ARTICLE11
 
 

mardi 13 juillet 2010

Entretiens

posté à 22h45, par Lémi & JBB
78 commentaires

Raphaël (éditions Agone) : « Il vaut mieux prendre le temps »
JPEG - 21.2 ko

En un peu plus de dix ans, la maison s’est faite un nom, synonyme d’exigence intellectuelle et d’engagement politique. L’éditeur indépendant Agone ne cède jamais à la facilité, quitte à parfois se donner une image un brin intransigeante - le prix de l’intégrité. À l’occasion d’une visite à Marseille, nous avons rencontré l’un de ses membres, Raphaël ; dans nos bagages au retour, cet entretien.

JPEG - 48.8 ko

Une petite cour, une véranda. Sur la vitre d’icelle, une photo scotchée : on y voit (à droite, ci-dessus) Howard Zinn - auteur notamment d’Une Histoire populaire des États-Unis - arrêté lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam. Un hommage, évidemment - le grand historien contestataire américain est mort en janvier 2010, deux mois avant notre passage dans les locaux de l’éditeur indépendant Agone1. Si la disparition d’Howard Zinn a ému tous les honnêtes gens, elle a particulièrement touché la maison d’édition marseillaise, qui peut se targuer d’avoir été la seule à le publier en France2. Plus qu’une collaboration, un vrai compagnonnage ; et une présence toujours palpable, évidente entre les lignes. Rigueur intellectuelle et balistique des mots, engagement personnel et combat politique : ces terrains que l’historien américain a arpentés tout au long de sa vie sont aussi ceux de son éditeur français.

Un catalogue ne se constitue pas au hasard ; il s’échafaude patiemment, se forge, se cisèle minutieusement, prolongement d’une démarche intellectuelle. Celui d’Agone compte notamment Karl Kraus, Noam Chomsky, George Orwell, Alessi Dell’Umbria ou Jean-Marc Rouillan, livres et auteurs essentiels pour comprendre le monde et combattre son ordre malsain. Des livres et auteurs qui sont aussi - c’est logique - régulièrement évoqués en nos pages. D’une conférence d’Howard Zinn à un entretien avec Jean-Pierre Garnier, du compte-rendu d’un livre de Franz Browsimmer à la publication céant d’un article de Thierry Discepolo (l’un des fondateurs de la maison marseillaise), nous croisons souvent la piste de la maison d’édition3. Rencontres précieuses, fertiles, très rarement décevantes.
À l’image de l’entretien accordé par Raphaël, l’un des membres d’Agone (l’interview a ensuite été relue et complétée par certains de ses collègues). Il y aborde la démarche éditoriale de cette maison fondée en 1998, lent et minutieux travail pour livrer les ouvrages les plus aboutis possibles. Évoque les problématiques de l’édition engagée et les difficultés de l’indépendance. Et revient sur une polémique assez emblématique, celle qui a opposée Agone et Zones. Un entretien sur le monde de l’édition, donc. Mais pas que. Disons : un entretien politique.

JPEG - 47.1 ko
Image piquée sur la couverture de « De Mémoire », ouvrage de Jean-Marc Rouillan4 paru aux éditions Agone.
-

On va attaquer directement avec le billet publié sur le blog des éditions Agone à propos de Zones, texte qui a fait un peu de bruit dans le milieu de l’édition indépendante. Selon toi, on ne peut pas proposer un contenu indépendant en étant sous la tutelle d’un autre éditeur ?

Il me semble évident que si le capital d’une entreprise appartient à une multinationale, comme c’est le cas de la marque Zones, celle-ci ne peut pas se réclamer de l’indépendance politique, malgré des beaux discours et des livres utiles ou importants. Ce qui choque, c’est que Zones se présente comme une maison d’édition, alors que c’est juste une collection de La Découverte. Qu’elle s’affiche comme autonome, avec de grands discours sur l’indépendance, l’engagement politique, l’émancipation sociale, avec ce paradoxe total qu’elle appartient à la multinationale de la communication Planeta (depuis que celle-ci a racheté Editis à Wendel Investissement).

Est-ce que tu peux transformer le monde alors que tu es payé par une multinationale ? Que tes bénéfices vont à cette multinationale ? Que tes moyens de diffusion renforcent au contraire une grosse structure avec d’importants pouvoirs de nuisance ? Ça n’est pas possible. Nous croyons que les livres sont importants - c’est-à-dire leur contenu, les idées qu’ils véhiculent - mais pas moins que la façon de les faire. À commencer par l’indépendance du capital et la façon dont on s’organise. Agone fonctionne sous forme associative, n’enrichit personne et ne peut pas être instrumentalisé par des grands groupes se prétendant démocratiques - comme le fait Planeta - car ils publieraient des opus d’extrême-gauche. À savoir aussi, l’idée de collectif : chez Agone, tous le monde touche le même salaire (le Smic), même si chacun s’investit comme il en a envie et comme il peut ; et les décisions sont prises le plus collectivement possible, même si les directeurs de collection ont forcément plus d’influence sur le choix des livres.

Bref, la façon de faire des livres et de travailler est pour nous très importante. Tu ne peux pas prétendre changer le monde si tu ne montres pas déjà un peu où tu veux aller par ta pratique. Ce n’est que petit à petit, en renforçant la cohésion entre les idées que nous véhiculons et notre pratique quotidienne - au sein de notre structure d’édition, ou d’autres structures militantes, comme à l’extérieur - que nous pouvons y arriver.

Mais Grégoire Chamayou de Zones te dira sûrement qu’il ne pourrait toucher autant de lecteurs s’il n’était pas à La Découverte…

Peut-être. Mais ça n’est même pas sûr ! Il y a aussi de bons livres chez Fayard ou d’autres marques des grands groupes, et des auteurs comme Serge Halimi, Hervé Kempf ou François Ruffin, par exemple, qui ont des propos radicaux mais préfèrent publier chez de gros éditeurs en espérant être lus davantage, quitte à participer à l’économie d’une multinationale. Je pense pour ma part qu’il est impossible d’agir efficacement sur le monde de cette manière, qu’il vaut mieux prendre le temps, braver quelques difficultés. Qu’il est préférable de construire au début quelque chose d’artisanal, d’indépendant ; ça prendra du temps, mais une dynamique finira par se créer.

JPEG - 36.1 ko

La démarche d’Agone est politique. Est-ce aussi le cas de celle de Zones ?

Lisez la proclamation de Zones, vous verrez qu’elle est très politique5. C’est là que réside le problème. Fayard ne prétend pas changer le monde ; ils font quelquefois des bons livres et ça nous étonne, ou plutôt nous désole, de voir des auteurs ayant des discours intéressants participer à ça, mais au moins l’éditeur ne prétend pas agir au nom d’intentions politiques (en l’occurrence révolutionnaires). Alors que chez Zones, les proclamations sont en contradiction totale avec les faits.

Dans notre billet, on n’attaque pas le directeur de la collection, Grégoire Chamayou ; je ne le connais pas, et tout le monde le trouve d’ailleurs très bien. On n’attaque pas ses livres non plus. On veut juste dire : attention, soyons cohérents.

C’est un peu le discours d’Éric Hazan, qui expliquait avoir d’abord cru qu’il pourrait poursuivre son travail au sein des éditions d’art Hazan après avoir été racheté par Hachette. Avant de se rendre compte que c’était impossible à cause des contraintes budgétaires, du rythme de parution…

Exactement.

Est-ce que Zones a réagi à votre billet ?

Non. La seule réaction a été celle d’autres éditeurs indépendants, qui nous ont dit : « Vous exagérez, Grégoire Chamayou est un type très bien, c’est notre ami. » C’est la seule chose qu’on nous a rétorqué : c’est un ami, donc on n’en parle pas. Basta… Mais nous, on veut en parler ! La différence tient peut-être aussi en partie à notre position géographique : on travaille à Marseille, loin du milieu parisien de l’édition où tout le monde se connaît, bosse ensemble, où existent des liens, des logiques de service et de contre-service.

Agone s’est justement en partie constituée contre le microcosme de l’édition. Mais participe aussi au Salon du livre. C’est cohérent ?

Oui, parce que la situation est différente : le Salon du livre de Paris est un salon commercial. C’est affiché, proclamé comme tel, tout le monde le sait. Personne n’y va pour des raisons politiques. On participe d’ailleurs à de nombreux salons commerciaux pour diffuser nos livres. Le public n’est pas trompé, puisqu’il ne s’est pas déplacé pour découvrir les livres des maisons d’éditions indépendantes.

À l’inverse, au « Petit salon du livre politique » du Lieu-dit de 2009, à Paris, à l’initiative de La Fabrique, qui est évoqué dans le billet sur « La mule du baron… », étaient invités le milieu de l’édition indépendante engagée - et Zones. On a finalement refusé d’y aller. On s’était pourtant engagés, on avait pris nos billets pour Paris, on avait envoyé nos livres sur place. Mais au dernier moment, on a découvert que Zones était invité… Annulation.

C’est très important pour nous : tu ne peux pas prétendre organiser un salon de l’édition politique « indépendante » et inviter une multinationale. Il faut être cohérent. Certains éditeurs amis nous ont d’ailleurs fait savoir qu’ils pensaient que nous avions raison. Mais… ils y sont quand même allés. Cette année le salon était renouvelé (du 28 au 30 mai), mais sans mettre en avant le critère d’indépendance. On y a donc pris part.

Est-ce que cette indépendance revendiquée n’entre pas en contradiction avec le fait de recevoir des subventions publiques - puisque c’est votre cas ?

Bonne question. Nous sommes subventionnés par plusieurs collectivités territoriales : par la Ville de Marseille pour la revue, par la Région Paca, qui accorde des subventions à la collection ; et quelquefois par le Département des Bouches-du-Rhône ou le Centre national du Livre (CNL) pour les traductions. Le principe est plus ou moins le même partout : on présente les titres qu’on veut éditer, et les commissions décident (ou non) d’accorder une subvention - comme pour n’importe quel éditeur.

Il n’y a là pour nous aucune contradiction, parce que ces aides financières ne déterminent rien de ce que nous éditons. Il s’agit d’argent public, qui n’engage pas le contenu, ni n’impose une obligation de rentabilité financière. Et nous mènerons de toute façon le projet au bout, qu’on soit aidés ou pas. Si nous les avons tant mieux, sinon tant pis.

JPEG - 73.9 ko

Et ça ne pourrait jamais vous pousser à arrondir quelques angles ?

Ça n’est jamais arrivé. Par exemple le numéro 38-39 de la revue Agone « Villes et résistances sociales »6 contient une attaque en règle contre les politiques d’urbanisme de la Ville de Marseille, avec une longue analyse du projet Euromed, l’exclusion en cours des classes populaires et la volonté d’embourgeoiser le centre ville, de faire venir les croisiéristes, de transformer Marseille en vitrine touristique de luxe où les pauvres n’auront plus leur place. Après ça, on s’est dit que c’était peut-être la dernière fois que nous recevrons des subventions municipales ! Mais au final, la Ville a renouvelé sa subvention.

Ce n’est donc pas une question de survie ? Vous pouvez vivre sans ces subventions ?

Aujourd’hui, j’ai envie de dire oui. Mais il y a quand même des projets de traduction qui sont très difficiles à mener sans aide publique. Prenez la tétralogie Novembre 1918, d’Alfred Döblin : un seul tome nous a coûté 22 000 € en traduction. Sans la subvention du CNL, on n’aurait pas pu financer ce livre.

De la même manière, on imagine, que quand vous traduisez Une histoire populaire des États-Unis d’Howard Zinn…

Non, celui-là n’a pas été subventionné. C’était un investissement fou pour Agone, un an et demi de traduction ! Si le livre n’avait pas marché, la maison aurait pu couler… D’autant que sa parution a coïncidé avec l’incendie de nos livres dans l’entrepôt des Belles Lettres en mai 2002. Pendant vingt ans (la première édition est parue aux États-Unis en 1980), aucun éditeur n’a fait traduire ce pavé de 800 pages, jugé invendable. Les gros éditeurs n’y croyaient pas du tout ; et aujourd’hui, ils s’en mordent tous les doigts. Hachette a proposé de nous racheter les droits pour sortir le livre en poche, ce que nous avons bien sûr refusé.

Vous êtes sept salariés, ça demande une certaine assise financière. Ça n’est jamais difficile ?

C’est l’une de nos particularités : Agone compte beaucoup de salariés pour le nombre de livres publiés par la maison, soit une quinzaine par an. On choisit d’ailleurs volontairement de limiter le nombre de titres, pour sortir des livres nous paraissant importants et les réaliser le mieux possible. Nous voulons faire des livres ambitieux, qui demandent beaucoup de travail éditorial, et ensuite un important suivi en diffusion. Il est hors de question de sortir des titres périmés au bout de quelques mois.

Pour revenir à votre question… Depuis deux ans, Agone est arrivé à une certaine stabilité. Ça n’a pas toujours été le cas : pendant longtemps, il était difficile de se projeter au-delà de trois mois. Je tenais la trésorerie et me demandais souvent comment on allait faire, si on allait réussir à se payer le mois suivant. On est d’ailleurs tous plus ou moins passés par des emplois aidés, avec l’idée que, s’il est possible d’utiliser à bon escient l’argent public, autant le faire… Aussi, pendant des années, ça a été du bricolage. Aujourd’hui, on finance les sept salaires intégralement. Ce qui signifie qu’en prenant le temps, il est possible d’installer quelque chose de stable.

JPEG - 27.7 ko

Ça ne nous empêche pas de stresser quand on s’attelle à des projets plus lourds qu’à l’ordinaire. Döblin, par exemple : en frais d’impression et de traduction, on a battu tous les records ! Pour l’instant, la plupart de nos livres ne sont heureusement pas des échecs ; mais ça nous arrivera forcément un jour. Dans l’édition, tu ne peux jamais vraiment prévoir : ce ne sont pas forcément les livres que tu estimes les meilleurs ou les plus intéressants qui vont se vendre. Il y a toujours quelque chose que tu ne maîtrises pas.

En même temps, Agone s’est faite un nom : les lecteurs vous font confiance, désormais…

C’est vrai que nous avons désormais un lectorat fidèle, des gens qui suivent ce que nous faisons et qui reconnaissent notre ligne éditoriale. Nous avons créé un lien de confiance avec les lecteurs et les lectrices ; c’était aussi notre but. Quand tu n’as pas de budget de communication, que tu ne fais pas de pub, que tu n’as pas d’attaché de presse, que tu ne joues pas à ce jeu-là - parce que tu n’en as ni l’envie ni les moyens - , il n’y a que ça qui compte. La qualité et le bouche-à-oreille. Et aussi une équipe de diffusion attentive.

Vous ne travaillez pas avec la presse ?

On travaille surtout avec la presse militante, un peu avec la presse indépendante généraliste, mais le moins possible avec les médias dominants. Prenez la plupart des petites maisons d’édition indépendantes : elles ont très peu de salariés, mais il y a souvent un attaché de presse. On préfère - quant à nous - mettre notre énergie dans la qualité des livres, et, pour les faire connaître, dans la relation avec les libraires.

Il me semble qu’on travaille beaucoup moins avec la presse dominante que les autres éditeurs dits engagés. D’abord pour une raison pratique : la plupart des journalistes ne lisent pas les livres. Ils les demandent, les mettent peut-être dans leur bibliothèque, les revendent parfois ; et ils ne te remercient presque jamais… On a l’impression qu’ils ne parlent jamais vraiment du livre pour lui-même. Mais parce que d’autres l’ont fait, ou peut-être parce qu’ils ont quelque chose à y gagner…

Et puis ces gens ont l’air de penser que tout leur est dû. Leurs secrétaires peuvent appeler, comme celle de je ne sais plus quel naze du Nouvel Obs ou autres : «  Bonjour, Monsieur Untel a besoin de ce livre, tout de suite ! » Il est même arrivé qu’une journaliste demande un livre, que je promette de lui envoyer et qu’elle rappelle trois heures plus tard : « Je ne comprends pas, je n’ai pas encore reçu le livre. » Pardon ? Elle s’attendait à ce qu’on leur envoie un coursier dans l’heure. La plupart ne savent même pas que nous ne sommes pas à Paris ! Et puis, ils ont tellement l’habitude que les éditeurs soient à leurs petits soins, que tous les livres leur parviennent sur le champ et gratuitement…

On ne veut pas jouer à nourrir une machine nuisible socialement : tu aides à remplir leurs journaux, tu fais leur beurre. En fait, ce sont eux qui devraient nous remercier quand on leur envoie un livre, parce qu’on leur permet de faire leur travail.

Comment vous organisez-vous ? Vous fixez votre programme de publications longtemps à l’avance ?

Oui. En général, notre programme de parutions est dressé un an et demi, voire deux ans à l’avance. Le programme de 2011 est a peu près fixé, et celui de 2012 est en train de se remplir. Si on nous propose un bouquin extraordinaire, on peut encore lui trouver une place pour l’année prochaine. Mais cet été, nous saurons avec une quasi certitude ce que nous publierons l’année prochaine. À l’automne, nous monterons le catalogue de 2011 en connaissant les titres, le nombre de pages, les coûts et donc le prix approximatif de chaque livre.

Certains éditeurs peuvent lancer un livre trois mois à l’avance, initient une grande campagne de pub et presse, envoient des milliers de services de presse… On ne fonctionne pas comme ça. Quand on nous propose un projet avec une exigence de publication dans les six mois (ça arrive souvent), on refuse. Sans remords. Parce qu’on est persuadés qu’il ne faut jamais travailler dans l’urgence.

