mardi 6 janvier 2009
Le Charançon Libéré
posté à 11h27, par
12 commentaires
C’est si évident qu’on se demande pourquoi Nicolas Sarkozy n’y avait pas pensé plus tôt… Mieux vaut empêcher tout déclenchement d’affaire politico-financière plutôt que s’embêter à gracier après coup ses amis compromis, n’est-ce pas ? Oui… Encore en convalescence, Rachida Dati a accepté d’évoquer cette suppression du juge d’instruction. Un entretien exceptionnel. Au moins…
Ça n’a pas été facile. Il a fallu s’introduire dans cette clinique du XVIe arrondissement où Rachida Dati récupère de son accouchement, échapper aux gardes partout en faction et ne pas se faire repérer par des services de sécurité sur les dents. Trouver la chambre de la ministre de la Justice et choisir un moment où François Sarkozy, frère de l’auguste et inséminateur présidentiel par alliance, n’y était pas. Amadouer la Garde des Sceaux avec une jolie boîte de chocolat et entamer avec elle la conversation. Et enfin décrocher de sa part un accord pour une interview rapide, agrément d’autant plus facilement obtenu que la jeune maman était encore gentiment assommée de ces médicaments qui font voir la vie en rose. Et ? Ben… on l’a fait. Voici une interview exclusive de Rachida Dati, obtenue sur son lit d’hôpital.
Vos services ont fait savoir que vous continuez à « suivre l’actualité du ministère depuis la clinique ». Ce n’est pas trop dur ?
Un peu. Mais… mais je serre les dents au lieu de les montrer, voilà tout. Ça me change…
Vous arrivez vraiment à travailler, ici ?
En quoi les choses devraient changer parce que je suis dans une clinique ? Je reçois les visiteurs depuis mon lit au lieu de les accueillir à la porte de mon bureau, voilà tout ! Pour le reste… il faut être honnête : je ne me suis jamais vraiment plongé dans les dossiers techniques. Alors : que je ne le fasse pas ici ou là-bas, cela revient un peu au même, non ?
Sans doute… Il est pourtant un dossier technique que vous suivez avec attention, celui de la suppression du juge d’instruction. c’est important pour vous ?
Oh… moi, je m’en fiche comme de l’an quarante. Mais c’est important pour Nicolas Sarkozy, ça suffit. La question était dans l’air depuis un moment, mais il a décidé d’en faire un dossier prioritaire après le barouf soulevé par la grâce qu’il a accordée à Jean-Charles Marchiani.
Pourquoi ?
C’est bête comme chou. Le président de la République s’est simplement aperçu que c’était un tout petit peu plus compliqué que ce qu’il imaginait de libérer un de ses potes. Il a fallu ruser, édicter un décret présidentiel prévoyant que l’Elysée accordait « une grâce individuelle à 27 personnes condamnées. Ces 27 décisions sont constituées de 22 grâces partielles et de 5 grâces pour le reliquat de peine, soit 5 sorties immédiates », trouver 26 détenus réellement méritants dans nos prisons puis rajouter le nom de l’ancien préfet en bas de la liste. Ça a été beaucoup de travail, vous savez…
Ça a choqué beaucoup de monde, aussi…
En plus ! L’opposition a couiné tout ce qu’elle pouvait, l’opinion en a un peu entendu parler, les gens se sont fait des idées… Non, ce n’est pas possible de procéder ainsi à chaque fois que nous voulons libérer quelqu’un, ça fait trop mauvais genre. En clair : la grâce présidentielle accordée à Marchiani, c’était du bricolage ; le régime sarkozyste se doit de se montrer plus efficient et cadré quand il fait preuve de favoritisme.
D’où la suppression du juge d’instruction ?
Exactement. C’est Nicolas qui a décidé qu’intervenir après-coup n’était pas une bonne idée : mieux vaut créer les conditions démocratiques de l’absence de décision de justice. Ces pisse-froids du Monde résument bien le problème, même s’ils usent de tournures alambiquées : « L’Elysée ne semble toutefois pas faire de l’indépendance du parquet un préalable à la suppression du juge d’instruction (…). C’est ce qui fait craindre un renforcement de la mainmise du pouvoir sur les enquêtes les plus sensibles, qui ne seraient plus confiées à un juge du siège indépendant, mais à un magistrat du parquet dépendant du ministère de la justice », écrivent-ils dans leur édition d’aujourd’hui. C’est tout à fait ça, le conditionnel en moins.
Et comme les juges d’instruction étaient saisis des affaires politico-financières les plus sensibles…
Il n’y aura plus d’affaires politico-financières, les procureurs aux ordres s’en assureront. Tout bête, mais diablement efficace.
Vous ne craignez pas que ce projet soulève de lourdes oppositions ?
Ben… le monde de la justice va un brin protester, c’est sûr. Mais qui s’en souciera ? En plus, il nous suffira de citer quelques erreurs très médiatisées des juges d’instruction - l’affaire d’Outreau ou l’interpellation du journaliste de Libération Vitorio de Filippis, par exemple - pour nous mettre l’opinion dans la poche. On a tout prévu, on avait même fait intervenir Lefèbvre lors de l’affaire Libération pour préparer le terrain. Rappelez-vous : « Le traitement subi par le responsable de Libération, arrêté dans le cadre d’une affaire de délit de presse non passible de prison, parait surréaliste. La méthode utilisée dans une simple affaire de diffamation semble tellement disproportionnée qu’elle nous parait devoir donner lieu à une enquête », avait alors tonné ce grand défenseur de lé démocratie. Ça va être du gâteau, je vous dis !
Ce sera votre dernier coup d’éclat avant votre départ de la Chancellerie ?
Je ne sais si je serai encore là pour chapeauter la mise en place de la réforme, mais j’aurai au moins le plaisir d’y avoir participé. Il faut savoir obéir à son président avant que de servir la République, voilà tout.