vendredi 20 novembre 2009
Le Cri du Gonze
posté à 10h56, par
20 commentaires
Sans déconner. Y’en a qui manquent pas d’air. Certes, la logique sportive voudrait qu’une équipe qui gagne en trichant ne l’emporte pas au paradis. Mais voilà, on parle de foot, chose sacrée. S’il ne s’agissait que de politique, de construction européenne par exemple, la question se poserait, on pourrait rejouer le match - Français comme Irlandais sont rodés sur la question. Là, c’est différent…
Mon pauvre Brian Cowen. Je crois que, tout Premier Ministre d’Irlande que tu sois, tu es resté un grand naïf, un gamin trop sensible. Tu vas au devant de grandes désillusions. Adoncques je t’écris, because j’ai un peu pitié de tes envolées utopiques.
« Il faut rejouer le match », as-tu asséné hier, rageur et vindicatif. « Je pense que le fair-play est un élément fondamental du jeu » (sic), as-tu ajouté, déclarant sans ambages que ton gouvernement soutiendrait la plainte déposée par la Fédération irlandaise de football. Je me marre.
Certes, je suis comme toi, j’ai vu ce qui s’est passé : le but le plus minable de l’histoire du sport le plus minable, sans conteste : du condensé de laideur porté à ébullition, Waterloo esthétique. Et l’Equipe qui ose en première page – titrant La Main de Dieu – la comparaison entre Santa Maradona et ce type minable qui coure en hurlant à la victoire alors qu’il sait qu’il vient d’inscrire le but le plus malhonnête et mesquin de la décennie… cheum. Je serais roux, je l’aurais salement en travers de la gorge. Et même, je vais te dire : moi aussi, j’étais pour les verts, à 100%, histoire de passer un été 2010 pépère (je t’avouerais que mon chauvinisme est un peu timoré ces derniers temps, va savoir pourquoi…).
Mais enfin… Imaginer que ce match puisse être rejoué ? Que des instances sportives internationales choisissent de faire une exception pour ton pays qui, tu l’avoueras, n’est pas vraiment un nid à sponsors internationaux et à excitations interplanétaires ? Tu divagues salement. La Guiness n’excuse pas tout.
Ceci dit, je sais d’où t’es venue cette impulsion. Et je pense que tu n’es pas le seul irlandais à avoir perdu le sens des réalités. Pas ta faute, au final, c’est juste que de récents événements ont troublé ta perception du monde. D’ailleurs, on est pareil en France, un peu perdus. Parfois on gagne, c’est indubitable, écrit noir sur blanc (54 à 46, belle déculottée), et puis non, finalement, bien après la fin du match, on perd, malhonnêtement, sur tapis vert. Comment faire la part des choses ?
Simple, mon bon Brian : ne jamais confondre la bagatelle (la construction européenne, par exemple) avec les choses qui comptent vraiment (le FOOT).
Et toi, mon petit Brian, je te soupçonne d’avoir chopé la folie des grandeurs le jour où tu as réussi à inverser la vapeur politique, à transformer une défaite en victoire.
Rappelle toi, juin 2008, tu venais d’essuyer un sérieux coup de boule politicien, Zizou version rouquine, avec ton équipe de bras cassés. Tu parlais d’ « immense défaite », de « revers ». Mais en même temps, tu laissais bien entendre que tout n’était pas joué :
Nous ne devons pas en tirer des conclusions hâtives… L’Union (européenne) s’est déjà retrouvée dans cette situation auparavant et à chaque fois elle a trouvé par la concertation un moyen d’avancer. J’espère que nous pourrons encore le faire cette fois.
Et au final, à force de contorsions et de manœuvres, tu l’as emporté, mon salaud. Tu as pu rejouer le match, contre toute logique. Et tu as gagné, comme un crevard, Thierry Henry politicien. Du coup, forcément, tu as chopé le melon. On connaît ça itou en Hexagone, y’en a qui se croient tout permis depuis qu’ils se sont assis sur la volonté populaire en la matière. Tiens ça me permet de placer la célèbre citation de Gary Lineker après une défaite anglaise face à la Teutonie :
La construction européenne est un sport qui se joue à 6, 9, 12, 27, peu importe car à la fin, c’est toujours le néo-libéralisme qui gagne.
Mais voilà. L’Europe, tout le monde s’en fout, on peut rejouer, pas grand monde ne viendra hurler à la malhonnêteté, au truquage, ce sera vite étouffé. Le foot, c’est différent, c’est grave, de vrais enjeux se jouent, pas question de prendre ça à la légère. Tu voudrais quand même pas nous concocter un Heysel diplomatique ? Il y a deux poids deux mesures, c’est normal. Ne vas pas tout confondre, mon petit Brian. On peut transiger sur les choses secondaires, pas sur le foot.
Il serait temps de comprendre comment ce monde tourne.