Nous avons mis en place un planning très cadré pour chaque livre : telle période correspond à la préparation, telles autres à la correction, à la maquette, à l’envoi à l’imprimeur, à l’envoi des infos au diffuseur, etc. Nous avons toujours besoin de savoir exactement où en est le livre. La rigueur est indispensable, même si le processus peut parfois paraître lourd.

Et puis, nous rajoutons beaucoup de choses au livre de base (tout un appareil critique, des notes, glossaires, index, etc.), l’objectif étant que le lecteur puisse comprendre tout ce qu’a voulu dire l’auteur. Tout ce travail complémentaire prend du temps. C’est cette lenteur qui est le prix à payer pour que la quinzaine de livres qu’on édite par an soient de la meilleure qualité possible, qu’ils soient correctement diffusés et aient la meilleure lisibilité sur le long terme.

JPEG - 29.8 ko

Quels rapports entretenez-vous avec les auteurs ?

C’est très variable. Déjà on publie beaucoup d’auteurs morts… Et beaucoup de traductions. Même si on vient de publier coup sur coup plusieurs auteurs français. Par exemple Jean-Pierre Garnier (Une violence éminemment contemporaine7) et Ronald Creagh (Utopies américaines). C’était un plaisir de travailler avec des auteurs comme ceux-là ; qui s’investissent dans le travail que nous faisons, avec qui il y a de vrais échanges, qui prennent le temps de venir discuter avec l’équipe de sujets qui dépassent leurs livres…

Et comment vous parviennent les livres ?

Il n’y a pas vraiment de règles. Prenez L’Histoire universelle de Marseille, d’Alèssi Dell’Umbria8. Ce livre, l’auteur l’avait depuis des années sous la main, aucun des éditeurs à qui il l’avait envoyé n’en avait voulu : un livre de 800 pages écrit par un inconnu et mélangeant histoire, sociologie, politique… Exactement comme L’ Histoire populaire de Zinn : personne n’en voulait ! C’est peut-être d’ailleurs l’une des spécificités de notre genre de maison d’édition : on publie beaucoup de livres dont personne ne veut, de très bons livres mais en dehors de l’air du temps, considérés comme pas assez rentables, qui demandent beaucoup de travail… Bref, qui ne rentrent pas dans les critères des grandes maisons.

Il y a plusieurs chemins pour les livres ; mais le manuscrit anonyme arrivant par la poste est rarissime. On en reçoit, on les lit et ils sont parfois intéressants ; mais ils correspondent très rarement à notre ligne éditoriale. Les livres que nous éditerons nous parviennent le plus souvent par différents réseaux auxquels notre activité nous relie (c’est un petit monde). Concernant le dernier livre de Jean-Pierre Garnier par exemple, on a commencé par travailler avec lui pour le numéro de la revue Agone sur « Villes et résistances sociales », puis un projet plus large s’est progressivement et naturellement mis en place. Il y a bien sûr tous les livres que nous décidons de traduire ou de rééditer suivant les propositions des directeurs de collection. Mais chacun, chez Agone, a ses propres réseaux de connaissance, lui conseillant de jeter un œil à tel ou tel texte, suivant ses centres d’intérêts, ses sujets de lectures de prédilection… qui, de temps en temps, amènent à un livre.

Quand on t’écoute parler, on a l’impression que tout marche plutôt bien. À condition de réaliser de bons livres, l’édition indépendante se porte bien ?

Oui, il y a une vraie vitalité de l’édition indépendante. Depuis quelques années, c’est un milieu dynamique, avec beaucoup de maisons réalisant un boulot utile et important. On pourrait même parler de « foisonnement » dans le monde de l’édition anticapitaliste au sens large. Un phénomène qui a plusieurs explications. Tout d’abord, il y a des lecteurs, des gens soucieux de comprendre le monde dans lequel ils vivent. Ensuite, faire des livres est devenu plus facile et relativement peu coûteux : à condition de bosser dur, il « suffit » de quelques milliers d’euros pour publier un livre (c’est la diffusion/distribution qui nécessite beaucoup d’argent et de temps). Le foisonnement actuel est sans doute aussi la conséquence de la concentration du milieu du livre, de tous les rachats d’éditeurs indépendants opérés depuis une dizaine d’années. Et du formatage de la production que proposent les grosses maisons. Cette situation a logiquement laissé orphelins les lecteurs plus exigeants, et c’est sans doute pour cela qu’apparaît un certain renouveau de l’édition indépendante dite « engagée ». C’est d’ailleurs peut-être aussi pour cela que la marque Zones a été créée : il y a là comme l’exploitation d’une « niche économique ». Wendel (puis Planeta) se trouve ainsi présent sur le « marché du livre d’extrême-gauche » en croissance.

Enfin, et c’est moins réjouissant, on peut aussi se demander si un certain nombre d’entre nous ne se replient pas sur l’édition dans un contexte de reflux du militantisme.

Tu évoquais la diffusion : c’est le seul point noir ? Pourquoi ne pas monter une boîte de diffusion-distribution indépendante ?

Je ne sais pas si c’est un point noir. Mais c’est en effet le principal problème qui se pose à tout éditeur qui se lance. Comment faire pour que le lecteur potentiel puisse trouver son livre ? C’est le nerf de la guerre. Et dans ce domaine aussi, très concentré, les grands groupes font la loi : par une pression commerciale sur les libraires, et en retour sur les éditeurs qu’ils diffusent (types de livres, quantités etc.).

La diffusion coûte cher ; et c’est difficile de s’en charger tout seul. Les petits sont donc obligés de se regrouper. C’était le sens de l’expérience Athélès, appuyé sur une distribution assurée par Les Belles Lettres. Avec une dizaine de petits éditeurs, nous avons mis des moyens en commun et créé, en 1998, un groupe qui a employé deux personnes, l’une faisant la tournée des librairies, que l’autre complétait par téléphone et un travail de communication depuis des bureaux installés à Marseille. Mais des divergences d’intérêt et de façon de fonctionner entre les éditeurs a montré les limites de ce système.

Depuis trois ans nous sommes diffusés par Les Belles Lettres, qui regroupe quelques dizaines d’éditeurs indépendants et dont les représentants ont un intérêt qui n’est pas seulement commercial pour les livres dont ils parlent aux libraires.

Nous avons aussi mis en place une diffusion directe, en parallèle, pour les libraires qui ne passent pas par les Belles Lettres. Il s’agit de bouquinistes, d’associations diverses, de groupes militants, de gens qui vendent des livres sur les marchés, de librairies itinérantes, qui nous achètent directement nos livres. C’est important que nos livres soient disponibles dans des endroits différents. D’autre part cette diffusion permet aussi des rencontres avec des gens qui ne vendent pas nos livres pour le fric, mais parce qu’ils trouvent ces bouquins intéressants et même utiles.

Cela peut aussi être le cas des libraires classiques…

Bien entendu ! Sans les vrais libraires, qui prennent nos livres parce qu’ils ont un sens pour eux, et non dans le seul but de maximiser leurs bénéfices, nous aurions coulé depuis longtemps. Il y a deux choses qui peuvent provoquer notre perte : la suppression du prix unique du livre et l’extinction des libraires. Nous persistons grâce à ceux qui ne veulent pas se contenter d’assurer leur chiffre d’affaire avec du Harry Potter ou le dernier livre d’un politicard en campagne ; ceux qui refusent de prendre toute la panoplie d’Hachette pour avoir de meilleurs marges.

GIF - 50.4 ko

Ainsi, parmi les librairies indépendantes qui vendent le mieux se trouve celle d’un village de deux cents habitants dans le Gers (la librairie-tartinerie de Sarrant). Ils ne mettent pas en avant qu’Agone, mais aussi tout un tas d’autres éditeurs indépendants. Et ces libraires organisent de nombreuses rencontres avec un vrai public, venant de toute la région. C’est grâce à des libraires comme ça que nous pouvons continuer de publier notre genre de livres, ce sont eux qui évitent à notre production d’être noyée dans la masse. Qui gardent vivante la part de relations humaines du commerce de livres. A l’opposé du numérique, par exemple.

Tu penses que le numérique menace le monde du livre ?

Je ne sais pas… C’est en débat chez nous, et l’occasion de réunions houleuses. Avec de vrais questionnements : qu’est-ce qu’on fait par rapport à ça ? Comment on se positionne ? Est-ce qu’on y consacre du temps et de l’argent ? Comment défendre le livre papier si on s’investit dans le livre numérique ? Faut-il refuser de nourrir la « révolution numérique » ? Sur tous ces points, nous rassemblons un grand éventail d’opinions. Pour ma part je suis persuadé qu’il ne faut pas participer à la machinerie numérique. D’autres collègues, au contraire, sont moins méfiants.

Agone a lancé tout de même, voilà quelques années déjà, de petites expériences sur le sujet. Au format Lyberagone, on propose des textes en téléchargement gratuit - par exemple des préfaces, pour que les lecteurs puissent se faire une idée du livre avant de l’acheter ; ainsi que trois livres épuisés qui sont intégralement téléchargeables. Enfin presque toute la revue Agone. Il y a un an, nous avons aussi commencé à proposer des e-books en téléchargement : cinq de nos livres sont en vente sous forme de fichiers, à moitié prix. Mais on en vend à peu près aucun… Pour prendre l’exemple de L’Or africain, ouvrage sur le pillage de l’or en Afrique : il s’en écoule grosso-modo cinq par an sous cette forme, généralement vers des contrées lointaines.

C’est logique : personne ne souhaite lire des livres sur un écran…

Pour l’instant, ça ne semble en effet pas intéresser grand monde, mais après, pour les générations futures, gavées d’écran dès la naissance, ce sera peut-être autre chose…

Aujourd’hui beaucoup d’universitaires travaillent avec les e-books et autres formats électroniques, parce que c’est plus facile, par exemple, d’effectuer des recherches dans le corps du texte. Cet usage recouvre d’ailleurs la scission sur le sujet chez Agone : ceux d’entre nous qui sont favorables au livre numérique sont plutôt habitués à travailler directement sur l’ordinateur, à y passer des heures et des heures. Pour eux, il est indispensable que nos livres soient disponibles sous cette forme. Parce qu’ils ont l’habitude de travailler ainsi et que ça leur fait gagner du temps. Et parce qu’ils pensent que de toute façon, qu’on le veuille ou non, nos livres se retrouveront certainement un jour en téléchargement. Que si nous ne nous en chargeons pas nous-même, d’autres le feront à notre place. Des monopoles se préparent en effet dans ce domaine - comme Google ou Amazon, qui ont énormément investi de moyens - et si nous choisissons d’être totalement absents de ce débat, nos livres seront peut-être moins visibles. Bref, on n’a pas de certitudes.

Reste une question : est-ce ainsi qu’on change le monde ? Est-il sain d’encourager les gens à passer encore davantage de temps devant leurs écrans ? Même si c’est pour y lire des textes, disons, plutôt intelligents ? Je crois que non. Que c’est contre-productif. Pour moi, c’est le livre papier qui est important : un livre qui se prête, qui n’est pas un bien de consommation jetable, qui favorise la lenteur ; et qui ne nécessite pas de machine ni d’énergie pour être lu.



1 Notre visite s’y est donc effectuée à la fin du mois de mars ; oui, l’entretien date un peu, mais ça n’enlève rien à son intérêt.

2 À l’exception de La Mentalité américaine : au delà de Barack Obama, publié par Lux Éditeur.

3 Une piste à retrouver aussi sur le Blog des éditions Agone.

4 Rappelons que, pendant la courte période où l’ancien d’Action Directe était en semi-liberté, de décembre 2007 à octobre 2008, il était employé aux éditions Agone.

5 La déclaration d’intention de Zones est consultable ICI.

6 Le sommaire de ce numéro 38-39 est consultable ICI.

7 Jean-Pierre Garnier a justement accordé, il y a peu, un entretien à Article11 : à lire ICI.

8 Des entretiens avec l’auteur, ainsi que des compte-rendus et le prologue de l’ouvrage, sont consultables ICI.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 14 juillet 2010 à 12h51, par wuwei

    « Pour moi, c’est le livre papier qui est important : un livre qui se prête, qui n’est pas un bien de consommation jetable, qui favorise la lenteur ; et qui ne nécessite pas de machine ni d’énergie pour être lu. »

    Tout est dit ! Bravo à Agone et merci à Lemi et JBB

    • mercredi 14 juillet 2010 à 13h24, par un-e anonyme

      « Comment faire pour que le lecteur potentiel puisse trouver son livre ? »

      cette question, avouez-le, laisse entendre que cette maison d’édition est un service d’urgence.

      cela est bien calculé, pourrait-on dire.

    • mercredi 24 juillet 2013 à 22h27, par Raphael

      Cet entretien réalisé en mars 2010, qui montre l’extrême motivation et passion qui m’animait (nous animait), contenait aussi beaucoup de naïveté et d’idéalisme. Les choses ont bien changé, et peu de temps après la parution de cet entretien, il n’était déjà plus guère possible de prendre son temps aux éditions Agone !

      Une certaine réussite ou reconnaissance a peut-être fait tourner des têtes, décomplexé des ambitions bien différentes de celles du projet défendu par les salariés et collaborateurs passés (faire d’Agone un outil au service des luttes).
      La cohésion entre les idées que nous véhiculions et notre pratique quotidienne s’est peu à peu effritée jusqu’à en devenir l’opposée. Un autoritarisme de plus en plus affirmé (pour ne pas parler d’agressivité) s’est imposé. Pour le directeur éditorial, les cinq autres salariés, après qu’ils se soient opposés à certains de ses projets et surtout à certaines de ses façon de procéder, sont visiblement devenus un ennemi à évincer. Cela avait déjà été le cas plusieurs fois dans le passé avec d’autre salariés, alors isolés, taxés de fous ou de déséquilibrés.

      Face au narcissisme et aux pratiques patronales du directeur éditorial (brièvement décrites dans l’article « Stratégies patronales aux éditions Agone » http://www.alternativelibertaire.or...) les directeurs de collection et le bureau de l’association Agone (au rôle purement symbolique) ont préféré faire l’autruche ou le soutenir, par exemple au motif qu’on ne fait pas de bonnes omelettes sans casser des œufs, ou encore que ceux qui n’ont pas la force de résister à la violence du directeur éditorial doivent s’en aller. Sélection naturelle oblige.

      Au final, nous sommes cinq salariés, passionnés par notre travail mais écœurés, a être partis entre fin 2012 et début 2013. Non sans avoir commis des erreurs, certes, mais fiers du travail accompli ensemble, avec les auteurs, les traducteurs, les libraires et de nombreux autres relais. Avec aussi plus d’expérience sur la nécessité de s’opposer quotidiennement à l’autoritarisme et au harcèlement moral à l’intérieur d’une structure, d’autant plus lorsque elle défend l’émancipation des travailleurs !



  • mercredi 14 juillet 2010 à 13h22, par SL

    Au sujet des formats électroniques :
    C’est toujours la même question de savoir si l’électronique tue les industries traditionnelles (cf débat hadopi). Il faut savoir que l’éléctronique et le traditionnel ne sont pas en opposition. que ce soit des films, de la musique ou des livres, les deux formats proposent des choses complémentaires :

    C’est sur que c’est toujours plus sympa de se poser dans un hamac avec une bière et un livre, mais les livres ca coute cher. Chez agone (en regardant vite fait sur leur site), ca tourne autour de 12-20 € en moyenne (et personne ne leur en veut, il faut bien qu’il couvrent leurs dépenses). C’est pas très cher si on gagne 3000 € par mois, mais pour un ouvrier au smic, acheter des livres ne sera surement pas la première de ses priorités.

    Le format électronique offre des avantages aussi (pour le lecture et l’éditeur) : il n’y a aucun cout d’impression et de transport, il est accessible immédiatement, permet une circulation rapide, etc.
    pour une personne n’ayant que très peu de revenus, c’est très bien. Une fois les dépenses (salaires des personnes, cout de traduction et d’édition) couvertes les livres électroniques devraient même être gratuits (c’est but non lucratif ou pas ? :)).

    pour prendre un exemple, je trouve ce que Eric Hazan a fait avec l’IQV pas mal. la version livre est vendue 7€ sur leur site, mais la version PDF est aussi disponible gratuitement en téléchargement. De cette manière, La fabrique ne perd pas d’argent en éditant le livre, et en plus permet de toucher beaucoup plus de gens (personnellement je l’ai lu d’abord sur l’ordi, et après cela ne m’a pas empêché de l’acheter !). Il ne perd rien en mettant la version PDF gratuitement sur le site.

    Un dernier exemple pour finir :

    En voyageant au canada au début de l’année, je suis allé à vancouver dans le ’downtown eastside’ sur East Hastings street (le ghetto de la ville). dans cette rue se trouve le Spartacus bookstore, minsucule bibliothèque radicale gérée bénévolement par des gens. j’y ai rencontré une militante autonome qui habite dans le quartier (dans un squat), et qui vit avec 200 dollars par mois. je l’interroge sur le genre de textes qu’elle garde dans la partie de la bibliothèque qu’elle tient, et là elle me sort l’IQV en français et en anglais, et du tiqqun.
    C’était des versions électroniques qu’elle avait imprimées, agrafées, autopubliées.

    • mercredi 14 juillet 2010 à 14h00, par un-e anonyme

      à SL

      c’est un mécanisme de coresponsabilité internationale qui change les schémas classiques de coopération Nord-Sud.

