vendredi 19 juin 2009
Le Cri du Gonze
posté à 09h51, par
20 commentaires
Outre le nanisme (Louis XIV faisait 1m61 tout mouillé) et le port de talonnettes, notre président et le regretté roi Soleil partagent un joli nombre de points communs : un amour immodéré du pouvoir, une cour servile prête à tout pour obtenir une faveur et… une inclinaison pour le faste versaillais. Rencontre post-mortem avec le prédécesseur du roi Sarkozy, fervent supporter de sa politique.
Tu n’es pas sans le savoir, fidèle lecteur, Article 11 dispose de quelques connexions bien utiles avec l’au-delà. Pas de tables qui tournent cependant, ni de marabouts surpuissants ou de princes du vaudou présents à nos réunions, juste quelques informateurs de l’autre monde bien disposés envers notre modeste entreprise. Certains ont des informateurs au gouvernement ou dans les ministères, nous c’est au ciel, voilà tout. D’où ce fantastique service « Courrier de l’au-delà » qui a fait notre réputation. Et d’où - itou - cette interview exclusive avec Louis XIV, ex-roi Soleil de son état et qui souhaite prodiguer à son jeune poulain, Nicolas De France (c’est ainsi qu’il l’appelle), quelques encouragements avant sa prestation très attendue de lundi à Versailles devant les parlementaires. Après tout, c’est sur ses terres que cela se passe...
Par commodité, nous avons choisi de retranscrire le langage un tantinet poussiéreux du roi soleil en français actuel. Puisqu’il n’est pas question de style, mais de politique, cela semblait indiqué.
Sire, on dit que vous concevez un certain attachement pour la politique du président français…
Et bien, je ne le cacherais point, il m’inspire beaucoup de sympathie. Je le vois un peu comme un descendant de ma personne, comme un roi soleil en puissance. Dans un système politique qui avait bassement évacué toute idée de royauté et d’absolutisme, ça fait plaisir à voir. Il a réintroduit dans votre époque, en les modernisant, des éléments qui étaient abandonnés depuis longtemps. C’est le premier à vraiment revenir sur 1789, cette honteuse période de l’histoire où l’on assassinait l’envoyé de Dieu sur Terre.
Quels éléments précis vous poussent à ce constat ?
Oh, ils sont trop nombreux pour être listés. Vous savez, je pense qu’il aurait fait un très bon roi Soleil, il n’est pas né à la bonne époque le pauvre. Du coup, il ne peut pas aller aussi loin que moi. Mais il persévère.
Déjà, il y a cette mise en scène de la vie quotidienne. Je me rappelle des termes employés (ici ) : par votre péronnelle en chef, une dame qui ne méritait pas son nom de Royal : « Nicolas Sarkozy a choisi de faire des évènements de la vie privée des évènements publics, comme Louis XIV : vous avez le petit matin du roi, le déjeuner du roi, le coucher du roi, les maîtresses du roi ». Elle voyait ça comme quelque chose de négatif. Alors que non, bien sûr, il s’agit juste de redonner sa puissance d’antan au faste royal. Pour bien gouverner, il faut incarner le royaume dans toutes ses actions, même sur le trône, même dans la chambre nuptiale, même en nourrissant des canards. Il n’en est pas encore là, mais il y avance à pas de géants.
Et puis, il a cette manière de condenser tous les pouvoirs en lui en suscitant la servilité qui m’impressionne au plus haut point. Il ne s’embarrasse pas de scrupules : l’État, c’est lui, il le clame haut et fort. Et la séparation des pouvoirs ne lui inspire que mépris. D’ailleurs, il se contente de faire ce pour quoi il est né, commander. Comme je l’écrivais il y a quelques siècles : « La décision a besoin d’un esprit de maître ; et il est sans comparaison plus facile de faire ce qu’on est, que d’imiter ce qu’on n’est pas. » Nicolas de France fait ce qu’il est, n’imite personne. Ça le rend imperméable à la critique, il n’évoluera jamais. C’est évidemment son point fort.
