ARTICLE11
 
 

vendredi 3 avril 2009

Le Cri du Gonze

posté à 11h29, par Lémi
3 commentaires

Public Image Unlimited, vol. 2 / « If the Kids are United » de Sham 69
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Entre hymne guerrier et bannière sonore révolutionnaire, cette chanson mythique de Sham 69 reste l’une des compositions les plus définitives du punk. Un peu stupide, très motivante, « If the Kids are United » mérite largement sa place au panthéon des chansons parfaites pour amateurs de barricades. Retour en images sur l’histoire d’un morceau percutant comme un pavé.

« Au moins Jimmy Pursey [le chanteur de Sham 69] a de la personnalité ! Il chante pour le groupe ! Il tombe la chemise ! Quand il saute sur scène et hurle il y a une grosse veine ou un muscle qui dépasse sur le côté gauche de son cou ! Wahou ! Ses yeux sont exorbités ! Il s’emmerde ! Moi aussi ! Qui n’en est pas là ! »

Lester Bangs, « Sham 69 est innocent ! », 19791.

De circonstance, quoi qu’on en dise.

Ok, je ne suis pas sûr que la chanson puisse s’appliquer au contre-sommet de Strasbourg2. A lire les préparatifs mis en place, même si les « Kids are United », il y a des chances pour que – techniquement tout du moins – ils soient salement « defeated »3. A l’arrivée, les chances de parvenir à compenser la disproportion absolue entre forces de l’ordre et forces du désordre tiennent de la quasi impossibilité, sur la longueur en tout cas. Simple constat.

Malgré tout, ce morceau de Sham 69, tristement récupérée par la mouvance skin facho4, clame clairement ce que clameront les manifestants anti-OTAN : nous sommes dans notre bon droit, nous avançons groupés, rien ne devrait pouvoir nous arrêter. L’équivalent du mythique « El Pueblo Unido Jamas Sera Vencido« ( »Le peuple uni ne sera jamais vaincu", chanson emblématique de la résistance anti-Pinochet au Chili) de Quilapayun/Inti Illimani, version punk. Rien que pour ça, il mérite qu’on s’y attarde. D’autant que l’histoire mouvementée du morceau est pleine d’enseignements.

« El Pueblo Unido », par Inti Illimani

Donc. Sham 69 est un groupe mythique à l’origine de l’essor de la culture oï. Alors que certains courants du punk ont fini par se réclamer d’une forme d’élitisme, le punk à la Sham 69 se voulait proche du peuple, quasi populiste. Ils venaient d’un endroit craignos (Hersham, dans le Surrey) encore plus craignos depuis que Tchatcher dévastait le pays, ils avaient la rage, et ils savaient plutôt pas mal la retranscrire. Nihilistes, bien sûr, mais un peu moins que les Pistols. Les Pistols chantaient la fin d’un monde, Sham 69 chantait la décrépitude des banlieues glauques de la perfide Albion. Rien à perdre, rien à gagner, alors on beugle.

Ce que décrit très bien Jon Savage dans l’indispensable England’s Dreaming, le bouquin ultime pour qui s’intéresse à la culture punk (éditions Allia) : “ Il (Jimmy pursey) dépouillait le style des Ramones, le ramenant à des riffs de guitare brefs, incendiaires, et une batterie tonitruante, sur lesquels il rugissait des paroles crues, accusatrices, exprimant sa rage de classe. (…) Sham dévasta les terrains vagues du Surrey avec la toute la puissance d’un poing dans la figure, suscitant le retour d’une sous-culture qui couvait sous le punk : les Skinheads. »

La tendance Oï/skin a vite perdu de son originalité et de sa force de frappe, c’est indéniable. Reste que dans le contexte de l’époque, Sham 69 était l’antidote parfait à la morosité ambiante, un coup de barre de fer sonore sur la tête de l’Angleterre conservatrice, qui le méritait amplement.
Encore maintenant, des groupes britons se replongent épisodiquement dans l’approche populo à la Sham 69. Il y eut The Others récemment avec « This is for the poor », Oasis au début de leur carrière erratique, et une palanquée d’autres qui n’atteignirent jamais la classe de l’original.

