Luc Chatel, très inspiré porte-parole du gouvernement, est le parfait remède à la morosité ambiante. Quand d’autres parlent de crise financière ou de grippe porcine, lui remet le débat sur des rails moins pragmatiques. Foin de ces contingences matérielles, place à la Pensée ! Et là, il n’y va pas par quatre chemins, voyant dans son mentor Sarkozy une des lumières de ce siècle. On pouffe.
La radio libre FPP m’a gentiment proposé de faire une petite chronique hebdomadaire, le jeudi à 12 h 30. Comme je ne recule devant rien, je vous la copie-colle ici.
Cette chronique va être très courte, brève et succincte.
Ce n’est pas vraiment ma faute, je plaide non-coupable et n’hésite pas - même - à en reporter la responsabilité sur le porte-parole du gouvernement - Luc Chatel, pas moins, appréciez la cible, on n’est pas des petits joueurs - , porte-parole qui en répondra - je n’en doute pas - devant le Conseil des émissions de FPP, organe autogestionnaire de la radio.
Ce tribunal des justes saura juger, comme il convient et avec la plus extrême des sévérités, le véritable acte de sabotage commis par le bonhomme, lequel a réussi l’exploit de tant me faire rigoler, ce matin, que je n’ai pas réussi à aligner deux mots ni trois pensées cohérentes.
Carrément étouffé par le rire.
Complètement paralysé par une poilade d’anthologie.
Et si dévasté par ce qui devrait rester - espérons-le - comme l’un des grands moments d’humour de cette Ve République flageolante que j’en tremble encore un peu, prêt à tout moment à me remettre à braire comme un âne hystérique en phase terminale de la grippe porcine.
Bref, il faut que je partage ça.
En espérant que ça vous fasse rire aussi un peu, ou à tout le moins que ça suscite un petit sourire sur vos figures marquées par l’attente de cette insurrection qui ne vient pas.
Donc : c’était hier1 à l’Elysée, lors d’un des points presse réguliers que tient le porte parole du gouvernement, lequel s’était lancé dans un vibrant hommage envers le locataire de l’Elysée, éloge fort naturel puisque ce dernier célèbre ses deux ans de règne.
Et Luc Chatel laissait couler le doux miel de son admiration pour le président en autant de phrases joliment troussées, énumérant sans fin une longue litanie de louanges et de remarques énamourées, n’oubliant aucune de ces grandes avancées que notre pays doit à l’action du plus glorieux réformateur que le monde ait connu depuis Margaret Thatcher et Augusto Pinochet.
Un panégyrique crescendo, jolie montée en puissance dans le cirage de pompe, jusqu’à ce que le porte-parole du gouvernement s’écrie, en guise de bouquet final : depuis deux ans, grâce à Sarkozy - écoutez bien ça déchire du steak plus fort que la grippe mexicaine - depuis deux ans grâce à Sarkozy, a t-il déclaré, c’est « l’histoire de la pensée universelle française qui redémarre. »
Rien de moins : « l’histoire de la pensée universelle française qui redémarre. »
Sa mère la pute, Hugo, Jaurès, Zola et Sartre ont adhéré à l’UMP, et je n’étais pas au courant…
Après m’être longuement poilé, je me suis quand même posé quelques questions.
Et pas seulement celle de savoir où Luc Chatel pouvait bien se procurer ce qu’il consomme le soir en cachette, ça a l’air drôlement puissant, j’aimerais vachement avoir le même fournisseur que lui : t’en prends juste un peu et paf, le monde s’illumine de 1 000 soleils, les oiseaux chantent la gloire de Sarkozy et la France projette ses lumières glorieuses sur le monde émerveillé et un peu jaloux.
Pas seulement ça, donc, mais aussi en quoi pouvait bien consister cette fichue « histoire de la pensée universelle française » qui fait comme la chenille de la chanson et redémarre.
J’ai pensé à Sarkozy, égotiste maladif et inculte si patenté qu’il croit encore que Barbelivien, Gilbert Montagné et Doc Gyneco incarnent la fine fleur de la musique française.
A ses fieffés lieutenants, tous plus idiots et dangereux les uns que les autres, gens si occupés à fomenter des mauvais coups qu’ils n’ont jamais dû ouvrir un bouquin de leur vie.
Aux militants de l’UMP, citoyens de peu qui n’ont d’autre souffle et espoir à proposer que celui de l’égoïsme et de la matraque, fort de cette conviction fermement ancrée - à force de télévision en intraveineuse - que le monde n’est fait que de casseurs en puissance et de profiteurs des minimas sociaux.
Aux hommes chargés de faire respecter le nouvel ordre présidentiel, forces de répression autorisées à tous les abus de pouvoir et à toutes les bassesses, uniformes si empressés à pourchasser les clandestins, à bastonner les citoyens et à démolir les gauchistes qu’ils n’ont - en matière de pensée - que Raymond Marcelllin, ministre de l’Intérieur des années 1970 joliment surnommé Raymond la matraque, comme référence.
Et à tous ces gens qui ont réussi, à force d’efforts constants et de trahisons perpétuelles, à faire de ce pays un lieu si sinistre et démoralisant que le mot « penser » y est presque devenu une injure.
J’ai pensé à tous ceux-là.
Et puis j’ai songé à nouveau à Luc Chatel, chantonnant sur l’air de « la pensée universelle française qui redémarre ».
Ça a été plus fort que moi : je me suis mis à rire à nouveau, aussi amer qu’effaré.
Et c’est pour ça que cette chronique, déjà fort bancale, n’a pas de chute.
Ceusses qui ne seraient pas contents n’ont qu’à s’adresser au crétin qui sert de porte-parole au gouvernement.
Ps. Pour cause de matériel informatique récalcitrant, la version audio n’est pas disponible cette semaine.