    • mercredi 14 juillet 2010 à 16h10, par Anonyme 13

      C’est pas très cher si on gagne 3000 € par mois, mais pour un ouvrier au smic, acheter des livres ne sera surement pas la première de ses priorités.

      C’est relatif cela. On sait parfaitement que les plus grands lecteurs (+ de 30 livres l’an) ne sont pas les plus riches. Il s’agit plutôt de savoir ce que l’on investit avec son argent. Votre exemple est faux. Avec 1000 Euros/mois, c’est possible de s’acheter des livres, et même en quantité pas négligeable. J’en suis la preuve.

      Il s’agit plutôt, en langage de Pierre Bourdieu, de dispositions inscrites dans la structure et l’histoire de votre « habitus », ensemble des dispositions incorporées conscientes et surtout inconscientes qu’un individu acquiert, développe et transforme tout au long de sa vie.

      Si comme il est dit ici, un « ouvrier » n’achète pas de livres, ce n’est pas par manque d’argent !

      (Ce n’est peut-être pas la même histoire pour un travailleur pauvre, qui survit avec moins de 500 Euros/mois, là ça se discute).

      • mercredi 14 juillet 2010 à 18h59, par SL

        tu n’as pas tort (tutoyement ?) c’est effectivement surement un problème d’habitus. J’ai caricaturé mais je maintiens que pour pas mal de gens, le prix des livres neufs, et qui viennent de sortir, peut être rédhibitoire. c’est comme tu dis le cas pour le travailleur pauvre, mais aussi de l’étudiant (qui doit déjà payer les livres obligatoires), ou du chômeur.

        (j’ai précisé neufs et qui viennent de sortir, parce que c’est vrai qu’il ya beaucoup d’endroits où l’on peut trouver des livres pas chers)

        • mercredi 14 juillet 2010 à 19h40, par un-e anonyme

          reprenons

          « Comment faire pour que le lecteur potentiel puisse trouver son livre ? »

          cette phrase est splendide

          il est possible de se dire, enfin, non il n’y a pas qu’Alain Decaux

          il y a Une Histoire populaire d’Howard Zinn

          l’édition est impeccable, ça se chiffre à 28 euros et tu fais en sorte de pas faire des comptes d’épiciers stp

          toi là, qui pensait que le livre de ta vie c’était La peste de Camus

          t’as découvert quelque chose !

        • dimanche 18 juillet 2010 à 21h23, par J.Gorban

          c’est aussi une question de choix : combien pour les dépenses de cigarettes ?



  • mercredi 14 juillet 2010 à 14h15, par Karl-Groucho Divan

    Oui, Agone, indispensables !
    MAIS alors, pourquoi de pseudo mises en pages si laides et si lourdes, typo moche, trop grasse corps trop importants, souvent manque de blanc, etc. ?
    C’est d’autant plus hon qu’Agone réfléchit (c’est devenu rare, quand ce devrait être la base de ce métier). Ainsi, c’est chez Agone que j’ai vu la 1re fois un double système d’appels de notes, l’un pour les notes qui précisent, l’autre pour citer des références. Très bien. Mais de grâce, que les concepteurs et maquettistes fassent leur travail !

    • mercredi 14 juillet 2010 à 15h30, par g.

      salut à tous et toutes,
      Tout d’abord un petit message pour Karl Groucho. Si tu envoies à Agone tes critiques (plus précises si possible), elles seront lus attentivement.

      Par ailleurs, en tant que relecteur de ce texte avant sa publication, je tiens à apporter une précision concernant une des questions de l’entretien : « Est-ce que Zones a réagi à votre billet ? » Si Zone n’a pas réagi ou si il n’y a pas eu de réactions concernant l’épisode Zones, Agone a par contre reçu des critiques sur d’autres parties du billet paru sur le blog.
      À savoir l’utilisation d’un vocabulaire qui peut être sexiste (« Pétroleuses ») et le peu de regard autocritique par exemple sur la production éditoriale d’Agone très majoritairement écrite par des hommes blancs universitaires.

      De pointer ce qui nous paraît être des contradictions lourdes dans le petit milieu de l’édition-indépendante-engagée ne signifie pas que nous sommes au-dessus du lot ni que nous ne sommes pas critiquables...

      • mercredi 14 juillet 2010 à 16h52, par ZeroS

        @ SL :

        Les livres électroniques coûtent beaucoup plus chers qu’ils n’y paraissent (source : Livres de papier).

        D’abord, une liseuse et une batterie ont un coût très important, au-delà de l’investissement initial déjà élevé, et produites avec des matières rares difficilement recyclables. Le papier se recycle plus facilement et les arbres se replantent.

        Le bilan carbone d’un livre est un peu inférieur à 1 kg l’unité, une liseuse avec une durée de vie moyenne de 3 ans c’est 240 kg (source société Carbone 4). Pour que le bilan carbone de la liseuse soit supérieur à celui du livre, il faut lire environ 80 ouvrages sur la même période (source : ADEME). Hors, le Français qui lit (47% de la population), lit en moyenne 10 bouquins par an (source : dernière enquête sociologique nationale d’O. Donnat sur les pratiques culturelles des Français). La principale fracture numérique ne se mesure pas en terme d’équipement matériel mais en fonction des capitaux sociaux et (multi-)culturels des individus. Nous pouvons pinailler sur l’achat des quotidiens et autres magazines eux aussi entièrement financés par la publicité. Tout dépend ensuite de quelle lecture nous parlons...

        De plus, le stockage des données coûte éminemment cher au consommateur (et à la planète) via un impôt indirect très lourd appelé « publicité » (add-ons de Google). En 2008, il y avait 35 millions de serveurs en service sur la planète. Un datacenter consomme en moyenne 4 mégawatts heure, soit l’équivalent de 3.000 foyers. Pour être compétitif, Google remplace la moitié de son parc chaque année... déchets qui finissent dans des décharges polluantes dans des pays où se ne sont pas nous, les nantis, qui payons les conséquences humaines et économiques du désastre (eau gorgée de mercure et autres joyeuseries). L’économie (capitaliste) du livre n’est pas formidable, mais celle du gadget numérique l’est encore moins.

        Enfin, je n’aborde pas la question de la consommation d’énergie des batteries qui ont des durées de vie moyenne moins longue que celles des appareils... et je pourrai formuler ma propre auto-critique, puisqu’une recherche sur Google ou la réponse sur Article XI équivaut à la consommation énergétique d’un tour de bouilloire électrique et le téléchargement d’un quotidien en ligne, une lessive.

        La conclusion est que les gens qui lisent en ligne paient (indirectement) encore plus cher leur lecture (merci la publicité) dans des filières transnationales complexes et non contrôlées. D’ailleurs, très peu d’études universitaires ou journalistiques sérieuses ont été menées sur l’économie de la publicité... je pense que nous serions surpris du coût par tête d’habitants... et comme c’est la clef de notre modèle économique...

        J’ajouterai deux autres bémols. D’une part, des études en psychologie cognitive montre que nous lisons 25 à 30 % moins vite que sur papier en raison du rétro-éclairage et que l’hypertextualité et la culture du zapping renforce globalement la perte d’attention chez les enfants et la capacité de lire des textes longs, exigeants, linéaires et argumentés (source : conférence de Bernard Stiegler qui fricote quand même avec de formidables entreprises...). D’autre part, l’imprimerie a été diffusée horizontalement par capillarité contre la volonté des pouvoirs institués (Église catholique) comme le souligne Roger Chartier dans un ouvrage sur la Révolution française. Le livre numérique comme outil technologique fermé - je ne rentre pas dans les questions liées à la propriété intellectuelle pour le contenant et le contenu - est imposé par le haut via des entreprises capitalistes transnationales dont l’unique objectif n’est pas l’émancipation des individus mais l’augmentation des profits en captant l’attention des consommateurs par la publicité pour qu’ils consomment plus et plus rapidement (base de la « croissance »).

        En revanche, je te rejoins - pour mon confort personnel et satisfaire des pulsions égoïstes rapidement - j’apprécie à l’occasion la récupération de données et la lecture en ligne (infokiosques, Lyberagone, etc.) qui souvent pourrissent sur mon disque dur. Elle côtoie l’achat occasionnel de livres (je ne touche pas 3.000 euros par mois, loin s’en faut), mais surtout leur emprunt. Curieusement, pour que les livres circulent et les gens se rencontrent, des bibliothèques (publiques) ont été ouvertes.

        • mercredi 14 juillet 2010 à 19h33, par SL

          A ZeroS

          Ouais j’avais déjà lu un truc sur la pollution engendrée par le système informatique mondial, et c’est vrai que le coût environnemental, social, économique, etc. est plus (trop) élevé, mais au final le lecteur en ligne, lui, ce qu’il sait, c’est qu’il n’a rien payé en argent.
          l’autre coût, lui, il est invisible, et une bonne partie de la population n’est surement même pas au courant !

          J’ajouterai deux autres bémols. D’une part, des études en psychologie cognitive montre que nous lisons 25 à 30 % moins vite que sur papier en raison du rétro-éclairage et que l’hypertextualité et la culture du zapping renforce globalement la perte d’attention chez les enfants et la capacité de lire des textes longs, exigeants, linéaires et argumentés (source : conférence de Bernard Stiegler qui fricote quand même avec de formidables entreprises...).

          ca c’est vrai, mais pour les textes assez courts du moins, on peut toujours se procurer les version numériques imprimables.
          (à ceux qui répondent que le cout sera plus elevé que de l’acheter, ce n’est pas toujours vrai : 500 feuilles de papier, 3€, 40 Ml d’encre pour recharger les cartouches soit même avec un kit : 5 €. avec 40 ml, on peut imprimer entre 1500 et 2000 pages. de plus dans certains pays. un livre de 120 pages par exemple coute donc moins d’un euro à fabriquer soit même, sachant que l’on imprime en général 4 pages par feuilles. Mais je sais bien que peu de gens prendront la peine de fabriquer eux même leurs livres. ce que l’on gagne en euro, il faut dépenser en temps).

          D’autre part, l’imprimerie a été diffusée horizontalement par capillarité contre la volonté des pouvoirs institués (Église catholique) comme le souligne Roger Chartier dans un ouvrage sur la Révolution française. Le livre numérique comme outil technologique fermé - je ne rentre pas dans les questions liées à la propriété intellectuelle pour le contenant et le contenu - est imposé par le haut via des entreprises capitalistes transnationales dont l’unique objectif n’est pas l’émancipation des individus mais l’augmentation des profits en captant l’attention des consommateurs par la publicité pour qu’ils consomment plus et plus rapidement (base de la « croissance »).

          Là, j’avoue que je ne comprends pas trop.. pour moi le livre numérique c’est un truc qu’on se file horizontalement, et sans publicité. Il est en fait très facile de numériser des livres soit même notamment en piratant des ligiciels OCR (optical character recognition) et en les diffusant sur des sites hebergés gratuitement.

          Curieusement, pour que les livres circulent et les gens se rencontrent, des bibliothèques (publiques) ont été ouvertes.

          je sais je sais :) on est d’accord sur le fond ! j’essayais juste de montrer que les versions numériques de livres ont aussi des avantages.

          • mercredi 14 juillet 2010 à 23h23, par ZeroS

            @ ZeroS :

            Je me plaçais par rapport au système dominant de production du livre numérique (et du livre papier).

            Si tu pars dans la perspective d’auto-imprimer les bouquins, je te suis, mais je n’ai encore jamais vu de distro avec des fanzines de 800 pages (comme tu dis ça prend du temps... je parle d’expérience de photocopiage). Le coût brut imprimé prend en compte la seule matière première... les auteurs étrangers se traduisent, la traduction a son importance et c’est un travail qui demande énormément de temps (exemple d’un pavé anglais comme La vie et les opinions de Tristram Shandy - l’équivalent de Don Quichotte pour les Espagnols, Gargantua pour les Français ou le Decameron en Italie - qui a tourné près de 80 ans avec une traduction perave jusqu’à ce qu’un indépendant le retraduise) et dans le cas d’auteurs vivants (et même morts) l’écriture est une aventure souvent collective avant d’arriver à un résultat final... si on accorde une importance à la forme.

            Aussi, qu’une immense majorité des personnes ne soit pas au courant de l’impôt qu’est la publicité, c’est assez triste et à combattre dans l’organisation du système économique dominant. Pirater les produits marchands est une alternative tant qu’il n’existe pas de formes d’organisations autonomes capables d’exister hors du capitalisme.

      • mercredi 14 juillet 2010 à 17h43, par Un passant...

        Pour en rajouter un peu à la remarque précédente...

        De Groucho Karl :

        MAIS alors, pourquoi de pseudo mises en pages si laides et si lourdes, typo moche, trop grasse corps trop importants, souvent manque de blanc, etc. ?

        J’abonde : je viens de télécharger la préface à la Fabrique scolaire de l’histoire et c’est... triste. Typographie très moche, empagement contresensique, défaite totale de la forme, aucune pensée de la beauté ni de la lisibilité, négation de l’histoire du livre et de l’acte de lecture, « mépris » (le mot est trop fort, bien sûr) du lecteur comme de l’auteur. C’est bien dommage, pour un éditeur qui affirme par ailleurs que « La façon de faire des livres et de travailler est pour nous très importante. Tu ne peux pas prétendre changer le monde si tu ne montres pas déjà un peu où tu veux aller par ta pratique. »

        Du point de vue de la forme, ici inséparable du fond qu’elle vient servir ou desservir, illustrer ou massacrer, Agone n’est pas tellement différent de la plupart des éditeurs de textes mainstream et parfois il est pire. Bizarrement, vous attachez en revanche de l’importance à la maquette et à la rigueur typographique de votre revue, comme si la forme des livres (la pratique de leur production, la manière de les faire) n’avait pas d’importance. La typographie, la mise en pages, c’est du signe et on peut tout signifier avec ça.

        De Raphaël :

        Tout d’abord un petit message pour Karl Groucho. Si tu envoies à Agone tes critiques (plus précises si possible), elles seront lus attentivement.

        Je ne veux pas parler à la place de Groucho, mais discuter maquette, mise en pages, typographie, forme et fond, lisibilité, beauté, modernisme et classicisme, bref tout discuter de tout ça, de loin et par mail c’est difficile.Il n’empêche, j’espère que vous vous améliorerez sur ce plan. parce que, oui : vos lecteurs et vos textes méritent vraiment mieux...

        Voir en ligne : Forme et fond indissociables

    • mercredi 11 août 2010 à 22h40, par un-e anonyme

      Il ne fait pas bon critiquer AGONE dans les milieux dits « alter ». Que de révérences obligées devant l’audace éditoriale consistant à recycler des écrivains allemands ou rééditer le degré 0 de l’anarchisme. Mais, bon, comme toute bulle spéculative, un jour ça fait pschit... Facile de prétendre snober les médias dominants lorsqu’on perçoit les (grasses) subventions de l’Etat. Double langage pour double pensée chez AGONE. Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais. Avec la morgue et le mépris de son chef en prime. Ultragauche sous perfusion étatique.



  • jeudi 15 juillet 2010 à 01h17, par un-e anonyme

    Concernant le prix des livres il y a un truc très bien qui permet de lire pour pas cher, ce sont les bibliothèques.



  • jeudi 15 juillet 2010 à 09h27, par HL

    cette note, dans un article récent de Loïc Waquant, signalé par rezo.net :

    « Ce chapitre est une version amendée et élargie du « coda théorique » de mon livre Punishing the Poor : The Neoliberal Government of Social Insecurity. ( Nota bene : la version française de ce livre publiée contre ma volonté expresse, sans contrat ni bon à tirer, par Agone en 2004 est une version contrefaisante et dont le contenu est nul et non avenu) »

    tout en m’associant aux louanges sur Agone, et en ayant conscience qu’un conflit avec un auteur ne résume pas une façon d’exercer le métier d’éditeur, j’aimerais en savoir plus...

    HL

    le lien de l’article de LW :

    Voir en ligne : http://civilisations.revues.org/ind...

