vendredi 26 décembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 13h30, par
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Pour les plus petits délits, sanctionner avec sévérité ; enfermer, encore et encore ; et maintenir très longtemps au cachot tous ceux qui ont pu manquer à la loi : avec les peines planchers, les longues peines se distribuent à la pelle. Et qu’importe si le délit commis ne consiste qu’en une broutille, à l’image de ces six barrettes de shit qui viennent de valoir quatre ans de prison à celui qui les transportait.
Au petit jeu de la loterie pénale.
Les détenus ne tirent pas le même numéro.
Et si quelques rares privilégiés bénéficient d’un élargissement.
Tous les prisonniers ne s’appellent pas Jean-Charles.
De loin.
De très loin, même.
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Ainsi de ce jeune homme de 29 ans, jugé deux jours avant Noël.
Et qui sous le sapin aura trouvé quatre ans de prison.
Paquet-cadeau du ministère de la justice en récompense des petites manigances délinquantes de cet habitant de Colombes.
Lequel avait été interpellé par la police avec six barrettes de cannabis.
Soit en gros (enfin… façon de parler, tant la quantité est ridicule) l’équivalent d’une vingtaine de grammes de shit.
Oui : Pablo Escobar était dans la place…
Reconnu coupable « d’acquisition, transport, détention et cession » de drogue, le jeune homme a donc été condamné à croupir pendant quatre ans dans les cachots de la république.
Si tant est qu’on puisse encore nommer ainsi un régime qui punit si durement le petit délinquant mais gracie l’immonde parvenu qui a construit son ascension sociale sur le vol, le copinage et la corruption.
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Si ce jeune homme en question ne risque guère de porter grande estime à la justice à sa sortie de prison.
Il aura eu par contre eu le temps de réfléchir longuement à ce qu’il doit à Nicolas Sarkozy et à Rachida Dati, les deux glorieux artisans de l’inique et scandaleuse loi du 10 août 2007 sur les peines planchers, « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ».
Ainsi que de se consoler en constatant combien il est loin d’être le seul à payer le prix fort pour une ou deux broutilles.
Une généralisation de l’injustice mise en avant par le rapport de deux députés, Guy Geoffroy (UMP) et Christophe Caresche (PS), qui ont récemment dressé un premier bilan de cette réforme pénale.
Et ont constaté que « moins le délit est grave, plus la peine minimale est prononcée ».
Que les infractions sanctionnées par une peine-plancher « sont principalement les vols et les atteintes aux biens, qui représentent 55 % des peines minimales prononcées » quand « le dispositif des peines minimales avait été conçu pour lutter contre la récidive d’actes graves ».
Et enfin que « la loi sur les peines-planchers n’est pas appliquée de la même façon dans les tribunaux », preuve que l’égalité des citoyens devant la loi n’est qu’un vain leurre : « Le taux d’application est de 34,4 % à Paris et de 65,6 % à Douai. »
Bref : une vraie réussite.
Qui a en sus pour effet, non mentionné dans le rapport, d’habituer juges et société à des peines totalement inconsidérées :
« L’un des effets pervers des peines plancher instaurées par la loi du 11 août 2007 est leur effet désinhibiteur sur les magistrats. Ils ont appliqué avec parcimonie les nouvelles dispositions », écrivait ainsi le magistrat Serge Portelli sur son blog en septembre dernier. « Mais ce sont les freins ordinaires qui ont lâché. Des peines très lourdes, inconcevables jusqu’à présent, sont désormais courantes. S’il devient ’normal’, par le strict effet des peines plancher, à la seconde infraction, de prononcer des peines de 2, 3 ou 4 ans, c’est toute l’échelle, non pas théorique, mais pratique des peines qui explose, par une sorte d’effet d’entraînement, de banalisation des longues peines. »
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Des juridictions qui condamnent à tout va.
Et des prisons qu’on remplit à la louche.
Si c’est pas un modèle de société, ça…