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vendredi 23 janvier 2009

Le Charançon Libéré

posté à 11h59, par JBB
16 commentaires

Police et culture du chiffre : aller plus loin dans la politique du (mauvais) résultat
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Il n’y avait aucune raison pour que se calme son médiatique goût pour les chiffres qu’on peut agiter à la figure des citoyens inquiets… Eternel partisan de la pseudo culture du résultat, Sarkozy aime fixer des objectifs aux policiers. Une pratique poussée à son paroxysme dans deux récentes notes internes, définissant des quotas d’interpellation pour 2009. Gare à vos miches !

L’administration a un langage bien à elle.

La police aussi.

Et dans le monde froid et cynique de ces grands corps très hiérarchisés, les choses se disent à mots couverts.

Que l’on parle d’éloignement pour évoquer les expulsions.

Ou de mise à disposition pour les interpellations.

Une façon masquée de décrire la réalité qui peut souffrir quelques exceptions.

Tant il faut noter que chez les pandores comme chez les banquiers, politique du chiffre se dira toujours politique du chiffre.

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De cette culture du résultat plébiscitée par Nicolas Sarkozy, homme qui n’a eu de cesse de réduire la sécurité à des chiffres et des quotas - « Vous devrez fixer chaque année des objectifs quantifiés d’amélioration de votre efficacité, en termes de réduction de la criminalité, d’augmentation du taux d’élucidation, de répartition de vos moyens d’action, de formation, annonçait-il ainsi en juin 2002 aux autorités policières. (…) Des indicateurs mesureront les moyens employés et les résultats obtenus. » - , il faudrait dire encore et encore la complète absurdité.

Répéter combien cette politique du chiffre n’a pour autre effet que de démoraliser ceux qui sont chargés de l’effectuer, si tant est qu’on se soucie du moral des policiers.

Et marteler sa totale inefficacité, sauf à considérer que l’accent mis sur la chasse aux clandestins, aux petits consommateurs de stupéfiants et aux prostituées puisse avoir un quelconque intérêt.

Ce dont même le plus frénétique soutier de la brigade anti-criminalité, le plus enragé des procureurs aux ordres, le plus répressif des juges de correctionnel, doit douter, pour peu qu’il lui reste encore un ou deux neurones en activité.

Oui : cela reste à vérifier…

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Une évidence, toutefois : la culture du résultat est chaque jour battue en brèche par ceux qui sont chargés de l’appliquer.

Et on trouve trace de leurs états de conscience, de leurs doutes et de leur dépit un peu partout sur le web.

Eux qui se sont confiés à l’Humanité : «  Je dois encore un an à l’administration. Mais l’an prochain je quitte la police. Parce qu’on ne parle même plus d’humains, on ne parle même plus d’affaires, déplore Lionel, jeune policier près de la frontière franco-italienne. On ne parle que de barrettes, de chiffres. S’il y a encore quelques années, on privilégiait encore le qualitatif au quantitatif, aujourd’hui, c’est fini. Au point que, paradoxalement, il n’est même plus intéressant d’arrêter un passeur : non seulement cela va prendre du temps, ce qui est très mal vu par notre hiérarchie, mais, surtout, parce que c’est lui qui vous fournit votre matière première, qui vous permet de faire votre quota d’interpellations. Je ne suis pas devenu policier pour ça. »

A Lyon Capitale : « Est-ce qu’une police plus efficace, c’est une police qui arrête plus de consommateurs de shit et plus de prostituées ?, feint de s’interroger le secrétaire général de l’Unsa police de Rhône-Alpes, Thierry Clair. Nous ne sommes pas contre les objectifs. Tout dépend de ce qu’il y a derrière. Aujourd’hui, la police nationale est devenue une entreprise privée qui ne raisonne plus qu’en termes comptables, en privilégiant le quantitatif au qualitatif. (…) Chaque agent a un certain nombre d’interpellations à réaliser ou de PV à mettre. Pour être bien notés, les policiers doivent coûte que coûte ramener quelque chose. Ça leur met une pression dingue. »

Ou aux chercheurs Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna, auteurs de Police : des chiffres et des doutes. Regard critique sur les statistiques de la délinquance : « A la fin du mois, quand on n’a pas fait notre chiffre en nombre de mises à dispositions, on sort et on fait de la pute et du shiteux… Ça leur fait plaisir, aux chefs, ils ont l’impression qu’on est productifs », explique ainsi un chef de brigade anti-criminalité.