    • jeudi 15 juillet 2010 à 15h39, par Anonyme 13

      HL,
      C’est une sale histoire, comme il s’en passe dans tous les milieux. Mêlant un ego sur-dimensionné (L.J. Wacquant), intransigeance d’un éditeur exigent, et une suite de coups et contre-coups de part et d’autre.
      Mais bien qu’ayant été informé par l’un des acteurs, je ne suis pas légitime pour parler de cette affaire, et préférerais laisser répondre quelqu’un de mieux renseigné. Mais bon pour Article XI, je me lance :
      En gros, et en trois mots seulement : Le manuscrit de Wacquant (de « Punir les pauvres ») était écrit dans une espèce de franglais (Wacquant n’écrit plus en français directement depuis longtemps, si vous remarquez, il est maintenant systématiquement « traduit de l’anglais »). Discepolo (bref, Agone) exigent comme à son habitude, demande une réécriture de l’ensemble. Au début Wacquant ne répond pas et enfin s’agace : mais comment ? On me demande à moi, le nouveau Marcel Mauss, une réécrture de mon texte ? L’équipe d’Agone s’agace à son tour, puis enfin fait le boulot à sa place (le texte tel qu’il existe aux éditions Agone a été réécrit par les éditeurs, et pas par l’auteur lui-même). Là, L.J.W. se fâche tout rouge, vexé jusques ses entrailles profondes. Pendant plusieurs mois, et le livre déjà sorti, il ne dit rien ; puis, tout d’un coup, et sorti de cette manie américaine de « judiciarisation des conflits sociaux » (L.J.W. est très américanisé... ce qui est aussi très bien, il est de ce fait hyper professionnel d’habitude, quand ce n’est pas un veule éditeur indépendant qui lui cherche des noises) : et paf ! il fout un procès au cul d’Agone ! Prétexte inique : Agone serait coupable de tirer le texte vers une interprétation politique non voulue par l’auteur (il faudrait peindre tout le contexte politique de l’époque : Halimi et Wacquant avaient signé un texte, un brûlot ?, contre Jospin en 2002, dénonçant le néolibéralisme de ce dernier ; il faut absolument rappeler que l’entrepôt des Belles Lettres où se trouvait presque l’intégralité du stock des livres d’Agone avait brûlé en 2002 précisément ; Agone était vraiment au bord de la faillite, et je crois que Discepolo n’était pas près à se laisser emmerdé par une jeune star de sociologie, qui risquait d’enliser et de couler un projet éditorial important qui avait demandé déjà beaucoup de travail et de temps perdu). Si on ne regarde rien que le titre du livre américain sorti en 2009, c’est exactement le même ! « Punishing the Poor : The New Government of Social Insecurity »... Par ailleurs, c’est assez génial que Wacquant ait invoqué le prétexte politique tétant donné qu’il était aux avant-postes de ce qui commençait à se nommer elle-même la « gauche de gauche », tout près de Bouridue. Il faut bien croire que la mort du Maître, en janvier 2002 si je m’en souviens bien, ait été un gros facteur de désunion des troupes du côté du « champ » des sciences sociales critiques et des intellectuels de la gauche de gauche, sur fond de débâcle universitaire, et de lynchage revanchard anti-bourdieusien au sein des rangs de la Fac : 10 ans après, on peut dire que ça s’est calmé, même Franck Poupeau, pourtant le plus « engagé » des bourdieusiens, vient de trouver un job comme maître de conf en socio en France (lui qui avait tant pâti de la mort de Bourdieu).
      Au final, Agon n’a pas voulu se ruiner elle-même et a décidé de publier quand même. Le procès n’a abouti à rien, Wacquant a fini par laisser tomber (mais seulement du côté juridique). Car si vous regardez sur son site, il dit exactement la même chose que dans la note américaine... C’est un orgueilleux, et comme il bénificie d’une reconnaissance scientifique et politique à peu près mondiale (il faut voir à quel point il est « adoré » en Amérique Latine par exemple), il n’a « pas besoin d’Agone ».
      C’est une sale histoire je vous l’ai dit : ego sur-dimensionné (je rectifie, de part et d’autre), débâcle gauchiste, un auteur qui change de pays, et « choisit » l’Amérique aux dépens de la vieille France...
      Voici une modeste contribution d’un pékin jadis étudiant, qui se souvient douloureusement de l’affaire (à l’époque j’étais encore ébloui et par Agone et par Wacquant ! Il venait de publier Les Prisons de la misère chez Raisons d’agir, maison au moins aussi « politique » que Agone... Bref c’était incompréhensible, et sonnait le glas, post-mortem, donc deux fois, de l’unité de cercles sociologiques critiques et politiques... à te dégoûter quoi !).
      Aujourd’hui, on pourra peut-être se faire ue idée un peu plus objective...

      Mais peut-être quelqu’un (notamment d’Agone) saura-t-il éclairer les points obscurs...

      • jeudi 15 juillet 2010 à 17h56, par Anonyme 13

        Après avoir écrit ce petit récit, je me sens un peu coupable, et peut-être devrais-je lire le livre américain et le comparer avec le français ? C’est vrai que dans « Punir les pauvres » publié par Agone, je m’étais légèrement assoupi ayant une sensation de « déjà-lu », doublon de « Les Prisons de la misère ». Peut-être la version américaine de 2009 était-elle réellement différente et apporte-t-elle des nuances et des orientations complètement différentes, et notamment complexifie un peu le propos du livre de 2004. Certains avaient reproché le simplisme de Wacquant (en plus du ton ultra-radcial, polémique, et parfois même injurieux- il faut dire que Wacquant est un habitué des polémiques, cf. « Scrutinizing the street » qui a peut-être été publié en français depuis chez Raisons d’Agir, mais je n’ai pas vérifié, c’était en projet- C’était un brûlot contre la sociologie urbaine américaine, qu’il accusait notamment d’éluder la question politique, en l’espèce ce qu’il appelle le « néolibéralisme » -il faudrait évidemment tout un livre pour rendre compte des usages politiques et scientifiques de ce mot-valise qui finit par signifier à peu près tout et n’importe quoi, de préférence l’ennemi à abattre, sans réelle analyse la plupart du temps, dans le cas de Wacquant c’est variable...Toute une discussion...).

      • jeudi 15 juillet 2010 à 23h31, par un-e anonyme

        Anonyme 13 écrit « Discepolo (bref, Agone) »

        et dans le chapeau ce Discepolo est présenté comme « un des fondateurs d’Agone »

        J’ai un peu l’habitude des collectifs et en règle général c’est un peu comme en politique, cela n’engage que ceux qui y croient. Quelqu’un sait quelle est par exemple la différence de pouvoir décisionnel et de compétence entre Raphaël et Discepolo ? Je dis ça parce que j’ai rarement vu un « collectif » comptant sept salariés être autre chose qu’une PME paternaliste.

        Enfin j’aimerais bien être détrompé et qu’on me démontre que le modèle de l’ordre moins le pouvoir a été réalisé quelque part...

        • vendredi 16 juillet 2010 à 09h33, par CaptainObvious

          Plus ou moins officiellement, leur mode de fonctionnement est celui décrit par Michael Albert dans ses bouquins sur l’économie participaliste (donc je regrette le peu de succès en france). Après c’est sur que vu de l’extérieur, Agone c’est surtout T. Discepolo. Mais ça peut être aussi une question d’historicité ou de goût/talent pour la communication.

          Sinon, si tu cherche des boites autogérés, il y a la scierie Ambiance Bois dont un des membres a écris un bouquin ma foi fort intéressant sur son évolution du projet des années 80 à la réalité du début des années 2000.

          Je conseille d’ailleurs la lecture des livres suscités aux tauliers d’A11.

      • mercredi 11 août 2010 à 22h58, par un-e anonyme

        Que dit cette mésaventure ?

        Que le culte de la personnalité et la mégalomanie des disciples bourdieusiens n’ont pas encore révélé tous leurs secrets. Essayer donc de vous dire sociologue sans une référence en forme d’allégeance à Bourdieu...

        AGONE n’est qu’un rouage de cette entreprise sectaire qui profite du halo subversif entourant le maître. Tout est bon, y compris les déjections d’un disciple illuminé livrant une bouse en « franglais ». Car pour comprendre « les ressorts de la domination », on vous vendra tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi. Et si vous n’êtes pas convaincu, c’est que vous êtes un vendu au système « dominant », un lecteur de charlie-hebdo ou libé, voire un débile.

        Le plus marrant c’est que les auteurs « rebelles » et têtes d’affiche de la maison AGONE veulent quand même améliorer l’ordinaire et ne dédaignent pas un bon a-valoir de FAYARD (Halimi, Chomsky). On aura compris que tout ce discours accompagnateur, pédago-léniniste et lénifiant, c’est du flan, de la poudre de perlin-pinpin. AGONE sans les subventions c’est retour à la poussière. Les idiots utiles de la Canebière pourront alors crier « Etat assassin ».

    • jeudi 15 juillet 2010 à 15h40, par ZeroS

      Ça serait intéressant de savoir, effectivement. L. Wacquant avait déjà publié chez Agone avant si je ne m’abuse...



  • vendredi 16 juillet 2010 à 00h25, par Anonyme 13

    L’article de Wacquant sur « Civilisations », « La fabrique de l’État néolibéral » ne semble en rien contrevenir aux thèses défendues dans le livre de 2004 et encore moins à celui de 1999, « Les Prisons de la misère », qu’il cite abondamment et auquel il se réfère (en précisant que celui de 2004 est « nul », citant uniquement celui de 2009, l’américain « Punishing the Poor »). Même si je ne voudrais pas condamner trop vite ce sociologue, on peut toujours remarquer deux choses : (1) Soit c’est quelqu’un de cohérent, soit il se répète furieusement, et l’accusation d’instrumentalisation politique de son livre par Agone est absolument grotesque ! Tout honnête homme devrait se rétracter après tant d’années ! (2) Il est effectivement devenu une star globale, un exemple mentionné en fin d’article, on peut s’en réjouir ou pas :

    * Cet article est dérivé de « A Sketch of the Neoliberal State », le coda théorique de mon livre Punishing the Poor : The Neoliberal Government of Social Insecurity(Durham and London : Duke University Press, « Politics, History, and Culture », 2009). Il est l’objet d’un symposium transdisciplinaire et transnational comprenant les réponses de JohnCampbell, Bernard Harcourt, Margit Mayer, Jamie Peck, Frances Piven, et Mariana Valverde, publié en anglais in Sociological Forum (25, n° 2, juin 2910) et Theoretical Criminology (14, n° 1, février2010) ; enallemand dans Das Argument(Berlin) ; en espagnol dans Sociographica (Cordoba) ; en brésilien dans Discursos Sediciosos (Rio de Janeiro) ; en italien dans Aut Aut (Rome) ; en portugais dans Cadernos de Ciências Sociais(Porto) ; en norvégien dans Materialisten(Oslo) ; en danois dans Social Kritik(Copenhagen) ; en grec dans Ikarian Journal of Social and Political Research(Athènes) ; en ukrainien dans Spilne(Kiev) ; en russe dans Skepsis(Moscou) ; en hongrois dans Eszmelet(Budapest) ; en slovène dans Novi Plamen(Ljubljana) ; en roumain dans Sociologie Romaneasca(Bucarest), et en japonais dans Gendai Shiso(Tokyo). Je remercie Mario Candeias et la Rosa Luxemburg Stiftung à Berlin pour avoir lancé ce débat, et les directeurs des revues listées ci-dessus pour leur soutien de ce projet éditorial. Ce chapitre a bénéficié des réactions à trois communications présentées lors de la 4e conférence « Putting Pierre Bourdieu to Work », Manchester, Angleterre, les 23-24 juin 2008 ; au colloque du département de sociologie de l’Université de Yale, le 26 février 2009 ; et à la journée d’étude « Utiliser la théorie des champs pour étudier le monde social », tenue à Louvain-La-Neuve, Belgique, les 19 et 20 mars 2009.

    • vendredi 16 juillet 2010 à 01h27, par un-e anonyme

      @ anonyme 13
      merci pour vos éclaircissements
      s’il s’agit ici de parler d’Agone et non de Wacquant, je m’étonne de leur usage relâché de la contractualisation avec leurs auteurs (cet auteur) — mais je ne sais pas comment ça se passe « d’habitude » —
      en tout cas, ayant entendu T Discepolo reprendre à son compte et même marteler un discours du professionnalisme, et mettre en avant l’importance d’assurer financièrement les arrières d’Agone, de publier des livres qui se vendent (pas n’importe lesquels, bien sûr, en respectant les exigences de sa maison), je reste un peu songeur sur cette prise de risque (on voit ce que ça aurait pu coûter avec Wacquant).

      HL

      • vendredi 16 juillet 2010 à 04h41, par Anonyme 13

        C’est très simple à comprendre, ça par contre ! Wacquant était tout simplement un ami ! Le disciple le plus brillant de Bourdieu. Faisait partie (à l’époque) des cercles politico-scientifiques tournant autour de Bourdieu, avec Raisons d’Agir, ATTAC, le Diplo, le Collège de France où Bourdieu enseignait, mais aussi sur Internet ACRIMED, ’« Le Magazine de l’Homme moderne », et puis aussi PLPL devenu plus tard Le Plan B, etc. Agone était tout simplement l’une des pierres de touche de ces cercles. Voyez par exemple le cas Serge Halimi. Rezo.net faisait partie de la fête, d’ailleurs voyez vous-même, ils ont mis en « une » l’article de Wacquant, comme quoi les choses n’ont pas beaucoup changé, malgré les disparus, les roues ont tourné mais pas trop...

        • vendredi 16 juillet 2010 à 16h28, par ZeroS

          Je me souviens d’une discussion avec une historienne, bien éloignée des cercles militants, qui soulignait, à juste titre, que les chercheurs (j’ajouterai militants ou pas) peuvent avoir tendance, notamment chez les plus en vue, à s’intéresser à l’exceptionnel qui, à gauche comme à droite, attire aisément projecteurs et caméras.

          La conversation en question portait sur les « sacs à procès » du Parlement de Toulouse (XVIe-XVIIIe siècles). Ce sont les appels en dernier recours des affaires jugées durant trois siècles sur le territoire administré par ledit Parlement. Entre autres affaires célèbres, nous y retrouvons l’affaire Martin Guerre à propos d’une usurpation d’identité non résolue (adaptée en film par Daniel Vigne avec Gérard Depardieu), on y soupçonne la présence du jugement de Jean Calas que Voltaire aurait consulté, et des historiens y ont cherché, sans succès, des procès en sorcellerie.

          Sur un total de 60.000 sacs à procès restant du Parlement de Toulouse (fonds très complet), moins de 20.000 (soit 1/3) correspondent à du criminels (souvent des agressions plus que des meurtres). Les autres correspondent à du civil, par exemple des litiges sur des limites de terrain. Le civil est certainement sous-représenté car si les affaires criminelles remontaient souvent en dernière instance, il est probable que les conflits civils trouvaient étaient résolus au sein de la communauté aux niveaux des juridictions inférieurs. Chaque année des étudiants vacataires sont employés par le département pour dépouiller et classer uniquement les sacs contenant du criminel.

          Pourquoi les historiens et les archivistes ne s’intéressent-ils qu’au criminel ? Certainement parce que l’exceptionnel est plus satisfaisant personnellement et que c’est plus vendeur tant sur le marché du savoir que celui de l’édition... ou du cinéma. Cependant, il est certain dans ce cas que des problématiques posées aux sacs à procès civils seraient un complément indispensable aux connaissances sur le fonctionnement d’un système judiciaire en effaçant l’effet loupe du criminel recherché par des chercheurs avides de sanglant et croustillant (au final,valent-ils mieux que le Monsieur X lisant VSD ou l’Équipe ?) et permettraient aussi de mettre en exergue le quotidien moins sensationnel, mais plus ?, de ceux qui nous ont précédés...

          • vendredi 16 juillet 2010 à 19h03, par ZeroS

            J’ai relevé une contradiction dans la critique du travail de Loïc Wacquant par Frédéric Ocquetau. Il souligne qu’un des multiples facteurs de diminution de la criminalité à New-York et Chicago au cours des années 1990 est une relative embellie économique (1), cependant il en vient ensuite à proposer, cyniquement, une corrélation entre la crise pétrolière de 1973 et l’hyperinflation carcérale des 30 dernières années (2)... c’est-à-dire qu’il oublie d’articuler une composante macro-économique structurelle (la crise pétrolière) avec une relance de l’économie qui a duré moins d’une décennie - jusqu’à l’effondrement japonais de la nouvelle économie (en fait passage du militaire au civil des investissements étatiques colossaux de R. Reagan dans le cadre du programme Star Wars). Il exclut de rappeler un fait politique majeur : Bill Clinton a été élu en portant deux projets de réforme : celui, échoué, de la sécurité sociale (repris par B. Obama) et celui des TIC, réussite dont les triple down effects ont été de courte durée - les inégalités socio-économiques n’ont cessé de s’accentuer. En fait, F. Ocqueteau parle de causes macro-sociales sans traiter des questions sociales macro-politiques et en étant peu clair au niveau macro-économiques. Derrière ça apparaît un autre paradoxe apparaît chez F. Ocqueteau : l’incarcération massive est une des causes de la diminution de la délinquance à New-York et Chicago, cependant l’incarcération massive n’a pas cessé d’augmenter malgré la baisse de la délinquance ces trente dernières années...

            (1) Parmi la douzaine de causes répertoriées de la chute du crime, un consensus est de mise parmi les criminologues pour dire que cinq ou six causes entremêlées, macro-sociales et macro-insitutionnnelles, eurent une forte probabilité explicative : le retour, amorcé au début des années 1990, de la prospérité économique ayant conduit à une baisse spectaculaire des violences liées aux vols, les voies illégales devenant beaucoup moins intéressantes [...].

            (2) La seule hypothèse de Wacquant est que la loi du seuil incompressible homéostatique d’incarcérés, dégagée par A. Blumstein, ne fonctionne plus à partir de 1973. Après cette date, on passe de la stabilité des effectifs pénitentiaires depuis la dernière guerre, à l’entrée dans un cycle d’hyperinflation carcérale (p. 124). Idiotie pour stupidité, et puisqu’il faut bien montrer la déloyauté de ses procédés argumentatifs, suggérons lui une hypothèse transitoire qui vaut bien le « sérieux » des siennes : pourquoi, en effet, ne pas établir un lien direct (une cause ou une corrélation, on lui laissera le soin de faire la différence) avec la date du « premier choc pétrolier », vu que la fin de « l’Etat charitable » semble démarrer bien plus tard….

            • vendredi 16 juillet 2010 à 19h52, par Anonyme 13

              Merci ZéroS.
              C’est un sujet très sensible, et qui nécessite une connaissance rigoureuse, des méthodes irréprochables et un ton, si possible prudent et mesuré. Ce dernier point manque cruellement à Wacquant (et à beaucoup d’auteurs d’Agone, qui veut dire « lutte, combat » en Grec...) : Or s’il est attaqué, c’est de bonne guerre.
              Cela dit, argumenter sur des faits et des théories est indispensable et n’est trop peu fait dans ce domaine.
              Encore merci. SI vous pouviez prolonger, ce serait encore mieux !



