mercredi 4 février 2009
Le Charançon Libéré
posté à 15h17, par
42 commentaires
C’est désormais banal. A chaque déplacement présidentiel, les citoyens - qu’ils manifestent ou non - sont refoulés et repoussés, parfaite illustration de la conception sarkozyste de la démocratie. Après les mutations de Saint-Lô, message cinglant adressé à tous les échelons de la sécurité publique, les choses ne peuvent qu’empirer encore. Qu’importe : nous sommes déjà dans un régime autoritaire.
Je ne vous apprends rien : il ne souffre pas la contestation.
Ne la comprend pas.
Ne la supporte pas.
Et le royal omniprésent qui nous tient lieu de président avait déjà clairement affiché la couleur quand il avait invité celui qui se refusait à lui serrer la main à « se casser ».
Loin.
Tant il ne veut voir qu’une seule tête souriante quand il se penche à la fenêtre de son carrosse et scrute la foule, incapable d’admettre que la France puisse être moins docile et plus diverse qu’une réunion d’adhérents énamourés de l’UMP.
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La chose pouvait prêter à rire quand elle ne concernait qu’un audacieux passant, assez courageux pour envoyer paître le petit despote à talonnette.
Mais fait déjà beaucoup moins rigoler depuis qu’elle touche tous les mouvements de contestation susceptibles de se manifester à l’occasion des déplacements présidentiels.
Que ce soit à Nice, à Saint-Lô, à Nîmes, à Châteauroux ou à Vesoul, en cette France de province d’ordinaire calme et où l’arrivée du barnum élyséen s’accompagne désormais de cortèges désapprobateurs, de slogans hostiles et de sifflets moqueurs.
Lesquels sont tenus sous étroit contrôle des forces de l’ordre.
Et repoussés sans cesse plus loin en périphérie, là où le monarque ne risque ni de les voir ni de les entendre.
C’était encore le cas hier, à L’Isle-Adam, ainsi que le mentionne rapidement Le Parisien :
"Ils sont venus pour protester contre la politique menée par Nicolas Sarkozy. Hier midi, une cinquantaine de manifestants se sont fait entendre devant la petite gare de Mériel à défaut de pouvoir approcher le président de la République. L’important déploiement de gendarmes n’a pas permis au cortège de quitter la place de la Gare.
(…) A L’Isle-Adam, au coeur de la visite officielle du président de la République arrivé en hélicoptère, c’est une tout autre ambiance qui règne. Ici aussi, le dispositif policier est impressionnant. ’Complètement démesuré’, condamne même une lycéenne. ’Pour aller en cours de sport, au gymnase, après avoir montré son carnet de liaison à trois reprises, nous avons dû présenter notre carte d’identité avant de pouvoir enfin passer’, rapporte-t-elle."
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C’est ainsi, dorénavant : à chaque déplacement du monarque, des quartiers entiers, quand ce ne sont pas des villes, sont bloqués.
Des cordons de CRS barrent les rues, des pelotons de policiers vérifient les allées et venues, des quarterons de membres de la DCRI scrutent les cartes d’identité et fouillent les sacs, seulement rassurés quand ils tombent sur une carte de membre de l’UMP.
Et les commerçants sont tenus de baisser le rideau dans un périmètre grandissant, vie économique littéralement stoppée sans qu’on ne s’interroge une seconde sur le coût d’une telle paralysie, pourtant sans doute comparable à celui d’une petite grève.
La visite présidentielle à Nîmes, décrite notamment sur le blog de Jean-Louis Bianco, restant l’illustration parfaite de cette démesure :
"Plus de 1 000 CRS et gardes mobiles (sans compter l’importante garde rapprochée du président de la République) ont bouclé l’ensemble du centre-ville (interdiction aux voitures, vélos, etc. et même de marcher à pied) de 6h à 14h15 (pour à peine plus d’une heure de venue de Nicolas Sarkozy dans un secteur très restreint du centre-ville).
