ARTICLE11
 
 

lundi 16 février 2009

Invités

posté à 00h35, par Leticia García Pérez
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Les Femmes et la révolution sociale bolivienne : « Basta de injusticias ! »
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25 janvier 2009, jour historique pour la Bolivie : le peuple approuve le projet de nouvelle constitution du gouvernement Morales. Une étape supplémentaire, signant le triomphe d’une politique sociale et anti-coloniale, permis aussi par l’engagement des femmes boliviennes. Notre invitée du jour s’est penchée sur le sujet dans un article publié en Bolivie et traduit avec sa bénédiction.

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Bartolina Sisa fut une héroïne Aymara, considérée comme la reine des Incas. Elle dirigea à partir de 1781, avec son mari le grand chef de guerre Aymara, Tupac Katari, une insurrection indigène contre la domination et les outrages des espagnols, ainsi que des créoles et des métisses à l’encontre de son peuple. Elle fut assassinée le 5 septembre 1782, à La Paz, à seulement 26 ans, après une année de prison, de mauvais traitements et de tortures. Bartolina faisait partie de celles qu’on appelait Mama T’allas, des femmes dôtées d’autorité, guerrières, et considérées comme les égales des hommes. Selon la philosophie Aymara, les deux sexes sont complémentaires et le principe dominant est celui du Tinku, c’est à dire de la solidarité de l’ Allyu1. Son sacrifice reste un exemple pour les femmes indigènes et pour les peuples originels dans leur lutte pour l’émancipation définitive.
Le 15 octobre 2008, une grande marche fut organisée, entre Caracollo et La Paz (plus de 200 kms de distance), pour manifester en faveur de l’approbation au congrès de la loi convoquant le référendum constitutionnel (qui se déroula environ 3 mois plus tard, le 25 janvier 2009). Parmi les participants à la marche, beaucoup de femmes, avec leurs propres revendications et la conviction que la nouvelle constitution ne peut être que bénéfique à leur combat. La plupart se considérant comme les héritières de Bartolina Sisa et de sa lutte pour l’émancipation des peuples indigènes. Le compte-rendu de cette marche me semble garder toute son actualité, quatre mois après la parution de l’article.

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Bartolina Sisa

Plus de 200 ans se sont passés depuis la lutte de Bartolina Sisa pour l’émancipation de ses frères et soeurs de race qui ne souffraient pas seulement des outrages et humiliations infligés par les blancs européens, principalement espagnols - autorités, clergé, militaires etc. - mais aussi des tortures humiliantes infligées par les créoles et métisses au service des colonisateurs. L’image de cette héroïne reste profondément gravée dans la mémoire de ses « filles » des peuples originels.
De nos jours, les héritières les plus directes de Bartolina continuent la lutte pour la reconnaissance de leurs revendications en tant que femmes, indigènes, paysannes, étudiantes et professionnelles, ainsi que pour la sauvegarde de leur culture ancestrale et pour sa visibilité dans le processus de changement.
Lors du premiers Sommet Social des Femmes Boliviennes, à Sucre, en août de cette année (2008), qui avait réuni des femmes de tout le pays, des zones rurales et urbaines, de l’Ouest et de l’Est, contre la discrimination et le racisme, les femmes participantes avaient posé les bases de leur action en tant que citoyennes : « Les femmes sont le pilier fondamental de leur foyer et de la communauté, il est nécessaire de prendre en compte leur apport ; le racisme et la discrimination doivent être expulsés de Bolivie ; la démocratie est le seul instrument à même de valider leur participation à la société. »

Les femmes ont joué un rôle remarquable dans l’élaboration de la nouvelle constitution2. Et une fois de plus, elles ont décidé de quitter leur foyer et leur travail pour participer à la grande marche pour l’approbation au congrès de la loi de convocation du référendum constitutionnel, afin que les boliviens puissent se rendre aux urnes pour approuver, ou non, le texte élaboré à Sucre par l’assemblée constituante.

Ce jour là, les femmes participant à la marche avancent côte à côte avec leurs compagnons paysans, indigènes, mineurs, cocaleros3..., avec leurs fils et petits-fils, le front haut, habitées de cette profonde conviction qu’il est grand temps de délivrer leur peuple du fardeau de l’oppression.
« Depuis 2000, les femmes ont toujours participé à la lutte. Bientôt vont se présenter des propositions de loi qu’il faudra approuver par oui ou par oui », affirme ainsi Luisa Villca, dirigeante de la fédération Bartolina Sisa des femmes de Bolivie4.
« La nouvelle constitution reconnaît les droits de la femme dans 16 articles, chacun d’eux mettant en avant le rôle que nous jouons dans la société », commente une autre militante de l’organisation. « Nous souhaitons que la loi soit approuvée : on ne peut pas rester bloquées au milieu. Nous ne reviendrons pas les mains vides », avertit une autre.

