jeudi 8 janvier 2009
Le Charançon Libéré
posté à 12h21, par
20 commentaires
En apparence, deux histoires bien différentes. D’un côté, la Licra s’indigne de la diffusion par France2 d’une vidéo erronée sur le conflit en Palestine et demande des « sanctions exemplaires ». De l’autre, le Mrap se porte au secours de Karim Achoui, avocat condamné dans le cadre du procès Ferrara. Rien à voir ? C’est selon… Ces prises de position illustrent pourtant parfaitement le dévoiement de ces deux associations. Dommage.
On ne devrait même plus être surpris
Tant certaines associations s’ingénient de longue date à se saborder.
Et à renier les nobles causes qu’elles s’étaient, en des heures plus glorieuses, fixées comme horizon.
Mais quand même…
Il est toujours triste de voir combien le communautarisme et la mauvaise foi l’emportent sur des combats universels.
Et combien les sigles ronflants de ces mêmes associations ne signifient plus grand chose.
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Il fut une époque où la Ligue internationale contre l’antisémitisme et le racisme (Licra), fondée en 1926, incarnait le meilleur de l’esprit humain.
Réunissant talents et bonne volonté.
Et choisissant dignement ses causes et ses combats.
Las : ce temps est bien fini.
Et la Licra ne cesse de s’envaser loin de son glorieux passé.
Multipliant grossières erreurs et prises de positions malsaines.
Jusqu’à contribuer au développement même de ce contre quoi elle est supposée lutter.
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L’an passé, déjà, l’association s’est scandaleusement fourvoyée.
Poursuivant en justice Bob Sinet1 pour quelques phrases d’une chronique dans Charlie Hebdo, lesquelles évoquaient une supposée conversion de Jean Sarkozy au judaïsme.
Une attaque judiciaire malvenue, puisque le dessinateur ne faisait que reprendre des propos publiés dans Libération et tenus par Patrick Gaubert, président de cette même association.
C’est à dire :
« Patrick Gaubert, président de la Licra et ami de Nicolas Sarkozy, assure n’avoir jamais parlé de ces questions avec lui. ’Nous partions parfois en vacances ensemble avec une bande de copains juifs à moi, mais ne parlions jamais de religion.’ Il remarque qu’aujourd’hui, le fils de Nicolas Sarkozy, Jean, vient de se fiancer avec une juive, héritière des fondateurs de Darty, et envisagerait de se convertir au judaïsme pour l’épouser. ’Dans cette famille, on se souvient finalement d’où l’on vient’, s’amuse-t-il »
Plus anecdotiquement, la Licra s’est aussi distinguée dans la foulée en volant au secours du rance et médiatique Philippe Val, présenté comme « l’honneur de la presse française par son engagement contre toutes les formes d’intolérance et d’atteinte à la dignité de l’être humain ».
Oui : on rêve…
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Il est tout aussi surprenant de lire le dernier communiqué de la Licra, qui proteste de la diffusion par France2 d’une vidéo erronée sur les victimes de la bande de Gaza.
Et s’indigne que la chaîne ait pu faire fausse route,en présentant comme récente un enregistrement daté de 2005 et n’ayant rien à voir avec les actuels affrontements dans la Bande de Gaza.
Un communiqué dans lequel l’association affirme ne pas se contenter du mea culpa de France2 : « Les simples excuses présentées par la journaliste Elise Lucet au journal de 13H00 du mardi 6 janvier ne sauraient suffire en elles-mêmes car le mal est fait et bien fait dans un contexte tendu où les atteintes aux biens et personnes juives se multiplient dans notre pays », écrit ainsi la Licra, qui invite Patrick de Carolis à prendre « des sanctions exemplaires ».
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Ce qui me dérange tant que ça dans ce communiqué ?
Oh, rien.
Si ce n’est qu’il incarne la démonstration que la Licra fait passer la défense d’Israël avant le combat contre le racisme et l’antisémitisme.
Qu’elle préfère se placer sur le terrain de la propagande plutôt que se battre pour l’amitié entre les peuples.
Et qu’elle est enchantée de rebondir sur l’erreur de France2, histoire de soutenir la cause israélienne dans ce qui est aussi une guerre médiatique.
Vous me direz : ce n’est pas nouveau.
Peut-être.
Mais cela m’a sauté aux yeux dans le cas présent.
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Un brin différent est la récente prise de position du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), qui n’en finit plus de se tromper de combat, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire Achoui.
Avocat parisien en vue et défenseur du milieu du banditisme qui a été condamné à sept ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de Paris pour complicité dans l’évasion de son client, Antonio Ferrara.
Et qui clame depuis son innocence.
Et ?
Ben… il se trouve que Karim Achoui s’est dégotté un défenseur inattendu, en la personne de Mouloud Aounit, coprésident du MRAP.
Lequel a engagé son association à aider l’avocat, au motif que « l’accusation (est) particulièrement mince » et « la sanction disproportionnée et incompréhensible ».
Explique aussi que « lorsqu’il y a doute, il doit profiter à l’accusé, et le fait que Karim Achoui soit prêt à commettre l’irréparable m’amène à penser qu’on ne peut pas ne pas se mobiliser pour lui. »
Et va jusqu’à organiser une manifestation samedi, histoire de matérialiser ce soutien.
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Qu’on s’entende bien : il ne s’agit pas de s’étonner qu’on puisse soutenir Karim Achoui, avocat lourdement puni pour des faits très loin d’être avérés (à l’aune des autres condamnés de ce procès ridicule).
Mais il est beaucoup plus difficile de comprendre ce que le Mrap vient faire dans une histoire où le racisme n’est pas en cause.
Mouloud Aounit reconnaissant d’ailleurs n’avoir « pas d’élément factuel » pour dénoncer une « condamnation raciste ».
Alors ?
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Ces deux histoires sont certes anecdotiques.
Mais elles illustrent à la perfection la dérive de deux associations auparavant respectables et respectées.
Et qui ne cessent de dévoyer les valeurs qui ont présidé à leur création dans des combats où elles n’ont rien à faire.
Je vais vous paraître bien naïf, mais je trouve ça dommage.
Très.