Pour en revenir à Sham 69, tout a commencé à partir en couille avant même qu’ils aient écrit « If the Kids are United » (1979), hymne punk sentant bon la sueur, celle des vestiaires de foot et des décalitres de bière. C’est venu avec la reconnaissance. Plus ils avaient de succès, et plus leur public devenait craignos. Très vite, c’est des cohortes de fachos qui s’agglutinèrent en braillant des insanités « white power » au premier rang du public, tout ce que le groupe détestait (les tondus ignoraient apparemment que le batteur, Mark Cain, était juif). Après quelques concerts épiques où les tondus dégénérés furent dégagés manu militari de la salle sous les encouragements du groupe, il y eut un moment où le rapport de force s’inversa. Les fachos remportèrent la bataille. En 78, après que la scène du Middlesex Polytechnic aie été envahie par des crânes rasés du National Front, le groupe cessa les concerts. Pas moyen de servir d’exutoire à l’autre camp.

Sham 69 se reforma plus tard mais ils avaient perdu le feu sacré. Et ils vivotèrent de leur réputation, sans jamais atteindre la classe définitive de leurs premiers albums.

Au final, c’est pas parce que les fachos nous taxent une chanson qu’il faut les laisser faire. Sham 69 était clairement dans l’autre camp, il est temps de se le rapproprier. Ce qu’avaient très bien compris les Bérus qui clamèrent toujours que Sham 69 était une influence majeure (j’avais aussi sous la main une version énergique du morceau par Rancid, mais bof, je vais pas laisser des punks lisses - musicalement - envahir cette page). Démonstration, en guise de conclusion :

Bérurier Noir, « If The Kids Are United »

Avertissement : manifester contre l’OTAN avec « If the Kids Are United » sur son lecteur MP3 peut mener à des comportements héroïques mais fortement préjudiciables pour l’intégrité physique des auditeurs. A consommer avec modération en cas de sur-présence policière...


A circonstance exceptionnelles, mesures exceptionnelles : la rubrique Public Image Unlimited est avancée d’un jour. Yop.



1 In « Psychotic Reactions et autres carburateurs flingués », éditions Tritram.

2 Cet article a été écrit avant le déclenchement des hostilités.

3 D’autant qu’Herr Grimaud, ce vil lâche, ne veut pas transformer son van rouge en « tank de la liberté distribuant des saucisses bavaroises aux manifestants fatigués ».

4 Pour les profanes : la mouvance Skin était au départ un mouvement plutôt apolitique. Par la suite, elle se divisera entre Red Skins - ceux de gauche qui aiment bien tabasser ceux de droite - et skins fachos - ceux de droite, qui aiment bien tabasser du Red Skin et du basané


COMMENTAIRES

 


  • Yep !

    Mouvement punk, mouvement punk....

    A mon goût, ce morceau est bel et bien issu du mouvement skinhead originel né de la rencontre des rude boys jamaïcains et de la jeunesse issue de la working class anglaise. Ce mouvement multiracial mais peu politisé a été récupéré en grande partie par le National Front grâce (sic) à Skrewdriver, d’où la reprise de la chanson, c’est la même chose pour LSD...

    en tout cas, merci de ne pas mettre Rancid mais bel et bien la reprise des bérus !

    "
    Ils peuvent mentir à mon visage
    Mais pas à mon coeur
    Si nous sommes tous debout ensemble
    Ce ne sera que le début..."

    Mais comme tu dis, que vaut notre unité face à celle de la police, de la gendarmerie et de l’armée ?

    Ce n’est surtout pas une raison pour ne pas lutter pour l’unité !

    See ya et une pensée pour les assiégés du village strasbourgeois et les gardés à vue !

    Voir en ligne : Mon blog actif et militant(?) : Kprodukt



  • Oï Oï !!

    La reprise de Oï Polloï vaut pas mal le coup aussi, à mon avis... Même elle est pas aussi énergique que celle de Sham... après y’a tellement de groupes de punk, hardcore, ou oï qui ont repris la chanson !

    Le seul malheur de cette chanson est d’être aussi appréciée par les skins nationalistes ! Enfin c’est comme le oï, ou si tu fais pas trop gaffe, tu te retrouves à écouter du RAC :/ (expérience personnelle, depuis je suis plus prudent, heureusement que je ne l’avais pas acheté ;) )

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