"Nous souhaitons que la loi soit approuvée : on ne peut pas rester bloquées au milieu. Nous ne reviendrons pas les mains vides

Sur le chemin, au milien des manifestants, se trouvent trois professionnels de la santé, avec leur uniforme. Pour eux, le processus de changement ne peut pas se passer autrement que par la constitution : « La santé devrait être universelle, gratuite et de qualité », commentent-ils.
Plus loin, une ancienne confesse qu’elle marche pour que ses fils/filles, petits-fils/petites-filles ne souffrent pas comme elle. Elle parle un espagnol métissé de Quechua, compliqué à comprendre. Soudain, elle fixe ses yeux noirs dans les miens, élève sont front dans un geste de dignité et émet un cinglant « Basta de injusticias ! »
Hortensia Choqua est une adolescente de 17 ans, bloquée dans un fauteuil roulant depuis son enfance : « dans cette nouvelle constitution, il y a une loi pour les handicapés. Pour que change la Bolivie, il faut à tout prix l’approuver », affirme-t-elle.
« Il n’y a pas d’autre solution » pointe Susana Córdoba, une femme d’âge moyen, dont les parents et le frère sont malades, et qui vit avec trois enfants : « Nous ne sommes pas des animaux, on ne nous traitera plus comme des chiens. Nous lutterons jusqu’à l’ultime conséquence. »

« Nous ne sommes pas des animaux, on ne nous traitera plus comme des chiens. Nous lutterons jusqu’a l’ultime conséquence. »

Jeanette Villegas, de la fédération Bartolina Sisa considère que le plus important dans le texte constitutionnel, c’est la reconnaissance des cultures ancestrales, c’est à dire, la participation des plus jeunes et des femmes et la reconnaissance de leurs droits, ainsi que l’autonomie indigène et les avancées sociales, comme l’éducation gratuite et obligatoire jusqu’au baccalauréat.
« Aujourd’hui plus que jamais, la Bolivie se mobilise pour défendre la démocratie et refonder ce pays. Le peuple bolivien va choisir, ira aux urnes, et pas vers les armes. La seule chose qui nous manque, c’est l’unité du peuple révolutionnaire », déclare Leonilda Zurita.

« Le peuple bolivien va choisir, ira aux urnes, et pas vers les armes. La seule chose qui nous manque, c’est l’unité du peuple révolutionnaire. »

Au sein de la marche, il y a des jeunes mères avec leur rejeton, des anciennes, des paysannes, des professeurs, des politiques, des étudiantes, tous unies pour une cause juste : l’approbation au congrès de la loi sur la convocation du référendum constitutionnel pour définir, pour la première foi depuis 185 ans d’histoire politique5, l’approbation ou non du texte qui trace la voie d’une nouvelle bolivie.
Rapellons le : jusqu’à maintenant, les constitutions qui avaient régi la Bolivie avaient été rédigées par l’oligarchie bourgeoise et servaient uniquement ses intérêts.

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Cet billet est la traduction (par Lémi) d’un article de Letitia García Pérez publié en octobre 2008 dans l’hebdomadaire communiste de La Paz, La Epoca (l’original est ici). Merci à elle, pour sa participation à la traduction et pour avoir accepté de rédiger une introduction présentant Bartolina Sisa et resituant l’article dans son contexte.
Photos de Lémi, hors contexte évidemment.


Récapitulatif de la série « Autour du référendum Bolivien » :
1 : 19 h à Paris, 14 h à La Paz : ce dimanche, la Bolivie vote. Enjeux.
2 : « Ici et aujourd’hui se finit l’état colonial » : le deuxième triomphe (modéré) d’Evo Morales.
3 : René Dávila : « En Bolivie, il y a une vraie révolution en cours. »



1 Forme de « clan » dôté de ses propres règles et très important dans l’organisation sociale Aymara.

2 Rappelons qu’à la tête de cette assemblée constituante, Silvia Lazarte, femme d’origine indigène, a joué un rôle de tout premier plan.

3 Les cocaleros sont les paysans cultivant la feuille de coca, très nombreux en Bolivie.

4 Toutes les fédérations Bartolina Sisa, 9 au total (une par département), participaient à la marche.

5 C’est à dire depuis l’indépendance de la Bolivie.


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