Toutes les rues (même piétonnes et celles à l’opposé du ’parcours présidentiel’) ont été bouclées par des véhicules anti-émeutes et des policiers qui ressemblaient plutôt à des ’Robocops’.
Les infirmières et autres professionnels à domicile ont été interdits de se rendre chez leurs patients (parfois sérieusement malades) ou clients.
Les commerces ont eu l’obligation de fermer et les professions libérales n’ont pas eu l’autorisation d’accéder à leur bureaux.
Les rares ayant pu accéder à leurs bureaux en centre-ville ne pouvaient plus en sortir, ce jusqu’à une heure après le départ du chef de l’État.
Les riverains ont été cantonnés chez eux et ceux qui voulaient y rentrer n’ont pas pu."
Une constance dans l’ultra-sécurisation qui n’interroge pas seulement le rapport des citoyens avec celui qu’ils ont élu, censé les représenter mais s’avèrant incapable de jouer son rôle tant il ne supporte ni les critiques ni la contestation.
Mais qui questionne surtout les libertés à venir.
Champ des choses autorisées aux protestataires - déjà habitués à ce que l’on empêche de tracter ou de sortir des banderoles et tout autant à être fichés parce qu’ils osent faire connaître leur hostilité au régime - qui ne peut que se réduire comme peau de chagrin.
Tant ces rouages de l’Etat sur lesquels Nicolas Sarkozy fait peser chaque jour la hantise de sa sainte colère et de son ire présidentielle n’ont d’autres choix que de devancer ses désirs, s’ils veulent conserver leur place.
La chose n’est pas nouvelle, qui voit les serviteurs des puissants se plier en quatre pour satisfaire les princes, mais elle est poussée à l’extrême avec le très petit père du peuple.
En une pression hiérarchique qui ne peut qu’être lourde de conséquences.
Ainsi que le soulignait Nicolas Comte, secrétaire général du syndicat général de la police Force Ouvrière, au micro de RMC :
« A partir du moment où un directeur départemental de sécurité publique et un préfet se font virer de leur département, on a tendance à renforcer les mesures de sécurité. Souvent, on va mettre le dispositif en place beaucoup plus tôt. Parfois, on ira frapper chez les gens à 6h30 du matin, pour faire déplacer un véhicule. Et puis, on va quelques fois surdimensionner le dispositif, parce que chaque responsable à tous les niveaux de la hiérarchie va vouloir faire du zèle, en se disant ’je vais mobiliser le maximum d’effectif pour être sûr qu’il ne se passe rien’. Et là où on aurait pu faire le travail avec 200 policiers, on en mobilisera 400 ou 600. Or, si ces effectifs sont là, ils ne sont pas ailleurs. »
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C’est là ce qui est finalement le plus inquiétant dans les mutations de Saint-Lô, celles du préfet et du directeur départemental de la sécurité publique.
Cette valeur d’exemple, comme une leçon adressée à tous les autres préfets, directeurs, commissaires et autres échelons du système sécuritaire.
Ce message qu’il s’agit de faire passer : « Débrouillez-vous, je ne veux plus entendre de sifflets, peu m’importe votre manière d’y arriverer. »
Et la façon dont certains, zélés serviteurs du régime, s’entendront à le faire appliquer.
Fossoyeurs de nos libertés, pour mieux conserver leur poste et leurs responsabilités.
Et exécutants empressés, parce qu’ils ne pensent avoir d’autres choix.
En cela, Saint-Lô, Nîmes, Vesoul ou L’Isles-Adam ne sont que les prémices de l’ultra-policiarisation à venir.
Glissement vers un régime résolument autoritaire, tous les rouages du maintien de l’ordre obnubilé par un seul objectif, celui de bien s’acquitter de la mise au pas de la contestation.
Et évolution presque irrémédiable.
Sauf à voir se soulever la colère populaire.
Alors ?