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C’est à l’aune de ce malaise, meilleure preuve de l’absurdité de politique présidentielle en matière de sécurité, qu’il faut apprécier la publication dans la presse, le même jour, de deux notes internes à la police.

Lesquelles - à l’évidence transmises aux journalistes par des policiers excédés par l’omniprésente culture du mauvais résultat - fixent les objectifs d’interpellation dont devront s’acquitter les membres des forces de l’ordre.

Qu’ils soient policiers marseillais, chargés chacun d’effectuer 56 « mises à disposition » mensuelles dans le 1er arrondissement, 40 dans le 6e ou 27 dans les 5e et 7e.

Ou flics à Châlons-en-Champagne, où ils devront exécuter 120 interpellations annuelles s’ils font partie des unités de police et 162 s’ils appartiennent aux brigades anti-criminalité.

Des objectifs si précis qu’ils en repoussent toutes les limites du ridicule.

Et garantissent que 2009 verra les même coupables sans envergure, banals fumeurs de joint ou habituelles filles de joie, faire les frais de la présidentielle culture du chiffre.

Oui : un joli résultat…


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 23 janvier 2009 à 13h53, par Françoise

    Une prostituée

    Le Policier

    Deux prostituées

    Le Policier

    Trois prostituées

    Le Policier

    Cent prostituées...

    En fin d’année.
    Le Policier :

    Alors... 201... 202... 203...

    Ça y’est Chef ! J’ai rempli mes quotas !

    Mais j"ai pas encore à c’t’heure

    Trouvé les ratons laveurs

    du M’sieur Prévert qu’on m’a parlé...

    C’est combien-t-y qui vous en faudrait ?

    Voir en ligne : http://carnetsfg.wordpress.com/

    • vendredi 23 janvier 2009 à 15h28, par JBB

      Prévert ? Sait-on au moins s’il soutenait la police ? S’il remplissait son quota mensuel de poèmes nationaux ?

      (Grâce à toi, j’ai découvert ce poème de Prévert que je ne connaissais pas (oui, je sais : honte à moi…). Si d’autres sont dans le même cas que moi, l’original est consultable ICI.)



  • vendredi 23 janvier 2009 à 14h21, par Christine

    Note : en cas de séjour à Marseille, rester dans les 2 et 3es arrondissements.



  • quelques pistes pour que les pandores atteignent leurs objectifs

    un vendeur de l’humanité à chateau rouge
    une nana qui fume une clope dans sa voiture
    un inspecteur du travail qui fait son boulot dans une entreprise
    un jeune mec qui crache par terre
    un jeune postier à Neuilly leader de parti politique
    deux mainifestants à Levallois Perret
    un type faisant une citation présidentielle sur une pancarte
    ....

    bon ça en fait déja huit...
    j’ai super imprimé la culture du résultat
    hein chef ?

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/



  • Un bel exemple de l’effet de l’idéologie de la politique du management aui s’applique maintenant à tout.



  • vendredi 23 janvier 2009 à 15h42, par Guy M.

    Ce qui manque c’est une évaluation (chiffrée, il va sans dire) de l’impact sur l’opinion de cette culture du résultat, chiffre présenté de manière péremptoire, sans analyse ni discussion du choix des « indicateurs » (ce mot me fait toujours ricaner, c’est nerveux).

    Tant que les chiffres sont gonflés en tapant sur des populations marginales, tout va bien : cela ne fait pas trop de vagues, et puis, dame, si tout le monde en faisait autant... Mais le bon gros sens se rebiffe un peu lorsque, pour prendre un exemple récent, madame tout le monde se fait verbaliser pour avoir allumé sa clope au volant... Là, tout le monde pourrait en faire autant sans que cela n’entraine de catastrophe sociétale...

    Effet minuscule pour l’instant, mais qui sait ?

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com



  • vendredi 23 janvier 2009 à 16h20, par Dominique

    Voici un lien vers l’article de l’Union d’aujourd’hui qui détaille les chiffres fixés par le commissaire. Par exemple il doit y avoir 75 timbres amendes pour conduite dangereuse. On aboutit alors à des choses absurdes comme ce collègue sanctionné pour avoir été flashé en train de téléphoner au volant alors qu’il ne possède pas de portable ! Il se grattait la tête...

    Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

    • A ce niveau, ça repousse toutes les bornes de la stupidité. Même le mec de l’Union a l’air scandalisé, c’est dire… :-)

      • vendredi 23 janvier 2009 à 21h30, par Dominique

        Quand on y réfléchit, la méthode risque de se retrouver bien vite dans une impasse.
        1) A force de réprimer des infractions réelles ou imaginaires, le nombre des infractions réelles devra diminuer du fait de la peur.
        2) Que fait-on alors ? On maintient les anciens objectifs puisque la politique répressive a porté ses fruits ou bien on les baisse ?
        3) Deux possibilités comme dans les jeux de rôle ou les livres dont vous êtes le héros.
        a) Les objectifs chiffrés sont maintenus et il va falloir trouver plus de délits imaginaires. Mais cela veut dire alors que l’on n’a pas fait baisser la délinquance et cela se heurte aux comparaisons avec d’autres villes.
        b) On baisse les objectifs, mais il ne faut plus communiquer dessus car ce serait pris comme une acceptation tacite au laxisme et à l’indulgence, et on constatera une augmentation des délits de ceux qui auront lu trop vite.
        Mais comme le commissaire aura muté entretemps, c’est son successeur qui aura la charge de devoir gérer la suite de cette méthode stupide.

        Oui, pour que l’Oignon s’indigne à ce sujet, il faut vraiment que ce soit hénaurme sur place. En général, c’est un journal carpette devant les zautorités et le titre de sa manchette dans l’édition que j’ai lue était aujourd’hui ’Qui pour remplacer Frédéric François ?" (c’est dire le niveau...)

        Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

        • « A force de réprimer des infractions réelles ou imaginaires, le nombre des infractions réelles devra diminuer du fait de la peur. »

          C’est de ce point dont je doute énormément. Je ne crois pas que la peur de la punition change quelque chose à la délinquance, sinon pour l’augmenter ou la radicaliser. On peut prendre l’exemple de la politique à l’égard des consommateurs de stupéfiants : le pays le plus répressif au monde, les Etats-Unis, est aussi celui qui compte le plus grand nombre de consommateurs ; et la France, bien en pointe en matière de bâton, se retrouve peu derrière.

          « le titre de sa manchette dans l’édition que j’ai lue était aujourd’hui ’Qui pour remplacer Frédéric François ?’ (c’est dire le niveau...) »

           :-)



  • Pour un exemple de conséquence « dans la vraie vie » de cette politique du chiffre, on peut aller lire en s’énervant très fort ce post, intitulé « Papy », par Me Eolas.

    A faire lire aux thuriféraires de la politique policière de Sarko et sa clique.

    Ce qui est énervant aussi dans cette histoire de chiffres, de statistiques et d’indicateurs, c’est que tout le monde, du bas en haut de l’échelle sait que ces chiffres sont FAUX et TRUQUÉS, pour complaire aux donneurs d’ordre (du ministère et de l’Elysée).
    Voir par exemple

    Ou voir aussi Hortefeux et ses arrangements avec les statistiques.

    Enfin et d’une manière générale, le contrôle de toute activité humaine à partir de données chiffrées sur tableur doit en fait leur permettre de « rationaliser » des décisions qui sont, en réalité, politiques (de baisse de budget, par exemple), en en faisant porter la responsabilité sur l’inéluctabilité des chiffres.

    Que ces chiffres soient incohérents, faux, voire volontairement faussés (cf par exemple les manipulations des chiffres de la police) ne les arrête pas, puisque l’objectif reste de s’abriter derrière leur « objectivité » pour commettre leurs forfaits.

    Les fessons têtus de Lénine sont bien enfumés par la léthargie et l’enfumage des médias aux ordres qui ne contredisent jamais (en tout cas jamais au moment des annonces) les chiffres publiés par les autorités.

    Arf !

    Zgur

    Voir en ligne : http://http://zgur.20minutes-blogs....

    • « Pour un exemple de conséquence ’dans la vraie vie’ de cette politique du chiffre, on peut aller lire en s’énervant très fort ce post, intitulé ’Papy’, par Me Eolas. »

      S’énerver très fort est le mot juste. Pour rester poli… Ça me fait penser à cette affaire plus récente (le billet d’Eolas date de juin 2008, tes archives m’impressionnent sur ce coup, fallait le retrouver), relatée par le Contre-journal : « Après 36 ans en France, un aller simple pour la Turquie. » Tout aussi ahurissant.

      « Enfin et d’une manière générale, le contrôle de toute activité humaine à partir de données chiffrées sur tableur doit en fait leur permettre de « rationaliser » des décisions qui sont, en réalité, politiques (de baisse de budget, par exemple), en en faisant porter la responsabilité sur l’inéluctabilité des chiffres. »

      Tu viens de résumer ce que j’essayais de dire en quatre ligne percutante. La prochaine fois, avant d’écrire un billet, je t’envoie un petit mail. :-)

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