C’est la première fois qu’un président français de la Ve république fait un discours aux parlementaires, qui plus est à Versailles, votre création. Ça doit vous inspirer une légitime fierté.
Bien sûr. Avec la construction de Versailles, il s’agissait pour moi de domestiquer la noblesse de France. J’écartais ses membres de leur point d’ancrage, je les mettais à nu sur mon terrain, ils n’avaient plus qu’à se prosterner. C’est ce qui va se passer lundi prochain. La soumission n’aura pas été si forte depuis très longtemps : c’est bien pour la France, l’absolutisme revient nous illuminer.
Il y a bien quelques idiots pour cracher dans la soupe, mais la majorité ne résistera pas à ce genre de fastes. Les lumières éblouissent et c’est un excellent moyen de réunifier une classe politique divisée. Dans mes mémoires, je le disais déjà : « Il faut de la force assurément pour tenir toujours la balance de la justice droite entre tant de gens qui font leurs efforts pour la faire pencher de leur côté. » Ils sont ainsi nombreux à essayer de faire pencher la balance de leur bord, c’est naturel, mais dans ces conditions ils sont bien forcés de se rallier à l’ordre triomphant. La balance de la justice n’en que plus droite.
Le faste versaillais (230 000 € selon Le Canard enchainé), alors que la France traverse une grave crise financière et sociale, ça ne risque pas de faire jaser ?
Vous savez, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la meilleure manière de gouverner, surtout en temps de crise, c’est d’en mettre plein la vue. Pourquoi est-ce qu’on se rappelle encore de Néron ? Parce qu’en pleine décadence, alors même que sa cité brûlait, il ne trouvait rien de mieux à faire que de jouer de la lyre pour épater l’assistance…
Ça me fait d’ailleurs penser à votre Mme de Maintenon à vous, l’intrigante n°1, Madame de Bruni : quand tout va mal, il faut toujours un barde pour évacuer le dramatique. Et un bouffon pour distraire le peuple. Madame de Bruni est le barde, Monsieur de Lefebvre est le bouffon. Avec eux, Nicolas de France peut dormir sur ses deux oreilles.
Est-ce que le cour actuelle du roi Sarkozy égale en servilité celle de votre règne ?
Les règles ont changé, il est moins de mise d’affirmer sa soumission. Et pourtant, que ce soit dans les médias ou dans les salons où se joue la politique, ils sont très peu à ne pas céder aux règles de la flatterie. Les courtisans se recrutent d’ailleurs jusque dans les cercles de ses prétendus ennemis, c’est très parlant. En public, ils ne se livrent pas trop à des démonstrations de servilité, mais j’imagine fort bien quelle ambiance doit régner en privé : la cour s’est modernisée mais elle n’a jamais été aussi présente.
Pensez vous que Nicolas Sarkozy sera à la hauteur de l’enjeu ?
La question n’est pas là. Ce qui compte, avant tout, c’est le cadre et le muselage des voix discordantes. Pour le cadre, c’est gagné, on n’a jamais fait mieux que Versailles pour symboliser le pouvoir personnel - je dis ceci avec une légitime fierté. Et pour l’opposition, ça ne devrait pas poser de problèmes : on n’entendra qu’une seule voix, celle de votre souverain.
J’avais beaucoup ri lors de la mise en place de la modification constitutionnelle qui permet à votre président de parler devant les assemblées. Il y a un député de l’opposition, un certain Badinter, qui avait formulé cette remarque : « Le public verra le Président physiquement en chef de la majorité. Que devient le Premier ministre, dans ce cas-là, tout petit sur son banc parmi les ministres ? » Il n’avait pas tort. Même le deuxième homme politique du royaume n’est rien face au pouvoir absolu. C’est une évolution que j’appelais évidemment de mes vœux. L’histoire se répète : « Le roi est mort, vive le roi ! »