lundi 17 novembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 00h27, par
32 commentaires
Joie, volupté, bonheur ! Nicolas Sarkozy a sauvé le monde ce week-end, lors du sommet du G20. Rassurant ses partenaires aux abois, montrant la voie d’un capitalisme régulé, marquant la rencontre d’une empreinte historique, le président français a provoqué un changement essentiel des règles de la finance mondiale. Si, si… Vous doutez ? Pourtant, c’est Claude Askolovitch qui l’écrit : ça ne peut être que vrai…
C’est titré : « Sarkozy en maître du monde ».
Et j’ai bêtement pensé que c’était de l’ironie, comme une grosse blague du Journal du Dimanche à ses lecteurs.
Mais non : c’est signé Claude Askolovitch.
Et Marx sait si ce journaliste ne plaisante pas.
Non plus qu’il n’ironise depuis qu’il s’est affirmé avec l’affaire Siné1 comme celui qui défait les réputations (des petits) et tresse les lauriers (des puissants).
Lui qui y a sans doute gagné ses galons d’éditorialiste politique à Europe1 et de rédacteur en chef du Journal du Dimanche, comme une juste récompense de Lagardère envers un journaliste qui sait servir le sarkozysme.
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Donc, « Sarkozy en maître du monde ».
Logique : il commande aux grands de la planète, les menant à la baguette et comme à la parade. En bref : tous lui mangent dans la main, à en croire Claude.
« A Washington, Nicolas Sarkozy fait de la politique. A sa manière : casser le jeu pour parvenir à ses fins. (…) Il brandit un papier, il leur parle - à Bush, Lula, Merkel, Brown, Hu Jintao - comme s’il les briefait avant un meeting ».
Il est aussi au meilleur de sa forme physique, athlète d’élite qui n’en finit d’avaler les kilomètres que pour faire une bouchée de la crise financière et digérer ce capitalisme qu’il est bien décidé à refonder, souligne Claude.
« George Bush joue à domicile une de ses dernières parties, et il est assiégé. (…) Et ce Français en chemise, débordant d’adrénaline, qui lui donne du George, qui a couru ce matin à l’aube dans les rues de Washington, qui étale sa forme physique quand lui-même est déjà ailleurs. »
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Il est encore le seul à avoir à pouvoir tenir la distance. Le seul capable de combiner résistance physique et génie stratégique pour imposer ses solutions à un monde plongé dans la panique, insiste Claude.
« Sarkozy a gagné la bataille des mots. Une étape de plus dans le sprint marathon entamé depuis le début de la crise financière. »
Il est même grand prince, aussi impulsif dans ses décisions que compréhensif envers ses partenaires, avance Claude.
« Ce vendredi, Sarkozy fait un cadeau au Russe. Il réclame en vain une réunion sur la sécurité globale en Europe. Tu la veux vraiment ? lui demande Sarkozy en tête à tête. On la fait ! »
Il est cultivé, en outre. Presque autant que Claude… D’ailleurs : tous deux, le président et son valet de pied (de page), ne manquent pas une occasion d’étaler leurs rares connaissances en ce domaine. Ce qu’illustre Claude :
« Quelque chose de fellinien au coeur de la diplomatie. Kouchner s’est mis à chanter. Du Aznavour, maintenant : Emmenez-moi au bout de la terre. Justement, on y va. Le Russe et le Français décollent de conserve pour Washington. Dans l’avion, Sarkozy lit Le Clézio, Désert. C’est beau, mais c’est lent. Il faut des moments de pause dans cette drôle de vie. C’est une parenthèse, là-haut dans les nuages. »
Il a su aussi imposer son charisme à ses partenaires, qu’ils soient ministre français de l’Economie ou président de la Commision européenne. Tous se plient à ses calculs, ne demandant qu’à prendre la place qu’il a décidé de leur donner, s’enthousiasme Claude.
« Il a l’air insouciant, en fait, il infuse. Soudain, il reprend la main. Il fait venir Christine Lagarde, sa ministre de l’Economie. Et José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, son ami et partenaire ; tutoiement, bourrades verbales, moqueries... Tout fonctionne à l’étourdissement mais tout est pensé dans un but. Que le G20 ressemble à quelque chose. »
Il a enfin eu l’intelligence de choisir le bon moment pour retourner comme une crêpe la très classe assistance de ce G20. Quelques mots, un coup d’épaule, des yeux qui crient la résolution, et hop : le monde présente un nouveau visage, la planète change d’ère, les grands se libèrent de leurs petits tracas et grandes angoisses, martèle Claude.
« Et quand Nicolas Sarkozy demande qu’on parle maintenant politique, la soirée bascule. Les maîtres du monde, soudain, débattent, comme au forum. La présidente argentine Kirchner raconte une visite d’usine, la détresse des ouvriers. Le Japon débloque 100 milliards de dollars pour le FMI, afin que celui-ci puisse renflouer le tiers-monde. La soirée n’en finit plus. Bush, ce couche-tôt, n’est plus chez lui. »
La classe…
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Sarkozy, maître du monde ?
Euh… en fait… non.
Mais alors : pas du tout !
Tant il apparaît que le sommet du G20 n’aura pas plus initié une refonte du capitalisme qu’il n’aura sacré le rôle essentiel du président français.
(A tel point, même, qu’il faudrait faire analyser les boissons que Claude Askovolitch a descendu lors de l’aller-retour effectué au sein de l’avion présidentiel : il ne serait pas étonnant que le bougre se soit fait refiler des doses massives d’ecstasy…)
× Côté refonte du capitalisme ?
L’AFP évoque "des résultats mitigés".
Avant de constater : « Si le communiqué final du sommet proclame l’engagement des grands pays développés et émergents à relancer l’économie mondiale et à engager une réforme du système financier international, il contient surtout des déclarations générales et des grands principes. »
Façon diplomatique de dire que, loin de donner naissance à nouveau Bretton Woods, ce sommet apparaît clairement comme une victoire des Etats-Unis et de tous les partisans de l’absence de régulation.
× Côté Sarkozy grand chef à talonnette de la planète ?
Aucun des grands médias internationaux ne prête un rôle moteur au président français.
Ni la belge RTBF, qui ne mentionne même pas son nom, ni la suisse Tribune de Genève, ni l’agence AP, qui n’évoque pas le président français mais se fait un plaisir de citer à foison Angela Merkel, Georges Bush, Gordon Brown et même le Premier ministre japonais…, ni l’agence chinoise Xinhua, ni l’agence La Presse canadienne, ni…
Raté…
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Seuls les plus naïfs s’étonneront du fossé existant entre l’article signé Claude Askolovitch, qui décrit un Nicolas Sarkozy abattant un boulot fou, se taillant la part du lion et bousculant ses partenaires pour mieux changer l’ordre des choses, et la réalité, celle d’un président français qui s’agite de toutes parts sans être écouté et qui se montre bien incapable de respecter le moindre de ses engagements à « moraliser le capitalisme ».
Seuls les plus naïfs, disais-je, car pour tous les autres Claude Sakolovitch est déjà depuis longtemps synonyme du plus vil des journalismes de cours.
Mais..
Même ceux-ci, qui connaissent bien le bonhomme, devront le reconnaître : sur ce coup, il a fait fort.
Très fort.
Claude Askolovitch, quel scribouillard !