lundi 19 novembre 2012
Sur le terrain
posté à 11h52, par
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Une manif géante en plein bocage nantais. Un joli pied de nez au pouvoir en place. Des armées de menuisiers, de tracteurs, de paysans et de militants divers se retroussant les manches sous une même bannière – non à l’aéroport. Et un sentiment partagé de victoire symbolique. Yep, la manifestation de réoccupation des terres autour de Notre-Dame-des-Landes a été un franc succès.
Une ruche. Joyeuse et déterminée. Partout, des gens courent, s’affairent, édifient. Certains font œuvre de menuisier – un marteau à la main, des clous entre les dents. D’autres transportent les planches, tôles et outils qui nourrissent le chantier, en solo ou bien en d’interminables chaînes humaines. Les plus timides, paresseux ou maladroits restent en retrait et observent, sourire aux lèvres. Il y a foule dans cette clairière – dans la suivante aussi – et l’efficacité logistique généralisée fait plaisir à voir. La grande manifestation de réoccupation n’a atteint son but que depuis quelques heures, mais déjà des baraques sortent de terre, bel affront aux armées de robocops qui ces dernières semaines saccageaient bocage et habitations sans sommation, bras armés du couard gouvernement et du tentaculaire groupe Vinci.
On les annonçait destructeurs, monstres assoiffés de sang et de vengeance, voire pire. Bullshits. Des menuisiers, des clowns, des cuisiniers, des maçons, des fêtards, des gueulards, des paysans, des musiciens, des avinés, des militants, des barbudos, des artistes : oui, il y en eut pléthore. Mais de sanguinaires « terroristes d’ultra-gauche », point. Il faut dire, aussi, que les flics ont eu l’intelligence de ne pas se montrer de tout le week-end : pas le moindre petit bout d’uniforme à l’horizon. Pour le coup, la ZAD était vraiment une zone libérée.
Retour de Notre-Dame-des-Landes, les batteries des ennemis du béton sont regonflées à bloc – malgré la boue et les abus divers. Yep, comme un parfum d’espoir. Car ceux qui ont manifesté ce week-end ont magistralement prouvé que les véritables vandales étaient dans le camp d’en face. Tactique gagnante. Des dizaines de milliers de personnes ont répondu du tac au tac à la furie policière et politique des dernières semaines, imposant leur vision du monde et leur détermination à la faire advenir. Moment de grâce.
Mièvre ? Peut-être un peu. Mais les motifs de réjouissance politique ne sont aujourd’hui pas si nombreux qu’on puisse rejeter celui-là d’un revers de la fourche. De ces deux jours en terre de bocage, quelques belles images surnagent : les longues files de motivés s’étirant sur un chemin boueux en se passant de main en main les matériaux à acheminer ; les cohortes de tracteurs défilant en pleine campagne et affichant la détermination des paysans du coin à ne pas lâcher l’affaire ; les équipes de construction travaillant la nuit à la lueur des frontales ; les quidams apportant joyeusement leur écot aux différentes tâches à accomplir ; les vieux briscards de la construction surveillant les jeunots dégourdis dans leur tâche édificatrice...
Au moment où nous quittions le camp, dimanche à 16 h, cinq maisons de taille respectable étaient en bonne voie d’achèvement. Des postes de guet, des toilettes sèches, des cabanes, des repaires biscornus et d’autres constructions plus ou moins perfectionnées étaient également bien avancés. Peu avant, l’assemblée générale avait battu le rappel des troupes et les témoignages de mobilisations solides dans des coins aussi divers et éloignés que la Corse, le Pays Basque ou la Belgique s’étaient succédé, sous les vivats du chapiteau. Mieux : on y annonçait que José Bové, venu cultiver son aura médiatique en terre Zadienne, tirait sévèrement la gueule parce qu’une bande de malotrus avait fait main basse sur sa pipe. Rires et lazzis1.
Hier soir (dimanche), l’immense majorité des manifestants étaient repartis. Et les agressions policières ne vont pas tarder à reprendre, dans l’indifférence médiatique. Logiquement, les agressés répondront, fortifieront leurs positions, joueront avec les nerfs des flics. Et les tenants du désastre reprendront leur chœur débilitant, à base de menace « anarcho-terroriste » et de « mouvance ultra prête à tout ». Mais ceux qui étaient-là ce week-end sauront ce qu’il en est : les vandales, c’est pas nous. Bien au contraire.
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En goguette photographique sur la ZAD2
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D’autres papiers A11 sur NDDL :
Un aéroport en vert et contre tout : 40 ans de lutte à Notre-Dame-des-Landes
« On a bien compris que l’aéroport signifiait notre mort »
Sous le bocage, la rage (Juillet 2011)
Pour y aller, s’informer, soutenir :
L’indispensable site des « Tritons crêté-e-s contre béton armé », Zone à défendre