jeudi 18 février 2010
Le Charançon Libéré
posté à 15h10, par
52 commentaires
C’est un peu de l’âme du gouvernement qui vient de s’éteindre ce matin, poussant son dernier souffle dans un hôpital des Hauts-de-Seine. Robert Pandraud n’est plus, l’ultra-droite perd l’un des siens et ma tristesse est (forcément) immense. Ce billet pour lui rendre hommage, donc. Et me réjouir : un Robert Pandraud s’éteint, mais mille sarkozystes s’éveillent. Chouette…
Je fais chaque jeudi une petite chronique sur la radio libre FPP, à 12 h 15. Comme d’habitude, je te la copie-colle ici.
J’ai le moral dans les baskets et le chagrin chevillé au corps.
Et je pleure depuis deux heures le décès d’un père putatif, la perte d’une symbolique figure paternelle.
C’était mon papa de cœur, il s’en est allé ce matin.
Et je veux croire que vous me pardonnerez le ton macabre de cette chronique : il n’est pas aisé de se faire insouciant quand un seul être - mais quel être ! - vous manque, quand la mort emporte le meilleur d’entre nous, quand le destin se comporte pis que le plus abject des tueurs de vieille dame.
Robert Pandraud est parti ce matin, à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne et où les cow-boys placent délicatement leur flingue à la ceinture.
Et c’est un peu de la droite dure et extra-dure, celle qui feint de revêtir les habits de la République pour camoufler sa profonde nature d’extrême-droite, c’est un peu de cette droite-là qui s’en va avec lui.
Ah, Robert …
(De l’au-delà, à peine mort et – j’en suis sûr - déjà installé à la droite du christ pour services rendus à la nation-fille-aînée-de-l’église, je veux croire que tu pardonneras ce tutoiement.
Et que tu verras dans cette adresse amicale la digne marque d’estime d’un patriote admiratif.)
Ah, Robert … - disais-je - , je ne sais si tu auras droit à des funérailles nationales.
J’ignore si tu entreras au Panthéon, toi qui le mériterais entre tous - « Entre ici, Robert Pandraud, avec ton terrible cortège de petites crapuleries fascistoïdes », eusse pompeusement déclamé André Malraux s’il ne bouffait pas les rhododendrons par la racine depuis un bail.
Et je doute que le peuple français réussisse, dans les jours à venir, à te prouver tout son amour.
Mais je voudrais que tu saches que je porte le deuil, noir habit de tristesse et de désolation.
Et que ton souvenir restera toujours vibrant en mon cœur.
Comme vibrerait celui de Malik Oussekine s’il n’avait été tué par les coups barbares de ta police en décembre 1986, alors que tu étais ministre de la Sécurité publique.
En forme d’hommage funèbre, tu avais alors eu ces mots pleins d’humanité : « Si j’avais un fils sous dialyse, je l’empêcherais d’aller faire le con dans les manifestations. »
Et tu avais raison, évidemment : si les dialysés commencent à participer aux manifestations, où va-t-on ?
Un dialysé arabe dans une manif, c’est un peu de l’honneur de la France qui s’en va…
L’’honneur de la France, tu avais ça à cœur.
Et tu n’as cessé de combattre l’ennemi islamo-gauchiste, avant que ce mot d’ordre ne devienne réellement un programme de gouvernement.
Au sein du Mouvement initiative et liberté, groupuscule ayant pris en 1981 la relève du tristement célèbre Service d’action civique, milice parallèle gaulliste constituée de joyeux barbouzards d’extrême-droite, de petits bandits crapuleux et de politiques dévoyés, tu t’es battu – littéralement battu – pour que le judéo-bolchévisme n’impose pas son emprise malsaine sur la France, pour que règne l’ordre morale et pour que les populations allogènes – comme tu disais – ne mettent pas le pays en coupe réglée.
En cette officine d’extrême-droite, qui existe toujours aujourd’hui et dont tu étais - jusqu’à ce matin - membre du comité d’honneur1, tu as œuvré pour que l’extrême-droite soit reconnue à sa juste valeur et pour que ses mots d’ordre s’imposent partout – ainsi de ces affiches aux slogans si sympathiques, ornés de la Croix de Lorraine : « La France, aimez-la ou quittez-là ! », « Français et toujours fiers de l’être » ou « La burqa n’est pas bienvenue en France ».2
En un mot, tu étais un homme d’ordre et d’idées.
Ce que Brice Hortefeux, qui n’a pas manqué de dire sa grande tristesse à l’annonce du décès, appelle avec un joli sens de l’euphémisme « un élu engagé »…
Une consolation, toutefois.
Tu es mort, mais ton œuvre demeure.
Ton combat n’a pas été vain, tes efforts ont porté leurs fruits : cette idéologie fascistoïde que tu as porté à bout de bras (levé) pendant toute ta vie est désormais au pouvoir.
Tes idées sont au gouvernement, et je veux croire que c’est là le plus beau passage de relais que tu eusses pu imaginer : un Robert Pandraud s’éteint, mille sarkozystes s’éveillent.
C’est beau…
J’en termine ainsi, je vais aller pleurer ta disparition comme il se doit.
Les bouteilles de sidi-brahim sont au frais, les camarades déjà conviés, je te promets que nous ne manquerons pas de porter de nombreux et joyeux toasts à ton décès.
Et peut-être - peut-être - que quand nous aurons bien célébré ta mémoire, nous ferons ce que devrait faire tout honnête homme : aller cracher sur ta tombe.
À la santé de Malik Oussekine.