  • samedi 17 juillet 2010 à 15h03, par Diplodocus

    On dirait que ni l’édition ni la presse indépendantes n’ont réussi à former un public qui a de bons réflexes critiques. Sans même rien savoir sur Agone, tout le monde devrait se demander pourquoi Article 11 publie un tel publireportage qui pourrait faire l’objet d’un article pour Acrimed. Le chapeau et la présentation de l’interview sont d’une complaisance inquiétante. « En un peu plus de dix ans, la maison s’est faite un nom, synonyme d’exigence intellectuelle et d’engagement politique »/L’éditeur indépendant Agone ne cède jamais à la facilité, quitte à parfois se donner une image un brin intransigeante - le prix de l’intégrité«  : c’est typiquement un énoncé publicitaire performatif. Le journaliste qui a passé quelques heures chez l’éditeur affirme donc que quand un acheteur potentiel voit la marque Agone, il peut y aller de confiance, puisque c’est » synonyme d’exigence intellectuelle et d’engagement politique« , qu’il peut être sûr que l’éditeur n’a pas cédé à la facilité (on peut se demander ce que ça veut dire d’ailleurs pour un éditeur céder à la facilité, éditer ou rééditer un livre dont il est presque sûr qu’il va se vendre et ne lui coûtera pas cher à produire ? on ne peut que spéculer parce que le journaliste manipule des mots sans leur donner de sens, laissant le sens commun faire le reste) et qu’il achète de l’intégrité. Puisque c’est article 11 qui le dit et qu’article 11 est indépendant... Par un curieux retournement de situation on dirait que c’est chez Agone qu’on croise »des livres et auteurs qui sont aussi - c’est logique - régulièrement évoqués en nos pages« alors que c’est bien évidemment des livres d’Agone qui sont recensés et des auteurs publiés par Agone qui sont interviewés par article 11 et pas le contraire. Autrement dit Agone fournit du contenu éditorial à article 11, ce qui l’aide à remplir ses pages, tout en faisant, évidemment la promotion des idées qui sont dans ces livres, mais également la promotion des livres eux-mêmes (que l’éditeur cherche à vendre - »c’est logique")

    Je laisse aux lecteurs relire de façon critique le texte de présentation en espérant qu’ils prendront plaisir à faire leur propre démontage de texte. Est-ce rendre hommage à Howard Zinn que d’en faire une sorte d’esprit divin soufflant sur les éditions Agone (rien n’y manque, même le petit autel sous la véranda qui a eu son petit effet sur l’envoyé spécial d’article 11) à la présence « palpable entre les lignes », ou s’agit-il au contraire de captation de capital symbolique au profit de l’éditeur et de gestion de label (« tout ce que publie Agone est garanti par la présence de l’esprit de Zinn entre les lignes »)

    Je ne fais pas de commentaire de l’interview : à défaut de toute enquête de l’organe de presse, le lecteur en est réduit à croire sur parole ce que raconte l’éditeur, c’est la loi du genre journalistique. Simple remarque personnelle : je lis parfois un livre que je ne connais pas parce qu’il a été publié par tel ou tel éditeur et notamment Agone, mais par contre je ne renonce jamais à lire un livre parce qu’il a été publié par tel ou tel éditeur ou selon tel ou tel mode de production. Pour la simple raison que pour moi l’auteur du livre, ce n’est pas l’éditeur, et que l’éditeur ne doit pas seulement être vu comme une organisation économique qui permet la publication d’un livre sur un marché (éventuellement en contribuant à créer une niche comme c’est souvent le cas des petits éditeurs spécialisés) mais aussi comme une organisation qui choisit ce que le lecteur peut lire. Il est donc important qu’il y ait un maximum d’acteurs, y compris purement vénaux, pour que le livre ne soit pas porteur d’une vérité révélée par l’éditeur.

    C’est d’ailleurs un peu comique quand même de voir en ce moment sur rezo une sorte de lutte pour dominer le marché des idées et le sous-marché du livre de gauche (c’est forcément confondu) entre Agone et Amsterdam, avec les articles du blog d’Agone et ceux de la Revue Internationale des livres (peut-être que Article 11 devrait enquête là-dessus, ça pourrait donner un papier un peu critique et poilant sur l’édition indépendante...)

    En tous cas, c’est un très mauvais point pour article 11 au moment où vous parlez de lancer un journal papier que ce publireportage. Et arrivé à ce stade j’en viens à me demander : cette visite à Agone, vous avez certainement aussi discuté du lancement de votre journal papier ? Etes-vous sûrs d’être aussi indépendants que cela ? Agone sera de facto parti prenante du journal en fournissant du contenu comme c’est déjà le cas pour votre site, à travers livres et auteurs... Un peu comme la RILI faisait la pub d’Amsterdam... Ou le Monde des Livres faisait ce que vous savez. Mais bon là je vais trop loin. C’est de votre faute, l’absence totale d’esprit critique qui s’exprime dans votre papier nécessite de passer en vigilance hypercritique.

    • samedi 17 juillet 2010 à 15h59, par JBB

      Mouais, mouais, mouais…

      Si tu veux mon avis, tu te fais bien chier à construire un baratin conspirationniste sur du vent. En l’occurrence, notre liste d’entretiens est ICI, je te laisse loisir de vérifier combien les intervenants sont multiples et issus d’horizons très différents. Tu pourras noter que tous ont (en effet) notre sympathie, parce que ce sont des gens qui nous intéressent et qui produisent quelque chose qu’on estime important dans le domaine des idées. Adoncques, ton accusation de complaisance vis-à-vis d’Agone tombe à l’eau : on l’est - d’une certaine manière - avec tous ceux qu’on interroge, parce qu’on se sent du même camp qu’eux.

      Pour le reste, si ça t’amuse… Juste, puisque tu te permets des sous-entendus infamants sur notre façon de construire notre projet (le comble, alors qu’on essaye de pratiquer une vraie transparence…) : Agone n’est en rien (mais complètement : rien) partie prenante de notre projet. C’est notre thune perso qu’on investit, c’est notre temps qu’on consacre (et sur deux ans, je te garantis que ça fait un paquet de milliers d’heures), et personne d’autre n’y met la main, d’une manière ou d’une autre. Indépendants, on l’est totalement, et c’est cette indépendance qui - justement - nous permet de nous enthousiasmer pour ce qu’on veut, quand on veut. Et ce sans avoir de comptes à rendre - et surtout pas à des lecteurs fielleux dans ton genre.
      Bref, c’est juste nos choix, et tes histoires pourries de règlements de compte intra-sphère contestataire, on en a rien à secouer. Sur ce, bonne branlette…

      • samedi 17 juillet 2010 à 16h08, par Diplodocus

        Bravo, vous venez de perdre un abonné !

        ça commence bien.

        Comme pourrait dire Jacques Bouveresse : pour vendre des livres, peut-on ne pas faire croire ?

        • samedi 17 juillet 2010 à 16h16, par JBB

          Bravo, on s’en fout !

          Bye.

          • samedi 17 juillet 2010 à 16h36, par Diplodocus

            Juste une dernière question : vous avez un mandat de « on » et « nous » pour répondre aussi grossièrement à des questions que pas mal de livres publiés par Agone sont des exhortations à poser partout et tout le temps, ce que j’ai fait poliment ? C’est une position collective ? Parce que je ne voudrais pas non plus condamner tout un collectif si vous vous en êtes approprié la parole (on ne sait jamais, d’autant plus que ça arrive assez souvent)

            • samedi 17 juillet 2010 à 17h09, par JBB

              Les gens comme toi me font trop marrer. Tu débarques ici en livrant un long commentaire postulant que, au choix :
              a) nous sommes des crétins sans cervelle tout juste bons à servir naïvement la soupe à Agone ;
              b) nous sommes achetés par Agone pour leur faire de la pub, et nous mentons donc aux gens qui nous lisent ;
              et tu t’étonnes de te faire envoyer sur les roses ?

              Je vais te dire - et je parle bien là en mon nom propre : pour moi, t’es juste un butor fielleux essayant de foutre la merde. Derechef : bye.

              • dimanche 18 juillet 2010 à 13h37, par Karib

                Dans le milieu contestataire, on trouve toujours plus radical que soi. Radical au sens d’hypercritique sur tout et sur tous. L’Hypercritique a forcément raison. Debout sur une chaise, il harangue la piétaille jobarde qui a cru naïvement le loup déguisé en agneau.
                C’est ainsi que, rompu à cet exercice du « toujours plus radical, toujours plus extrême », certains ultra-gauche ont découvert autrefois, et avec ravissement, un hypercritique encore plus hypercritiquement critique qu’eux : un certain Robert Faurisson. Celui-ci, après avoir hypercritiqué Lautréamont au point de démontrer que son oeuvre n’était qu’un vaste canular, a réussi à « démontrer » que les chambres à gaz et le génocide des juifs n’étaient qu’une blague de mauvais goût.
                J’attends donc avec impatience l’hypercritique du Diplodocucul de service qui nous démontrera qu’Article XI, malgré sa vitrine alléchante, n’est qu’une officine marchande, un repaire de loufiats qui manient la brosse à reluire sur les pompes d’Agone et d’autres éditeurs aussi peu radicaux.
                Lémi et JBB n’ont qu’à bien se tenir : Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimber !!!!

                • dimanche 18 juillet 2010 à 20h16, par ZeroS

                  @ Diplodocus :

                  On peut tout déconstruire, dénoncer, défoncer - surtout par pixels interposés. Dans tous les milieux. Sans complaisance aucune. Du fonctionnement effectif d’un squat autogéré à l’Élysée. Il sera peut-être plus aisé de démonter les avaries organisationnelles du premier que celui du second... question d’accessibilité à l’information !

                  La critique - même « hyper » - est stérile sans actions concrètes et propositions alternatives qui s’ensuivent, notamment quant mode de production des actions qui naissent de ses idées. L’articulation entre discursif et réel pose toujours des limites que l’on ne mesure jamais sans expérimenter. Le seul volet négatif de la critique mène souvent à l’inertie. A la critique de la critique qui se mord la queue, certains préfèrent la cumulativité critique.

                  Au commencement, il y a des idées et des valeurs que l’on défend (je l’espère, jamais inflexibles). Les principaux écueils sont à mon avis :
                   × la solution de facilité, le discours sans la pratique (1) ;
                   × porter des valeurs sans les défendre dans la réalité de leur production (2) ;
                   × l’action qui préfère agir sans discourir (3).

                  (1) Au hasard, Alain Badiou... ou la pléthore de critiques électroniques sur Internet... l’absence physique ou l’immatériel, voilà l’avenir de la démocratie participative couarde ! Je m’y inclus.
                  (2) La production des livres chez La Découverte.
                  (3) Par exemple, un certain militantisme associatif salarié précaire qui essaie honnêtement de pallier des incuries sociales structurelles sur le terrain - la fin de l’État-Social - et contribue dans sa pratique au démontage des (maigres) droits du travailleur. Contradiction majeure.

                  Si je ne m’abuse, Article XI porte certaines idées et valeurs - avec toutes les limites que cela peut comporter humainement et matériellement - mais les assume. Malgré des interrogations sur la ligne éditoriale soulevées dans un récent billet, je trouve, en tant que lecteur, le contenu globalement cohérent.

                  On peut toujours pointer des contradictions... Fantazio a déjà joué pour un des structures subventionnées avec un cachet d’intermittent - un CNAR et une friche artistique étiquetée par l’Institution « Nouveau Territoire de l’Art » -, faut-il le boycotter ? Miguel Benasayag est publié par La Découverte : est-ce de la complaisance que de ne pas l’avoir souligné durant l’entretien alors qu’il est question des polémiques dans les milieux de l’édition indépendante avec Zones quelques interviews plus tard ?
                  Jean-Pierre Garnier dans son ouvrage « Une violence éminemment contemporaine [...] » critique Alain Gorz et ce qu’il représente (l’alibi écolo au pouvoir et à l’économie). Article XI doit-il s’interdir tout intérêt pour les alternatives concrètes de l’écologie politique ?

                  Dans l’échelle des valeurs (économiques cette fois), il y a une différence fondamentale entre une société capitaliste marchande transnationale qui vend de l’information (Tyrannosaurus Rex ?) et une activité bénévole précaire non rentable (Diplodocus ?). Les objectifs diffèrent radicalement ainsi que les modes d’organisation humains de la production - de la prise de décisions à « la gestion des RH ».

                  Reparlons de Jacques Bouveresse : mettre toutes les valeurs dans le même panier, ça s’appelle le postmodernisme, c’est-à-dire la culture même du capitalisme (F. Jameson) et ça a la fâcheuse tendance de nier les subordinations (complexes ?) entre dominants et dominés au profit du « tout ce vaut ». Pourquoi aller interviewer Éric Zemmour alors qu’on combat les valeurs qu’il prône ? En revanche, s’interdire une interview avec Zones abordant - entre autres choses - la question de l’inadéquation entre ligne éditoriale et mode de production des livres me semblerait dommage. Etc.

                  Je lis des ouvrages publiés chez Agone - et d’autres éditions indépendantes ou pas en fonction du sujet - parce qu’une bonne maison d’édition c’est comme un bon label : elle est cohérente quant à la ligne artistique et on lui fait relativement confiance... sans exclure quelques ratés. Anti-Flag qui signe chez Sony Music Entertainment, c’est triste ! Je souscris à certaines critiques qui ont été formulées dans ces échanges (mise en page, question de genres dans la production, etc.). Peut-être aurait-il été nécessaire d’aborder ces problèmes-là dans l’interview ? Si la partie « Commentaires » est le produit d’une certaine intelligence collective, il faut croire que le travail critique d’après entretien est en cours. Et c’est tant mieux ! Ça invite peut-être à plus de rigueur éditoriale pour le papier mais, surtout, ça n’interdit pas la possibilité d’une aventure collective.

                  Pour terminer, l’oraison funèbre du Plan B tombe à point nommé dans cette discussion. Peut-être est-ce un défi pour Article XI que de créer - à sa mesure - des espaces publics physiques de discussions critiques et d’actions en sortant de l’intermédiation électronique ou papier.

                  « Satirique et mordante, la Sardonie ne se résume pas au ricanement hors sol, version comique de l’art pour l’art. Dans la tradition carnavalesque, le rire populaire caractérise un monde parallèle où hiérarchies, castes et contraintes s’inversent. De la même manière, le rire sardonique est lié à l’ordre social dans un rapport de renversement. Sans ce dernier, il n’est rien. La critique radicale des médias n’est pas une fin en soi. Elle s’inscrit dans un projet politique et vise à détruire l’obstacle que les grands moyens d’information dressent sur la voie de l’émancipation. »

                  • mercredi 21 juillet 2010 à 18h20, par Diplodocus

                    Cher ZéroS,

                    Merci d’avoir pris le temps de me répondre de façon argumentée.

                    Vous écrivez :

                    « Si la partie « Commentaires » est le produit d’une certaine intelligence collective, il faut croire que le travail critique d’après entretien est en cours. Et c’est tant mieux ! »

                    Je souscris totalement, c’est le but de cette modeste « intervention ».

                    « Le seul volet négatif de la critique mène souvent à l’inertie. A la critique de la critique qui se mord la queue, certains préfèrent la cumulativité critique. »

                    Et certains la réflexivité. Peut-être que celui/celle/ceux qui font le miroir rendent service à celui/celle(s)/ceux qui sont dans « l’action » même si cela ne se fait pas sans blessure narcissique. C’est très difficile de savoir vraiment ce qu’on fait en le faisant (ici participer sans le savoir à la production de la croyance en un label gage de qualité, de cohérence, de vérité, de militantisme et de progressisme, qui pourra - si ce n’est déjà le cas à y bien regarder - être apposé sur les produits les plus hétéroclites, car c’est le destin de tout label quand il est dans les mains exclusives de qui a quelque chose à vendre : abaisser le seuil de vigilance critique du consommateur.) Du coup, le problème de l’action concrète et de la stérilité peut être renversé. Je maintiens que dans cet article le rédacteur n’est pas agissant mais agi, qu’il n’est pas parlant mais parlé, et que le lui dire c’est éventuellement lui donner les moyens de devenir actif. Dans le cas d’espèce c’est le rédacteur qui est passif et ma lecture qui est active. Et je pense qu’il ne suffit pas de fournir l’accès à des ouvrages critiques mais qu’il faut inciter le lecteur à « ne pas croire » et à pratiquer une lecture active. Parce qu’on parle bien ici d’acheter, de lire, de commenter des livres, de publier des journaux sur internet (qui sont tout autant des « pixels » que mon intervention) et pas d’autre chose et que plus le livre est objet de lithurgie, plus il est difficile d’en faire une lecture active (Peut-on ne pas croire à « Peut-on ne pas croire ? »). A quoi devons-nous viser ? A penser par nous-mêmes ou à changer ceux qui pensent pour nous ? Me rangeant à la première proposition, j’estime que c’est dans les endroits où les gens viennent chercher de la critique que la critique et notamment des mécanismes de production de la croyance doit être la plus intense (Et la question devient « comment ne pas croire » et tout exercice est bon à prendre puisque nous passons bien évidemment notre temps à croire). Parce que si on veut faire progresser la raison et l’émancipation et non contrôler les cerveaux, c’est à mon avis une des façons de s’y prendre.

