vendredi 3 juillet 2009
Le Charançon Libéré
posté à 18h47, par
22 commentaires
Un document exceptionnel ! En divulguant le texte d’un appel circulant de blog en blog et appelant des activistes à se réunir prochainement à la porte d’un lycée parisien pour tout casser, A.11 frappe un grand coup. Et apporte - incidemment - une pierre à l’édifice anti-bande de Christian Estrosi, ce texte tout juste adopté et qui incrimine l’intention. Même sur les blogs, force reste à la loi !
Vous me connaissez.
Et vous n’ignorez pas combien - fier héritier de l’esprit des Lumières (rien de moins…) et progressiste convaincu - je répugne à dénoncer et à faire basse œuvre de délation.
Mais il est des circonstances - quand l’ordre public est en jeu - où il faut savoir mettre ses scrupules de côté et faire taire ses convictions.
Tant la sécurité collective est un bien trop précieux pour tolérer que d’infâmes incendiaires prennent prétexte de notre juste opposition au pouvoir pour répandre en tous lieux le noir et sombre virus de l’anarchie.
En clair : la contestation oui, la chienlit non !
Faudrait voir à pas trop déconner non plus…
Je prends donc l’initiative de recopier ici un appel circulant actuellement de blog en blog, texte sans doute issu de cette mouvance anarcho-autonome dont les membres font rien tant qu’écrire des bouquins explosifs, empêcher nos jolis trains de circuler et profiter de leurs séjours en prison pour reprendre des forces en fomentant sédition sur sédition.
Un copié-collé que j’effectue avec l’espoir que les autorités prendront connaissance de cet étrange rendez-vous fixé par le peu connu Comité anarcho-autonome des blogs donneurs de rencards insurrectionnels.
Et avec la certitude que les policiers sauront agir efficacement pour prévenir ce qui s’annonce comme un sanglant et inutile accès de violences gratuites.
Voici le texte en question :
Qu’on s’entende bien : si j’ai décidé de rendre public cet appel et de couper l’herbe sous le pieds à ses initiateurs, ce n’est pas tout à fait par hasard.
Mais parce que le nouveau ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, homme d’action sans équivalent et intellectuel de haut rang, m’a très récemment fait prendre conscience de la responsabilité qui m’incombe en la matière.
C’était hier,en une interview à France24.
Et Motodidacte défendait ce nouveau texte de loi contre les bandes (rédigé par lui et adopté il y a quelques jours par l’Assemblée) qui instaure le délit de participation à une bande violente et incrimine l’intention1.
Affirmant d’abord que « de manière courante, à près de 80%, la police est capable de démontrer l’intention » de nuire en bande.
Ô policier, mon ami, mon frère, c’est fantastique : tu lis en moi comme un livre ouvert. Quel talent !
Avant de donner un bel exemple d’une preuve de l’intention en citant les blogs où « on se donne rendez-vous pour aller casser devant la porte du lycée » et en assénant d’un ton martial : « Ça, c’est de l’intention qui est démontrée. »
Voir document supra.
Et de terminer brillamment son intervention en réagissant à la publication de l’enquête de l’Open Society Institute2 par cette affirmation bien sentie : « 82 % de personnes ne se plaignent pas du tout d’être contrôlées. »
Et c’est d’ailleurs chose fort connue, Christian, que les Noirs et les Arabes ont pour habitude de passer et repasser plusieurs fois devant les policiers en faction, le cœur fébrile à la joyeuse pensée qu’ils auront peut-être l’occasion de se faire fouiller pour la troisième fois de la journée…
Pour être un brin plus sérieux, je ne doute pas, ami, que tu auras remarqué ce passage - comme une lettre à la Poste - de la loi la plus potentiellement totalitaire que notre pays ait institué depuis la très regretté législation anti-casseur de 1970 et l’usage fort sympathique qu’en avait fait ce brave Raymond Marcellin, resté dans les annales sous le doux surnom de Raymond-la-matraque.
Et je suis sûr - aussi - qu’il ne t’aura pas échappé qu’une grande majorité des médias, très affairés à discuter l’énième métamorphose de Nicolas Sarkozy, n’a assuré qu’une couverture réduite sur le vote de cette loi incroyablement liberticide.
Je ne doute pas - itou - que nous aurons, toi comme moi, l’occasion de goûter, au gré de nos mobilisations futures, les justes nuances d’un texte qui met à bas tous les principes du droit pour légitimer les arrestations préventives et justifier les interpellations sans délits.
Et je suis certain - enfin - que notre fière police, capable de déceler l’intention dans le marc de café, saura faire joyeux usage d’un texte qui lui donne toute latitude pour interpeller qui il veut, quand elle veut, comme elle veut.
Je ne doute de rien, au fond.
Puisque c’est le prix à payer pour que les blogueurs cessent de se donner rendez-vous « pour aller casser devant la porte du lycée »…
1 Voici, pour ceusses qui l’auraient raté, l’article 1 de ce texte de loi : « Le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des destructions ou dégradations de biens, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. »
2 Laquelle enquête démontre notamment qu’un Arabe a 7,8 fois plus de chances (sic…) qu’un Blanc de se faire contrôler par nos fières et si équitables forces de police.