, dont le journal se faisait fort de souligner les habiles manœuvres politiques qui l’avaient conduit en si bonne position.
Bon, de tout cela, ce lundi, il n’était plus question : la France venait de réaliser un nul réjouissant à plus d’un registre, « L’Equipe » venait de titrer « Nous, on a aimé », et n’allait plus se dédire - non mais. D’où cette manchette en une, au surlendemain du match : « Ça sent bon pour Raymond », préambule à de touffus articles éclairant le lecteur sur les raisons qui pousseront mercredi le conseil fédéral à confirmer leur confiance en Domenech. L’affaire semble entendue. C’est à peine si l’on emploie le conditionnel.
Au moins « L’Equipe », pratiquant la politique du doigt dressé dans la bise, a-t-il senti les vents changer. On ne peut pas en dire autant du « Républicain Lorrain », dont l’envoyé spécial en Roumanie concluait son chapeau introductif, dimanche matin, en estimant que le nul obtenu serait « probablement insuffisant au maintien de Domenech ». C’est ce qui s’appelle prendre le contre-pied de la pensée dominante, tant il est vrai que dans leur ensemble les journaux du dimanche s’étaient accordés à considérer les circonstances du résultat tricolore comme un argument suffisant au sauvetage du soldat Domenech.
Péremptoire le vendredi, en mission de diversion le lundi
Le problème, c’est que l’envoyé spécial du « Républicain Lorrain » s’était fendu trois jours auparavant d’un article sans équivoque : « Domenech : par ici la sortie ». Où il était énoncé que « la rupture entre la France et sa sélection nationale s’explique et porte un nom : Domenech. Raymond Domenech énerve. Raymond Domenech agace. Raymond Domenech désespère. Ne rayez aucune mention, elles sont toutes valables. » Puisqu’il le dit. Le journaliste ajoutait, solidement avisé : « Les Français identifient l’équipe de France à Domenech : ils détestent Domenech. » Les Français ? Vous ? Moi ? Lui ? Les Français. Donc tous les Français. Vous, moi, lui. Le peuple. Nous. D’une même voix. La détestation collective. Unanime. Puissance de l’analyse.
Là-dessus : le nul de samedi, les courants qui s’inversent, et notre journaliste isolé sur son fier îlot, d’humeur tenace, qui continue de camper sur ses prédictions. Edition du lundi : décemment, sa position n’est plus tenable. Il n’en dit rien mais le laisse transpirer à gouttes épaisses tout au long d’un papier titré « Dans le secret de l’isoloir ». « Comme tout entraîneur digne de ce nom à l’approche d’une échéance à peu près capitale, écrit-il, Raymond Domenech n’a pas dû beaucoup dormir avant de quitter Constanta. Depuis, ce sont les membres du Conseil fédéral, le gouvernement du football français, qui ne dorment plus. » On serait tenté d’ajouter que depuis, lui-même n’a peut-être pas davantage apprivoisé le sommeil…
Il n’en garde pas moins les idées claires, assez en tout cas pour verser - sans les identifier - ses probables1 erreurs de diagnostic sur le compte du peu de « lisibilité », de l’absence « d’une franche cohérence » et « d’une totale transparence » de « la politique menée au sommet du sport numéro un en France ». Autrement formulé : si ces couillons de la Fédération avaient ouvertement annoncé leurs intentions, plutôt que de noyer le poisson en laissant entendre « peut-être que », alors qu’en fait « pas du tout », eh bien, je n’en serais pas là, à pondre ces lignes pathétiques destinées à effacer de vos mémoires mes prophéties en papier mâché.
« A moins que ».
« A moins que », poursuit-il, ne soit réclamé mercredi le vote à bulletin secret, qui changerait la donne d’un scrutin couru d’avance. C’est son espoir. Son dernier espoir d’avoir raison. Seul contre tous. « Cette fois, place à la démocratie, la vraie », ordonne-t-il à ces couards du conseil fédéral. Mais gare. Car « au pays du 21 avril 2002, on sait tout de l’immense courage qui peut soudain saisir le votant, dans le secret de l’isoloir ».
Quel rapport, demandez-vous ? Euh... on ne voit pas. L’auteur non plus, sans doute. Mais bon : ça divertit. C’était bien le but, non ?