                    Vous écrivez :

                    « Dans l’échelle des valeurs (économiques cette fois), il y a une différence fondamentale entre une société capitaliste marchande transnationale qui vend de l’information (Tyrannosaurus Rex ?) et une activité bénévole précaire non rentable (Diplodocus ?). Les objectifs diffèrent radicalement ainsi que les modes d’organisation humains de la production - de la prise de décisions à « la gestion des RH » »

                    Votre typologie induit le lecteur en erreur. Agone n’est pas un Diplodocus au sens de la définition que vous donnez « activité bénévole précaire non rentable ». En lisant l’interview on apprend que c’est un agent économique opérant conjointement sur le marché de la librairie et sur le marché de la diffusion militante et comportant sept salariés. C’est donc une petite entreprise performante (dans l’échelle des valeurs que vous dites). Rien ne dit qu’elle ne bouffe pas d’authentiques diplodocus ruminant sur le marché militant même si elle est y est également menacée par Tyrex/Zone(s) et si elle doit se planquer dans une niche de librairie et se défendre à coups de griffes pour survivre et prospérer à l’ombre des grands prédateurs.

                    « Les objectifs diffèrent radicalement ainsi que les modes d’organisation humains de la production - de la prise de décisions à « la gestion des RH » » : Entre une multinationale et une PME, certes. Mais entre deux PME ayant une activité de niche sur un marché monopolistique ? Si vous choisissez de vous placer du point de vue économique, il faut comparer ce qui est comparable. L’égalité salariale va a priori presque de soit si l’entreprise ne peut payer personne plus que le salaire minimum, comme c’est apparemment le cas (sans compter qu’il faudrait tout compter pour être rigoureux, il y a toujours d’autres formes de rémunération et d’avantages que le salaire et il y a toujours des inégalités en terme d’appropriation des ressources). Qui sait si on ne tombe pas dans le travers que vous dénoncez justement :

                    « Un certain militantisme associatif salarié précaire qui essaie honnêtement de pallier des incuries sociales structurelles sur le terrain - la fin de l’État-Social - et contribue dans sa pratique au démontage des (maigres) droits du travailleur. »

                    ça c’est une vraie « question politique » (puisqu’il s’agissait, rappelons-le, d’un interview « politique »). Lutte-t-on contre l’exploitation par l’auto-exploitation ? Ou la voie du progrès se trouve-t-elle plus que jamais dans le réinvestissement militant du syndicalisme (autrefois ?) cher aux anarchistes (comme la lecture de Black Flame, the revolutionary class politics of anarchism and Syndicalism le rappelle, une brique publiée l’année dernière et dont je serai fort étonné si les conditions structurelles du marché du livre de gauche permettaient la publication en français, tous acteurs confondus). Peut-être que ça serait en plus un moyen de diffusion de livres vers la classe laborieuse qui est quand même une grosse proie des Tyrannosaures...

                    Enfin tout cela pour dire que le problème n’est pas qu’Agone soit bien ou mal (je ne lis pas « leurs » livres, je lis des livres écrits par des auteurs et publiés par Agone et par d’autres éditeurs). Le problème c’est de faire en sorte qu’un journal soit autre chose qu’une machine à empêcher le cerveau de fonctionner. Et l’une des façons, c’est la vigilance critique des lecteurs.

                    • jeudi 22 juillet 2010 à 00h03, par ZeroS

                      Bien Cher Diplodocus,

                      « Et certains la réflexivité. »
                      J’y souscris.

                      « [...] ici participer sans le savoir à la production de la croyance en un label gage de qualité, de cohérence, de vérité, de militantisme et de progressisme [...] »
                      « Et je pense qu’il ne suffit pas de fournir l’accès à des ouvrages critiques mais qu’il faut inciter le lecteur à « ne pas croire » et à pratiquer une lecture active. »
                      Producteurs de savoirs (universitaires) inscrits dans des filiations distinctes avec le modernisme ou le post-modernisme – même si l’un est « l’héritier » de l’autre - je pense qu’il y a une tendance dans les deux cas à prendre une position objectivante supérieure aux autres, d’extériorité, malgré une tendance honnête à l’auto-socio-analyse pour certains (par exemple P. Bourdieu) ou la volonté de se présenter comme un homme commun refusant l’étiquette d’intellectuel (par exemple N. Chomski, mais que tous lui attribue). Il s’avère peut-être – J. Bouveresse ou Paul Boghossian en sont conscients ainsi que des penseurs post-modernes – que le « champ » de production des savoirs est traversé par des tensions économiques, politiques, sociales, etc. internes et externes qui le transcendent largement et le (re-)conditionnent. Nous en revenons aux systèmes de valeurs – aussi complexes soient-ils –, c’est-à-dire aux idéologies (croyances ?) qui conditionnent nos actions (fameuse dialectique matériel/idéel), quel que soit le degré de réflexivité des individus ou groupes. Nous retombons toujours dans ce que nous dénonçons... d’où le « ça se mord la queue » lâché précédemment. Pour échapper à ces états d’âme, je propose que nous nous orientions vers du contrôle de gestion chez Ernst & Young.

                      « A penser par nous-mêmes ou à changer ceux qui pensent pour nous ? Me rangeant à la première proposition, j’estime que c’est dans les endroits où les gens viennent chercher de la critique que la critique et notamment des mécanismes de production de la croyance doit être la plus intense. »
                      Au-delà de mes allégations déterministes précédentes qui, me semble-t-il, corroborent les tiennent (je me permets de te tutoyer). J’ai tendance à penser qu’entre déterminisme et autonomie (rationnelle de l’individu ?), en fonction des situations, toute la difficulté est d’arriver à placer le curseur au bon endroit... en sachant qu’il est souvent mobile selon la dimension prise en compte. De quel côté est l’émancipation ? B. Lahire disait à propos de l’analphabétisme que malgré les dispositifs de lutte contre celui-ci (qui l’avait eux-mêmes inventés), le problème se posera encore dans cinquante ans puisque les critères déterminants l’analphabétisme auront changé et que la langue elle-même aura évolué. Encore aucune solution d’émancipation ? Dans le même sens, nous pourrions parler des travaux sur les besoins de Jean Baudrillard ou de Georges Bataille l’irréductible « part maudite ». Jacques Rancière qui « croit » en l’émancipation appelle ça le « pessimisme de gauche ». Un frein extraordinaire à l’émancipation ! Comment le dépasser ? Il semble que si l’on cherche à observer des avancées émancipatrices dans l’histoire des deux derniers siècles, on les trouve certainement dans des luttes sociales concrètes engluées dans des croyances idéologiques que l’on pourrait appeler « projets d’émancipation ». Peut-être se sont-ils réalisés au détriment d’autres ?

                      Quoiqu’il en soit dans notre situation pratique, j’ose espérer que rédacteurs et lecteurs d’Article XI ou d’ouvrages lambda (publiés ou pas par Agone... comme relevé dans mon précédent message) sont capables à la fois d’un minimum de réflexivité et d’esprit critique. Je ne pense pas que la fabrique de l’interview et les intentions « éditoriales » soient allées aussi loin que tu le souhaitais et tu as certainement raison d’être insatisfait. Mais, en dehors « du Ciel des idées », je doute que, hormis par un procédé d’enquête confrontant des sources d’origines différentes (base du travail journalistique et scientifique – encore faut-il en avoir les moyens matériels !!!), il soit difficile de poser des questions très déstabilisantes, lorsque l’on est avec des personnes dont on partage les affinités, du type : « Alors, vous faites parfois de la merde, tu peux m’en dire plus ? ». Évidemment, nous pouvons faire preuve de plus de subtilité et penser que l’autre est honnête et capable d’aborder des sujets « sensibles ». Bien sûr, le minimum critique s’impose.
                      J’aimerais bien connaître le média critique qui soit capable d’un tel niveau de synthèse et de propositions alternatives. Le Monde Diplomatique ? Acrimed ? J’en doute et visiblement ils ont besoin de thunes comme tout le monde pour survivre. Ne connaissant pas assez les sujets abordés (les médias) pour le second, je dirai que des articles du premier sentent parfois la connivence, la complaisance et sur certains sujets une certaine partialité... je le lis quand même. En même temps, il est vrai que j’ai moins de déconvenue en lisant Le Figaro puisque je sais à quoi m’attendre. S’informer c’est peut-être ça : confronter les sources. A l’heure de l’Internet, c’est assez aisé (si l’on parle d’accessibilité matérielle... et encore... et non de capital (multi- ?)culturel).

                      « Votre typologie induit le lecteur en erreur. Agone n’est pas un Diplodocus au sens de la définition que vous donnez « activité bénévole précaire non rentable ». »
                      Maintenant, parlons argent. Lorsque je parlais d’une « activité bénévole précaire » (le fameux Diplodocus), je parlais d’Article XI. Ils ont d’ailleurs fait la preuve d’une certaine réflexivité qui, certes n’a rien de l’auto-masturbation intellectuelle (comme nous), mais a au moins le mérite de sembler sincère. Ils ont des considérations matérielles très terre-à-terre... mais on ne peut plus indispensables. Je ne parlais pas encore d’Agone. J’y viens.
                      Donc, parlons toujours argent. Est-ce qu’une société anarchiste ou socialiste libertaire peut faire fi des échanges, en particuliers monétaires, c’est-à-dire d’une forme de traduction des relations entre humains via des échanges de biens matériels et symboliques (il existe d’autres typologies des relations). Dans l’idéal-type « bisounours » oui. Dans le monde matériel, je ne crois pas. Les seuls brefs exemples historiques qui ont existé soulignent que non. Commune, Espagne 36, Kibboutz avant la formation de l’État d’Israël, etc. Les coopératives – organisations a priori plus démocratiques que les firmes transnationales actuelles – n’ont jamais exclus totalement les échanges monétaires à ma connaissance... En revanche, il existe des multitudes d’expériences d’échanges monétaires complémentaires ou alternatifs qui permettent de repenser la monnaie comme moyen et non comme fin dans notre cadre financiarisé spéculatif : monnaies fondantes, monnaies libres, etc. Certains exemples fonctionnent en-dessous d’un certain seuil-limite de personnes... une piste pour la construction de communautés socialistes et libertaires qui tendent à s’émanciper ? Idem pour la question de la démocratie directe dans le secteur de l’économie dite « sociale » (coopératives et mutuelles). Je ne m’attarde pas sur les solutions non monétaires qui existent et qui sont viables et complémentaires.
                      Je ne connais pas les affres des rapports (micro- ?)hiérarchiques au sein d’Agone - certainement inhérent à toute société humaine aussi égalitaire et émancipée soit-elle - cependant, ils ont fixé une règle matérielle assez simple : même salaire pour tous (SMIC) – limité par des revenus apparemment eux aussi limités comme tu le soulignes... en terme de « performativité », on a vu mieux . L’autre norme est extérieure, issue du statut juridique de l’association – dont le fondement, rappelons-le est un critère de « non lucrativité », qui n’existe pas nécessairement dans les coopératives même si les partages des bénéfices doivent être redistribués à part égale (par exemple, Il Manifesto en Italie où journalistes et ouvriers ont le même salaire, mais où la coopérative pourrait dégager des bénéfices à réinvestir... cependant la situation d’Il Manifesto est un peu tendue financièrement d’autant plus qu’il est dans le collimateur de S. Berlusconi). Les comptes annuels d’Agone sont publics... question légale. Il suffit de demander pour voir concrètement de quoi il en retourne en terme de « petite entreprise performante ».
                      Je ne suis pas naïf, le statut associatif peut mener à l’autocratie comme à une activité d’entreprise inscrite dans l’économie de marché... sans rémunération des actionnaires proportionnelle à leur investissement initial. D’ailleurs, avec la Circulaire du 18 janvier 2010, le gouvernement français a ouvert la brèche légale quant à l’intégration du monde associatif, avec des découpages très grossiers, dans l’économie de marché néolibérale. A n’en pas douter, cela devrait aboutir à une confrontation d’ordre politique et idéologique (un Collectif est constitué), notamment pour revenir sur des questions de valeurs quelques peu oubliées : qu’est-ce qu’une association ? Quid de l’intérêt général, de l’utilité sociale, de l’éducation populaire, etc. ? Pour conclure, sur cette partie, je réitère : il y a de plus grosses bêtes qui enfreignent nos possibilités d’émancipation que Agone ou Article XI, à gloser ici nous les ignorons.

                      « un agent économique opérant conjointement sur le marché de la librairie et sur le marché de la diffusion militante et comportant sept salariés. »
                      D’ailleurs, j’en profite pour souligner une contradiction d’emploi pour la même dimension – celle de l’économie – entre « agent » (terme déterministe) et l’attribution de caractères « d’entreprise performante » qui renverrait au contre-point de l’« agent », l’« acteur »... autonome. Agone est certainement un agent-acteur – comme l’écrivent certains – et, une nouvelle fois, reste à savoir où l’on place le curseur et dans quel référentiel : macro-économique, économie de la filière de la production du livre, sociologie/anthropologie des échanges des biens symboliques et matériels, champ de production des savoirs, lutte politique pour une émancipation socialiste et libertaire, etc. Certes, tous les domaines sont imbriqués, mais peut-être que certains ont une incidence beaucoup plus forte sur nos vies bassement matérielles. A nouveau, un problème d’échelle des valeurs, c’est-à-dire de croyances. La peur du savoir ou son impossibilité ? A ce rythme-là, peut-être vaut-il mieux envisager un retour à la chasse et à la cueillette ? Lâchons nos claviers !... Paul Boghossian corrobore ses propos en affirmant que la croyance se distingue du savoir par l’absence de processus de vérification pour justifier, c’est-à-dire d’affirmer et justifier sans interroger. Empiriquement, a-t-il raison ? Vaste chantier.

                      « Le problème c’est de faire en sorte qu’un journal soit autre chose qu’une machine à empêcher le cerveau de fonctionner. »
                      Certainement. Encore faut-il le laisser exister pour vérifier ? « Résister c’est créer. » Ensuite, en cas d’absence de satisfaction personnelle et auto-satisfaisante (combler notre propre narcissisme d’exigences intellectuelles), la production journalistique et livresque est suffisamment certainement satisfaisante (en quantité) pour que nous ne nous préoccupions pas d’Article XI. Si l’aventure prend fin dans six mois, peut-être pourrons nous nous interroger de nouveau et questionner les modes de financement des journaux papier ou Internet sur la planète Publicité, grande pourvoyeuse d’émancipation par la consommation. Voilà le vrai projet d’émancipation ! Enfin, faisons confiance aux lecteurs et non-lecteurs. De quel droit penserions-nous que certains volent au-dessus du lot du TCD ? Le « Ciel des idées » ne monte peut-être pas aussi qu’il veut nous le faire « croire » et est enfoncé dans une Terre pleine de boue dont il peine à se départir.

                • mercredi 21 juillet 2010 à 18h06, par Diplodocus

                  Cher Karib,

                  Démontrer qu’un article paru dans un média est complaisant et doit donc susciter la vigilance du lecteur et une plus grande vigilance collective des rédacteurs ne conduit pas directement au négationnisme. Tu peux évidemment critiquer ce que j’ai écrit, le fond et peut-être plus encore la forme, suscitant effectivement intentionnellement polémique. Mais il s’agissait par là d’inciter, au moment où un nouveau journal va se lancer en kiosque, à une réflexion sur la pratique journalistique et certaines de ses formes qu’il faudrait sans doute bannir car elles s’adressent à la crédulité du lecteur et non à sa raison. Je te rappelle que les éditions Agone se veulent des champions du rationalisme, de la Vérité et de la dissipation des croyances (c’est pour ça que j’ai fait ma démonstration sur ce texte), alors le concentré d’esprit saint de Zinn que nous sert Article XI, c’est tout à fait le contraire. Il y a une contradiction très profonde (d’où les cris de bête blessée au fond des bois qui ont accueilli ma contribution). La question annexe étant, quand on a des livres à vendre peut-on ne pas jouer sur la crédulité des gens et donc, en pratique, l’entretenir. De ce point de vue un journaliste qui reproduit exactement ce qu’on lui dit, de préférence en l’endossant et en faisant passer du style indirect libre pour sa propre analyse (je pense au passage sur la ligne éditoriale), c’est pain béni pour l’épicier qui ne fait pas que dormir dans l’éditeur engagé. Et puisqu’on parle de mécanismes, as-tu remarqué que tu reproduis l’un des mécanismes de défense classique de la presse : toute critique de la presse est crypto-nazie. Les mêmes causes produisent donc bien les mêmes effets, peut-on sortir du cercle ? Il faut peut-être se poser la question au moment de lancer un journal et c’est la raison de ma contribution. Mais c’est sans doute plus important que le lecteur se pose le plus possible la question quand il lit un journal, quel qu’il soit. De même si Agone (etc.) a sa sympathie voire son admiration cela risque d’endormir la vigilance critique du journaliste et la recherche de questions pertinentes, de même si tu as de la sympathie pour l’entreprise d’article XI tu risques de lire les articles de façon acritique, et en bout de chaine tu aurais mieux fait de faire les mots croisés, beaucoup plus stimulants et moins dangereux intellectuellement.

                  PS : « ...qu’Article XI, malgré sa vitrine alléchante, n’est qu’une officine marchande ». Entre « vitrine alléchante » et « officine marchande », je ne vois pas la contradiction suggérée par « malgré ».

