samedi 28 mars 2009
Le Cri du Gonze
posté à 08h49, par
18 commentaires
Bière et cotillons, champagne et esturgeons : Art11 innove (un brin), avec une nouvelle rubrique. L’idée est simple, chaque samedi, un billet autour d’une ou plusieurs vidéos particulièrement marquantes. Parfait pour se laver la tête des horreurs de la semaine. En avant-première, une analyse exhaustive de « Hound Dog », morceau mythique d’une certaine Big Mama Thorton qui sombra dans l’oubli.
D’abord il y a les paroles, de celles qui restent gravées pour toujours (pour des raisons plus ou moins valables) dans la caboche de l’apprenti chercheur de pépites musicales. Encore plus absurdes que le « Blue Suede Shoes » de Carl Perkins (« Tu peux faire ce que tu veux […], brûler ma maison, voler ma voiture […], mais ne marche pas sur mes mocassins en daim bleu »), les paroles de « Hound Dog » (version Elvis) brillent au firmament débile du rock ‘n’ roll originel et déjanté :
« Tu n’es rien d’autre qu’un chien de meute
Aboyant tout le temps
Tu n’es rien d’autre qu’un chien de meute
Aboyant tout le temps
Tu n’as jamais attrapé un lapin
Et tu n’es pas un de mes amis. »
Quoi de plus définitif ?
Et puis il y a la manière dont Big Mama Thornton la chante. A priori, la rudimentaire mise en scène implique qu’elle vient juste de débarquer dans le studio, après une petite séance de shopping. Tellement à l’improviste qu’elle a encore son sac à main. Elle s’en débarrasse vite fait, et paf, la magie commence. Même avec les éléments kitsch de la vidéo (le décor d’arrière plan genre rue de Harlem en carton, sa chemise Cobain-Grunge avant l’heure…), ne pas être pris à la gorge par l’interprétation de Big Mama, implique d’avoir un sévère vide à la place des oreilles/du cœur (je n’ai pas encore tranché). La voir dodeliner des épaules avec une grâce digne de Billie Hollyday (en moins glamour) suffirait à attendrir toute une armée de blousons noirs. Le fait qu’elle soit accompagnée par l’immense Buddy Guy, cerise géante sur le gâteau, ne dépare évidemment pas avec la classe hors catégorie de son interprétation.
Malgré tout, Elvis l’a interprétée tellement bien, cette chanson, que tout le monde croit que le morceau est de lui. Ça me paraissait une bonne raison pour commencer cette série de divagations diverses avec support vidéo en parlant de celle qui est à l’origine de cette chanson. Et qui a sombré dans l’oubli en même temps que dans la bibine.
A l’origine, « Hound Dog » fut donc enregistrée par Big Mama Thornton (paroles de Jerry Leiber & Mike Stoller, merci wikipedia) en 1953. Le fait que le morceau soit instantanément un succès, numéro un de divers charts, n’a pas changé grand chose à sa vie. Elle toucha en tout et pour tout 500 dollars pour ce qui allait devenir un référent incontournable du rock.
Il se passa à peu près la même chose avec son autre hit, « Balls & Chains », popularisé par Janis Joplin. La gloire pour l’autre, rien pour elle. Dans la grande lignée des oubliés des paillettes, ceux qui œuvrent dans l’ombre pour la gloire des profanateurs de sépulture (Mick Jagger, si tu me lis - ce qui semble acquis -, ceci s’adresse en premier lieu à toi).
Bon, pas envie de m’attarder là-dessus. Juste, Big Mama Thornton, a priori, mériterait qu’on s’intéresse un tantinet à son cas. On ne va pas en faire un plat, elle est morte. Maigre, alcoolo et dans la dèche. Mais bon, quand même, faudrait voir à pas oublier qui est à l’origine de tout ça.
Ce qui est bien aussi, avec cette chanson, c’est qu’elle révèle beaucoup sur ceux qui ont tenté, avec plus ou moins de succès, de la reprendre. Trois exemples :
1/ Elvis
Rien à dire, le génie d’Elvis, cabotin au possible, s’y exprime dans toute sa grandeur. Entre l’entrain épiletico/gambadant du début et l’ironie affichée de la suite, il s’en tire avec les honneurs, voire plus. Elvis deviendra plus tard une grosse larve stérile et psychotique, personne ne le conteste, ou presque (note au Fan Club Elvis France : je ne retirerais rien). Mais là, il est juste à des hauteurs incontestables, il tutoie la perfection.
2/ John Lennon
La version démarre mal, quasi Danse des Canards avec des cuivres très malvenus. Ça sent mauvais. Et puis, Yoko Ono se met de la partie et les oreilles pleurent. Un must en matière de sabotage. C’est presque incroyable de voir à quel point elle fait tout pour bousiller la chanson. Perso, je garde ses cris de porc égorgé dans mon panthéon personnel des pires interventions scéniques à un niveau planétaire. Comment dire ? Sans même être un fan des Beatles, il suffit de voir ces images pour comprendre que la rumeur disait vrai : une jap hystérique a suffi à foutre en l’air les Beatles. Et elle n’avait même pas la classe. Triste monde.
3/ Jimi Hendrix
La vidéo vaut son pesant de cacahouètes. D’abord, les premières paroles audibles sont : « Elle a soif, file lui un acide ». Ça pose le décor. Le reste confirme ce que tout le monde sait : même avec une guitare acoustique, Hendrix n’a pas d’égal. Ok, on dégagerait bien manu militari les groupies du premier plan. Et les connards qui tapent dans leur main sont vraiment des enfoirés finis (un peu comme un mec qui taguerait un tableau de Picasso pour y mettre sa propre marque) méritant le pal, voire pire. Mais même dans ces conditions, avec un son pourrave, d’horribles spectateurs qui se croient à un vernissage alors qu’ils sont face à Dieu fait guitariste, Hendrix ne bousille en rien la chanson. Prosternation.