                  • jeudi 22 juillet 2010 à 11h05, par Karib

                    J’avoue n’avoir pas eu le courage de lire en entier les commentaires et contre-commentaires échangés entre ZéroS et Diplodocus. Le temps manque.
                    Pour répondre à Diplodocus, je dirais que j’ai senti envers les camarades d’Article XI (que j’appelle camarades sans nullement les connaître personnellement, mais parce que je me retrouve dans leurs articles, leurs trouvailles littéraires et musicales, leurs emportements délicieux) une manière de hargne gratuite qui m’a agacé. Serais-je donc un groupie a-critique ? Nullement ! Il m’est arrivé de dire ici mon désaccord avec telle ou telle prise de position, tel ou tel article. Mais comme il est naturel entre des gens qui partagent l’essentiel, le refus de la crétinisation systématique portée par l’ordre existant, ce « refus de parvenir » cher aux syndicalistes révolutionnaires du début du vingtième siècle, cette aspiration à d’autre rapports entre les êtres humains, fondés sur l’être ensemble et non sur l’accumulation de l’argent.
                    Alors ta critique d’Agone et d’Article XI me semblait malveillante, et bien loin d’une exigence de lucidité et de « penser par soi-même » à laquelle, par ailleurs, je ne peux que souscrire.
                    En outre, je trouve un peu facile de considérer Agone comme un vulgaire marchand de soupe agissant sur le « marché » de l’édition, au prétexte qu’ils ont des salariés et doivent faire attention à l’équilibre économique de leur boîte. Aux dernières nouvelles, le salariat n’a pas été aboli, le capitalisme, bien qu’en crise perpétuelle se porte plutôt bien, le papier, l’encre, l’électricité, l’imprimerie, etc. ne sont pas gratuits, et le bénévolat rencontre assez rapidement ses limites. Ils ont choisi de s’inscrire dans une autre logique que celle des éditeurs simplement commerciaux et défendent une vision alternative de l’édition. Peut-être ont-ils tort, peut-être faut-il continuer à publier dans les collections alibi des grands marchands de papier, comme à La Découverte. J’ai plutôt tendance à penser qu’ils ont raison, et en tout cas que leur démarche est digne d’estime et mérite d’être encouragée.
                    Et puis... j’ai trop rencontré d’ultra-ultra-ultra radicaux, ricanant de tout, drapés dans leurs certitudes bétonnées, jetant sur le menu peuple des militants le regard méprisant de ceux qui pratiquent « La Théorie », qui critiquent tout sans jamais rien faire, qui vivent dans le vase clos et purulent de La Vérité, pour ne pas m’offrir de temps à autre le plaisir furtif du coup de griffes.

                    • jeudi 22 juillet 2010 à 20h53, par JBB

                      C’est un joli nom, camarade

                       :-)

                      Ton commentaire me va (enfin, je crois que je peux parler au nom de Lémi et dire « nous ») droit au coeur, Karib - même si je crains qu’écrire cela ne soit qu’une preuve supplémentaire pour Diplodocus de collusion et d’absence de sens critique. Mais quand même : merci.

                    • samedi 24 juillet 2010 à 02h32, par Gorge Profonde

                      « Le refus de parvenir ». Excellente référence. Vous souvenez-vous de Diplodocus « Marginales » . Une revue autrefois diffusée par ses soins puis par Agone dont l’un des numéros s’appelle « Le Refus de Parvenir ». Vous souvenez-vous des éditions Marginales, indépendantes, puis diffusées via Agone, puis digérées par Agone après l’incendie des Belle Lettres ?

                      Marginales refusait de parevnir.

                    • samedi 24 juillet 2010 à 02h59, par Diplodocus

                      Vous écrivez : « ils ont des salariés et doivent faire attention à l’équilibre économique de leur boîte »
                      C« est qui »ils« _ C’est qui »ils« , c’est qui les salariés » ???

                      Par ailleurs, j’attends des réponses sur la question du syndicalisme, du ventriloquisme, de la métempsychose etc...

                    • samedi 24 juillet 2010 à 03h30, par Lesbienne

                      « J’avoue n’avoir pas eu le courage de lire en entier les commentaires et contre-commentaires échangés entre ZéroS et Diplodocus. Le temps manque »

                      C’est comme le temps de faire des enquêtes, de lire les livres avant de les commenter ou tout simplement réfléchir.

                      Pauvre branleur social-démocrate sur les starting blocks de la 3e droite qui se taille un costume radical traitre avec les livres de gauche comme les futurs banquiers se masturbant jadis sur les livres de Maspéro !

                      • samedi 24 juillet 2010 à 11h11, par Karib

                        Une telle profondeur dans l’analyse, une telle élégance dans le style : je m’avoue vaincu.

                        • samedi 24 juillet 2010 à 11h48, par ZeroS

                          @ Diplodocus :

                          Ventriloquisme et métempsychose : nous sommes tous des jouets déterminés. Je t’ai répondu. « Les mêmes causes produisent donc bien les mêmes effets, peut-on sortir du cercle ? » Non, nous serons toujours déterminés et toi le premier. Lors de tes critiques, je constate une absence de capacité prospective pratique qui accompagne un terme « émancipation » proche de la coquille vide - si ce n’est un vague contenu philosophique. Aborde le sujet avec des éléments concrets, pratiques et matériels. Dans ta vie, comment fais-tu pour être émancipé et autonome en dehors des échanges sur le blog d’Article XI. Offre nous des éléments quant à tes cadres d’action ? Merci.

                          @ Lesbienne :

                          Comme Karib, je reste pantois devant la pertinence de cette intervention. Se présente un choix, certains deviennent socio-démocrates, d’autres finissent comme Virginie Despentes - borderline quelques années de sa vie avant d’intégrer la rédaction de Rock & Folk et le showbuzz littéraire.

                          • samedi 24 juillet 2010 à 21h01, par Diplodocus

                            On aura donc appris quelques petites choses grâce à Gorge Profonde.

                            Notamment qu’Agone, outre que c’est un acteur économique doté d’une stratégie commerciale, a une histoire et que dans cette histoire il y a des dominés, des ruptures, des luttes pour d’autres possibles, des inégalités, des injustices, de la spoliation, de l’exploitation. Comme partout. Ce n’est donc pas le long fleuve tranquille où « il faut prendre le temps » décrit par l’interviewé. Et en l’occurrence Article 11, pour appuyer une nouvelle fois le point que j’ai soulevé dès le début, a juste repris ici la version chère à l’entrepreneur, exactement le contraire de ce qu’a fait Howard Zinn qui a ouvert ses pages aux points de vue qu’on n’entend pas parce qu’ils se taisent et sont tus faisant ainsi pièce au discours patronal de l’entreprise USA -pour motiver en interne et vendre du made in USA en externe. On ne doit pas laisser détourner l’héritage intellectuel d’Howard Zinn qui n’est pas un logo pour servir à désamorcer l’esprit critique face aux manipulations langagières. contre lesquelles Agone voulait donner des moyens de lutter. Mais quand on a quelque chose à vendre on ne peut pas dire la vérité. CQFD. Alors si on ne peut pas sortir du cercle, on peut au moins être prévenu de cette contradiction et ne pas rapporter n’importe quelle propagande comme n’importe quel journaliste. Mais c’est sans doute surtout au lecteur de réfléchir à ce que c’est que l’acte de lire et quel modes de lecture critique sont disponibles pour se prémunir le plus possible des « Sortilèges du langage ».

                            • samedi 24 juillet 2010 à 21h14, par Diplodocus

                              Notez que Lesbienne, Diplodocus et Gorge Profonde ont la même adresse IP. Parce que comme je n’ai rien à vendre, je peux me permettre d’exposer mes propres manipulations (puisque personne ne le fait, faut tout déconstruire soit même ici ou quoi ???)

                              • dimanche 25 juillet 2010 à 11h02, par JBB

                                Tiens, c’est vrai. Je ne pige pas trop l’intérêt.

                                « faut tout déconstruire soit même ici ou quoi ? »

                                On n’a pas l’âme de flics, et heureusement qu’on ne passe pas notre temps à vérifier les adresses IP… Je crois que tu vis dans un monde de soupçon et de méfiance qui n’est définitivement pas le nôtre - et tant pis si ça veut dire qu’on est parfois trop naîf.

                                • lundi 26 juillet 2010 à 19h00, par Sushi

                                  JBB

                                  Vous écrivez :

                                  « On n’a pas l’âme de flics, et heureusement qu’on ne passe pas notre temps à vérifier les adresses IP… Je crois que tu vis dans un monde de soupçon et de méfiance qui n’est définitivement pas le nôtre - et tant pis si ça veut dire qu’on est parfois trop naîf. »

                                  Je comprends. Mais si vous voulez croire que nous vivons dans ce monde là, le monde des bisounours, c’est plus embêtant de le faire croire à vos lecteurs en prenant la responsabilité de publier un journal sans chercher à établir des faits ou sans faire fonctionner les schèmes de la pensée critique (contenus notamment dans certains livres d’Agone). Les livres ne sont pas (pas seulement) des bibelots pour poser sur une étagère Ikea et se donner l’illusion d’appartenir à la classe dominante (tout dépend du lectorat que vous visez évidemment, maitre, majordome ou esclave). Sans compter que tout le monde n’a pas le luxe de vivre dans un tel monde, particulièrement ceux qui pour vivre n’ont que leur force de travail à vendre et auquel le patron doit faire croire toutes sortes de choses à défaut de pouvoir les payer. Relisez Zinn et Chomsky, je ne crois pas que votre attitude soit celle qu’ils préconisent ni votre vision du monde celle qu’ils ont. Et si ça ne vous plait « définitivement » pas lisez autre chose, ou en tous cas ne polluez pas l’esprit de vos lecteurs en décorant vos colonnes avec ces noms propres. Qu’ils restent propres s’il vous plait, qu’ils ne soient pas neutralisés comme déclencheurs critiques, ce sont des gens qui jusqu’à plus ample informé ont eu le courage que vous refusez pour le moment « définitivement » : regardez Chomsky, il n’a pas hésité à égratigner légèrement les gens qui l’ont invité, et c’est dans la presse commerciale qu’il l’a fait, dans Le Point :Q :« Comment jugez-vous la vie intellectuelle française ? R:Elle a quelque chose d’étrange. Au Collège de France, j’ai participé à un colloque savant sur »rationalité, vérité et démocratie. Discuter ces concepts me semble parfaitement incongru". Et au début de son intervention au Collège de France il a précisé qu’il ne s’inscrivait pas dans les débats du matin. Remarque au passage : ce n’est pas parce qu’il y a des postmodernes que le philosophe a fini son travail quand il a dit que les faits existaient (si on en reste là on est peut-être effectivement un ’fait-ichiste’ et réciproquement ce n’est pas non plus parce qu’il y a des ’fait-ichistes’ que les faits n’existent pas !!). Le travail, c’est de rechercher les faits. Et ils sont souvent plus difficiles à trouver que les montagnes (essayez de trouver la prise de la Bastille, je vous souhaite bien du plaisir) ... Et Chomsky a enchainé sur une série de faits très importants qui lui suggèrent que nous pourrions bien être en 1930. Alors qu’un peu avant le spécialiste de la 3e nuit de Walpurgis avait fait un exposé scolaire sur Russell.

                                  1930 : et sur les blogs, on a lu quoi ? « Ouin, le journaliste du monde dont il a été démontré il y a plus de dix ans qu’il était le bon rouage dans la bonne machine n’a pas bien parlé de... de quoi du mécanisme de la peste brune ? Non non, de nous, de notre colloque, de nos problématiques dont Chomsky a dit qu’il s’en foutait parce que c’était pas ça le problème à traiter en urgence » : du coup le journaliste du monde qui n’aimait pas les sandwichs a peut-être bien fait de n’en point parler (pour une fois !) mais les « indépendants » auraient peut-être mieux fait de ne pas parler tant de ce journaliste et plus de ce que Chosmky avait à dire puisque ce journaliste n’en parle pas. Et aussi en d’autres termes que « 20 ans après Faurrison, il revient à Paris » sur le modèle du match retour (très presse commerciale ça, coco !). Comme il n’a cessé de le dire : Faurrisson, pas important, c’est comme les gens qui nient l’existence des montagnes, si on en parle on leur fait de la publicité (et après, j’ajouterais perfidement, il n’y a plus qu’à démontrer l’existence des montagnes pour impressionner le public et lui refiler derrière éventuellement n’importe quel sophisme) Il s’est même permis de récuser Serge Halimi sur France 3 (quand même pas TF1 parce qu’il n’a pas été invité) ! On donne un sens qu’il n’y a pas à ma venue à Paris. ça ne fait pas 20 ans que je ne suis pas venu à Paris, ça fait 20 ans que je ne suis pas venu en europe continentale (de mémoire, je compte sur vous pour vérifier et estimer si mon interprétation est tenable sur la base des faits vérifiés). Sous-entendu : c’est encore de l’ethnocentrisme parisien et pendant qu’on parle de ça on ne parle pas d’autres choses. Alors pendant que les bisounours essaient de se faire prendre en photo avec Chomsky, ils n’essaient pas de comprendre ce qu’est et comment enrayer la mécanique infernale de type années 30 qui est à l’œuvre. C’est notamment ce qu’a décrit Karl Kraus dans la 3e nuit de Walpürgis. C’est au lecteur d’en faire quelque chose tandis que l’éditeur le publie et le vend dans le cadre d’un commerce. C’est aussi vrai de Zinn et Chomsky

                                  Alors, à propos d’adresse IP, ce serait intéressant de connaître celle de ZeroS par exemple. Parce qu’il dépense quand même beaucoup d’énergie à faire l’intellectuel organique d’Agone pour ne pas être lié d’une façon ou d’une autre à la boîte, ce qui signifierait que sous prétexte de vous défendre, il vous tromperait plus que moi. (un intellectuel organique c’est quelqu’un qui utilise un langage ou une position intellectuelle pour décourager le travail intellectuel. Du style : on peut tout déconstruire et tout critiquer, mais il y a de bonnes raisons - toujours politiques parce que d’intellectuelles il n’y en a pas - pour ne pas le faire. En fait ce n’est pas la pensée critique qui conduit aux grandes catastrophes historiques et politiques, ce sont les intellectuels organiques qui dissuadent les gens ordinaires mais aussi les gens dont c’est le métier, de penser. Ce sont souvent des profs parce que si à l’école on apprenait à penser plutôt qu’à répéter ce que le prof veut entendre, ça se saurait. En l’occurrence ZeroS ne me récuse pas, il ne dit pas que ma critique n’est pas fondée, il dit qu’il ne faut pas la faire parce que la recherche des faits est dans ce cas politiquement nuisible ou que mes intentions sont mauvaises -ce qui ne change rien aux faits. Et s’en prendre aux éditions Amsterdam, comme la Revue Agone l’a fait, ce serait politiquement plus correct ? Il faut faire les deux mon ami, et compte sur moi bientôt les trois.) Personnellement je pense à quelqu’un de Limoges dont j’ai conclu après l’avoir entendu prononcer un énorme sophisme labellisé Agone au CERI, il y a quelques mois, qu’il était rentré dans l’attraction de la planète MARS. Est-ce que je me trompe ZeroS ?

                                  • « Alors, à propos d’adresse IP, ce serait intéressant de connaître celle de ZeroS par exemple. »

                                    Mieux que mon adresse IP, JBB a pu voir ma tête récemment devant une bonne bière fraîche. Ça s’appelle une rencontre physique, c’est ce qu’il y a au-delà des pixels et des champs de serveurs. Ça a son intérêt. Attention, je deviens peut-être l’« intellectuel organique » d’Article XI, en plus d’être celui d’Agone.

                                    « Parce qu’il dépense quand même beaucoup d’énergie à faire l’intellectuel organique d’Agone pour ne pas être lié d’une façon ou d’une autre à la boîte, ce qui signifierait que sous prétexte de vous défendre, il vous tromperait plus que moi (un intellectuel organique c’est quelqu’un qui utilise un langage ou une position intellectuelle pour décourager le travail intellectuel). »

                                    Donc, « intellectuel organique » : les gros mots sont lâchés. Je suis démasqué et confondu. Dans le n°1 d’une revue regroupant quelques jeunes universitaires trendy, Poli, ils revendiquaient leur position d’intellectuels organiques – si je ne m’abuse. La substance qu’ils donnaient au concept d’Antonio Gramsci avec un brin de réflexivité (faussement provocatrice) prenait un autre sens que la tienne où, finalement, tout intellectuel devenait organique... Je te remercie au moins de m’avoir qualifié d’« intellectuel », tu es le premier, c’est flatteur. Je n’en attendais pas moins. Malheureusement, si l’on prend les faits matériels, la production d’idées en bouquins, N. Chomski et H. Zinn ont une relation beaucoup plus organique que la mienne aux éditions Agone. Je n’ose même pas parler de J. Bouveresse.

                                    Prof’ ! J’adhère totalement. Quand puis-je signer ? J’aimerai bien passer des 670 euros mensuels que je touchais jusqu’en juin pour une activité flexible, précaire et à temps plus que plein au profit (et au détriment) du monde associatif pour un poste fixe d’enseignant avec un vrai salaire. Ma non-qualification universitaire ne me le permet pas. Désolé. Alors, à savoir si j’ai des intérêts chez Agone, loin s’en faut (quelques 800 km nous séparent). En revanche, je compatis, je comprends que tu ai besoin de défendre ton (futur ?*) gagne-pain. Linguistic Turn et postmodernisme ne l’ont pas arrangé. C’est vrai que ce n’est pas cool de former des étudiants en sciences humaines pour bosser dans les RH, les assurances, etc. Il faudra en parler à l’écrasante majorité de (tes ?*) collègues qui ont touché le Ciel des Idées et embrassé la Cause Unique. [A ce propos, en ta défaveur, je remarque que tu ne lis pas assez tous les articles de ce média en ligne.]

                                    Quelques interrogations subsidiaires. Qu’est-ce que N. Chomsky est venu foutre au Collège de France et, pire, à Clichy-sous-Bois ? Que fout-il au M.I.T. ? Parce qu’on pourrait parler du M.I.T. ou même, pourquoi pas, balancer sur P. Bourdieu pour qui sa propre auto-socio-analyse suffisait, le caractère presque autobiographique de certains de ses travaux, une direction de collection et de revue quasi-autocratique qui tranchaient avec les idées qu’il diffusait, etc. La perspective Dettes et critiques t’ennuie ainsi que certaines contradictions de fait(-s) inhérentes à la complexe condition humaine ? Je t’excuse d’habiter dans une bulle, mon bisounours. Là, je rigole, je les aime tout les deux, surnomme moi « Grostaquin ».

                                    « En l’occurrence ZeroS ne me récuse pas, il ne dit pas que ma critique n’est pas fondée, il dit qu’il ne faut pas la faire parce que la recherche des faits est dans ce cas politiquement nuisible ou que mes intentions sont mauvaises – ce qui ne change rien aux faits. »

                                    D’une part, la dernière partie de ta phrase est fausse (l’inverse de la Vérité). D’autre part, j’ai souligné – pour le (re-)formuler plus clairement – que les micro-querelles de chapelles ultra-minoritaires affectant la gauche de la gauche et la critique de la critique permettent soigneusement de se dispenser de s’attaquer aussi radicalement au Figaro, par exemple, et que ça t’emmerde ! Je suis faible. Toi aussi. Nous sommes deux lâches. CQFD.

                                    « Et s’en prendre aux éditions Amsterdam, comme la revue Agone l’a fait, ce serait politiquement plus correct ? Il faut faire les deux mon ami, et compte sur moi bientôt les trois. »

                                    Je souscris à la réflexivité et à la nécessité de faire un travail plus approfondi envers Agone – dont j’attends tes résultats – mais une fois de plus, je pense qu’ici – toi comme moi – oublions que les éditions Agone, Amsterdam ou autre sont des nains (doux euphémisme) économiques et politiques. Ça s’appelle un fait. Je me répète beaucoup... désolé.

                                    D’ailleurs, ça me rappelle des propos d’ouvriers qui votaient PCF, qui lorsque la LCR et LO ont débarqué dans le champ politique, pensaient qu’ils feraient le jeu de la droite. Si au niveau des intentions des deux partis trotskystes, ils avaient certainement tord, mécaniquement ils avaient raison. Comme quoi le quidam déterminé peut faire preuve de bon sens politique même si l’effondrement de la gauche n’est pas mono-causal... et ils s’en doutaient bien.

                                    Dans tous les cas, il est probable que si l’on parle de faits et d’actions, j’ai de quoi m’appuyer sur une pratique de terrains où j’ai pu mesurer, par réflexivité, les limites de mes grandes idées émancipatrices à l’aune de celle des autres, de ma propre servilité et de celle de mes compagnons de route permanents ou occasionnels. Je connais très peu de monde qui dépasse ce dilemme en étant honnête. Mais cela ne m’empêchera jamais de continuer à être actif et de rêver. Le fossé est immense entre « je suis conscient que les États-Unis fomentent un coup d’état au Nicaragua » et « j’agis physiquement contre ce coup d’État ». « Quoiqu’il en soit, si je suis américain et patriote, je soutiens pleinement l’intervention en Irak, quelques soient mes intérêts matériels » : voilà la réalité idéologique et pratique qui t’emmerde (et moi aussi) et que tu as peur de surmonter physiquement. Un peu de rhétorique ne pèse pas lourd face à un poing dans la gueule et c’est toujours plus facile de disserter avec des personnes dont tu partages les références, si ce n’est le référentiel. Nous sommes deux lâches (bis).

                                    « Personnellement je pense à quelqu’un de Limoges dont j’ai conclu après l’avoir entendu prononcer un énorme sophisme labellisé Agone au CERI, il y a quelques mois, qu’il était rentré dans l’attraction de la planète MARS. Est-ce que je me trompe ZeroS ? »

                                    Tu te trompes.

                                    Pour conclure - et j’arrête là puisque nous tournons vraiment en rond -, lorsque tu considères la variable « lecteur », elle n’est justement pas variable. Mesure ta chance de survoler le Ciel des Idées, d’être inorganique** et lumineux, au-dessus de la masse grouillante vile et servile qui baigne dans la fange ! Je t’envie.

                                    * Comme tu prends part à des rencontres avec des laboratoires de recherche - le CERI, je le découvre -, j’ai osé imaginer que tu étais l’un d’entre eux (ou un futur). Détrompe-moi. Par contre, je reste stupéfait que ton courroux ne se soit pas élevé immédiatement contre notre camarade martien. Aurais-tu intégré les schèmes reproducteurs de l’ordre hiérarchique de l’Académie ? Te sens-tu complexé face au Mandarin ? As-tu besoin d’exulter dans nos contrées ?

                                    ** J’ose espérer au moins que ta biomasse se déleste quotidiennement pour alimenter notre nécromasse.

                                    • mardi 27 juillet 2010 à 09h57, par JBB

                                      Bon, je ne vais pas plonger dans le fond du débat. D’abord parce que mes références sont trop limitées (ben oui). Et aussi parce que je suis à la bourre.

                                      Deux trucs, seulement, à l’attention de Diplodocus-Sushi-Lesbienne-Gorge Profonde :

                                      C’est con, tu dis des choses intéressantes. Mais tu ne peux t’empêcher, au milieu du développement, de placer des attaques sous la ceinture (ou plutôt : qui mettent en cause l’honnêteté de celui qui n’est pas d’accord avec toi) ; on était suspect d’être stipendiés-sponsorisés par Agone, c’est maintenant au tour de ZéroS. Il ne me semble pas que la pensée critique consiste en permanence à mettre en cause l’intégrité de celui qui ne partage pas ton point de vue, ça n’en est qu’un dévoiement .
                                      En passant, j’ai en effet eu le plaisir d’écluser quelques verres avec ZéroS, il y a quatre jours. C’était cool, très. Et son parcours est à mille lieux d’Agone.

                                      Si tu veux mon avis, tu devrais arrêter de soupçonner tout le monde, il est bien assez d’ennemis évidents sans s’embarquer dans d’infinies querelles de chapelles. Je ne crois pas, d’ailleurs, que Zinn invitait à mettre en doute en permanence les qualités et assertions de ses interlocuteurs, comme tu le répètes sans cesse ; au contraire, il prônait une histoire au plus proche des hommes et de leurs luttes, avec compréhension et tendresse. J’ai eu la chance de le voir prendre la parole, il y a un an et demi à Paris, et c’est l’humanité qui pointait en permanence, plutôt qu’une volonté de douter de tout et de tous, davantage qu’une propension infinie à couper les cheveux en quatre et à les recouper en dix.
                                      Tu sembles très cultivé ; mais ça ne me paraît pas pour autant très enthousiasmant de l’être à ta manière. C’est la culture au service du soupçon permanent, de la pureté fatigante, d’une exigence stérile. Tu ré-évoquais, en un de tes commentaires, notre version papier ; honnêtement, elle ne pourra te satisfaire, tant on se situe à mille lieux de tes prises de position. Les procès en pureté nous emmerdent (surtout quand ils sont fondés sur du vent), les querelles de chapelle nous fatiguent, les dogmes et certitudes nous indiffèrent ; on croit à la vie, à l’enthousiasme, à l’ouverture. Ça signifie se tromper, parfois ? Qu’importe : on se plantera. Mais sans aigreur ; pour nous, c’est le principal.

                                    • mercredi 11 août 2010 à 23h25, par un-e anonyme

                                      Chomsky, Bouverese : ils aiment bien le Collège de France, c’est pas Vincennes, la soupe y est plus chaude.

                                      Qu’est-ce que Chomsky ou Bouverese connaissent « concrètement » de la domination ? RIEN.

                                      Je crois que la visite de Chosmky n’a eu d’équivalent que celle du pape, écrouelles, scènes d’hystérie, decorum et surtout dévots prompts à fulminer contre tous ces « cons de français » qui n’ont rien compris au génie fulgurant du maître. Allez faire un tour sur les blogs d’Agone ou Acrimed, ça rappelle les préparatifs à l’anniversaire du petit père du peuple.

                                      • jeudi 26 août 2010 à 01h06, par Marquis de Carabas

                                        C’est en partie vrai. Mais c’est pas la faute à Chomsky. Contrairement à ceux qui pondent une pseudo théorie de l’intellectuel ordinaire (qui démontre en 2010 l’existence des montagnes), Orwell, Russell et Chomsky sont des intellectuels tout à fait extraordinaires. Chomsky est venu et a parlé : « il est possible que nous soyons en 1930 ». Qu’est ce qu’on fait ? Les montagnes existent. La prise de la Bastille et les mouvements sociaux c’est beaucoup plus compliqué. Alors tous les privilégiés qui peuvent réfléchir ils se mettent ensemble dans une période politiquement dramatique pour définir des stratégies rationnelles où ils continuent à faire les malins ? Parce que même dans les mouvements de pauvres le niveau de réflexivité est plus élevé. Nous sommes tous des personnages de la 4e Nuit de Walpurgis. Mais nous n’avons aucune excuse.

                                      • jeudi 26 août 2010 à 01h45, par The Girl from the Litterature Department

                                        Bon, concrètement l’opération publicitaire c’est Chomsky = Bouveresse.

                                        Si grâce à ça Bouveresse utilise sa position institutionnelle et son (réel) talent de philosophe pour poser des actes politiques à un âge où il ne craint plus rien : j’applaudirai des deux mains en disant qu’Agone a fabriqué une arme efficace.

                                        Mais il est faux, quand on se réclame de la vérité, de dire que Bouveresse depuis 20 ans, fait la même chose que Chomsky. ça c’est juste pour vendre des livres. C’est pas la faute de Bouveresse pour qui j’ai énormément de respect. C’est le champ parisien qui veut ça. Mais là, bien franchement, faut qu’il se bouge sérieusement le cul le camarade Bouveresse s’il veut qu’on ait seulement le droit de se souvenir de lui dans le monde à venir (cette génération a tellement été privilégiée qu’ils ont l’air d’avoir oublié que des générations entières sont supposées leur survivre...)

                                        En attendant, lisez Chomsky. Y compris chez Aden et Fayard, non mais !

                              • dimanche 25 juillet 2010 à 22h38, par ZeroS

                                @ Diplodocus :

                                Merci à ta schizophrénie numérique qui offre à tous le Ciel des Idées, de la Critique et de la Réflexivité. Mais quant à la boue de la Terre, le Silence est assourdissant.

                                • dimanche 25 juillet 2010 à 23h12, par ZeroS

                                  J’oubliais... après nous avoir fait part de tes Lumières, contacte Agone ou rencontre-les et explique leur ta position quant à leur manière de travailler puis fais nous part des résultats. Ce sera un complément intéressant aux réflexions critiques soumises ici.

                                  • mercredi 11 août 2010 à 14h35, par un-e anonyme

                                    Moi j’aime bien AGONE. C’est une maison qui non contente de s’ériger en parangon de l’édition indépendante, « pure », sans compromission avec le « système » et les médias forcément « dominants », arrive à faire passer comme une lettre à la poste l’idée que l’on peut se revendiquer d’un certain « anarchisme » et être financé par les subsides de l’Etat. Bravo. Si le Conseil régional remplit ses caisses sans sourciller, c’est que ses livres ne menacent pas l’ordre établi. CQFD. Agone est un écran de fumée, une opposition éditoriale factice.

    • mercredi 11 août 2010 à 14h39, par un-e anonyme

      Effectivement, AGONE ne cède jamais à la facilité. Rééditions en pagaille, ligne éditoriale démagogique, posture « seul contre le système » à destination du gogo : un régal !

      • jeudi 26 août 2010 à 13h48, par Lémi

        Précision articleXI : le commentaire de Marquis de Carabas posté à ce point de la discussion a été retiré à sa demande.

    • vendredi 27 août 2010 à 01h01, par un-e anonyme

      Oui, publireportage éhonté.

      Quelle est l’intérêt d’éditer des auteurs Fayard ? En quoi est « courageux » et rebelle ?

      • lundi 25 juillet 2011 à 00h14, par un-e anonyme

        Loin du mythe, la réalité du centralisme démocratique en vigueur aux éditions Agone est assez bien résumée par ce message concernant un ancien collaborateur démissionnaire souhaitant présenter un point de vue critique lors de l’AG de l’association :

        Réponse officielle et collective
        Suivant les règles de toute AG d’association
        (ordre du jour et statut des membres) : 1. en
        tant que sociétaire, X peut assister à l’AG
        de la SCI — mais elle sera réglée par un ordre
        du jour où tout autre affaire que celles de la
        SCI n’auront pas de place ; 2. n’étant plus
        membre de l’association Agone il ne peut
        participer à son AG ; 3. toutefois, si X
        veut solliciter un rendez-vous à un autre moment,
        l’ensemble de l’équipe d’Agone est disposé à lui
        accorder une demi-heure pour y présenter "son
        point de vue" - en présence du bureau d’Agone et
        d’un représentant légal s’il le désire.

        Conclusion : Y’en a pas un sur cent, mais un sur cent, ça fait déjà un marché (pour commencer)

        • lundi 18 février 2013 à 18h40, par un-e anonyme

          Il y a eu pas mal de changements depuis puisque ces derniers mois 5 des 6 permanents d’Agone seraient partis à cause de gros désaccords et non pas parce qu’il n’y aurait plus d’argent dans la caisse.



  • dimanche 10 mars 2013 à 20h40, par Benoit EUGENE

    Effectivement.

    Tous les salariés d’Agone ont démissionné en bloc en janvier.

    Officieusement, le patron, Thierry Discepolo, a décidé de ne plus travailler avec les « petits lieux » pour se concentrer sur la grosse librairie.

    Comme quoi je n’étais pas fou.

    C’est ce que j’avais essayé de faire passer sur ce forum, ce qui était, à l’époque, inaudible.

    Peut-on ne pas croire ?

    Benoît EUGENE, ancien rédacteur en chef de la revue Agone et responsable des sciences humaines. Alias Diplodocus, Lesbienne etc.



  • dimanche 28 avril 2013 à 14h43, par armando

    la maison s’est faite (pas d’accord) FAIT un nom.

    Cordialement



  • mardi 7 mai 2013 à 00h20, par Benoît EUGENE

    On attend toujours que « Raphaël » nous explique les raisons de sa démission. C’est une responsabilité quand même... Et pourquoi l’équipe démissionnaire d’une association n’a :

    ni séquestré son patron (les cordonniers sont les plus mal chaussés) ;

    ni convoqué une réunion pour gérer la crise de croissance lié au choix du marché par les éditions Agone, ce dont nous sommes tous responsables, avec tous ceux qui ont contribué à la fabrication de cet outil pour qu’il subsiste et soit mis au service d’objectifs politiques une fois la réussite commerciale assurée.

    laissé l’outil aux mains du patron (Thierry Discepolo) au lieu de remettre ce dernier à une place raisonnable ;

    J’attends. Car dans le contexte actuel la responsabilité est lourde.

    J’attends Raphaël. J’attends Anne-Lise. J’attends Gilles.

    J’attends.



  • mardi 7 mai 2013 à 00h37, par Benoît EUGENE

    Une idée : Article 11 pourrait peut-être... enquêter ?



  • samedi 11 mai 2013 à 12h34, par un-e anonyme

    La notice Wikipedia des éditions Agone change souvent en ce moment...



  • samedi 17 août 2013 à 15h33, par juliette

    Discussion sur la crise à Agone, avec interventions d’ancien-ne-s salarié-e-s
    http://www.millebabords.org/spip.ph...

    Et « Crise d’Agone.. ou crise du mythe autogestionnaire ? »
    http://www.mondialisme.org/spip.php...

    L’auto­ges­tion est un mythe et c’est une très bonne chose s’il se dég­onfle un peu avec Agone, même si c’est dou­lou­reux pour ceux qui per­dront leurs illu­sions. L’auto­ges­tion peut-être une tac­ti­que DEFENSIVE pour des tra­vailleurs qui per­dent leur boulot (comme ce fut le cas des tra­vailleurs por­tu­gais de quel­que 400 entre­pri­ses qui tournèrent en auto­ges­tion face au départ de leurs patrons en 1974/75). En aucun cas, un projet éga­lit­aire SUR LE LONG TERME. Les pro­jets auto­ges­tion­nai­res doi­vent crever, soit dans la joie, parce que l’on passe à une autre aven­ture, soit dans la dou­leur parce qu’on se rend compte qu’une entre­prise qui dis­tri­bue des salai­res reste une entre­prise capi­ta­liste, point barre. L’égalité des salai­res est une fumis­te­rie sym­pa­thi­que mais une fumis­te­rie tout de même.



  • mardi 10 septembre 2013 à 11h06, par Raphael

    Suite au départ de cinq salariés sur six à l’hiver 2012-2013 (dont le mien, voir « Post Scriptum, trois ans plus tard » tout en haut des commentaires), puis à celui de deux nouvelles salariées cet été, quelques mois seulement après leur arrivée, vous trouverez des textes détaillés sur la triste évolution d’Agone et sur le quotidien pour le moins difficile de ses salariés sur le blog http://enoga.wordpress.com/

  • Répondre à cet article