mercredi 20 mai 2009
Le Charançon Libéré
posté à 12h04, par
17 commentaires
Pauvres patrons… Après avoir été livrés quelques semaines durant à la vindicte populaire et médiatique, les voici cibles du « comité des sages », organe consultatif dirigé par le très compréhensif Bébéar, que vient de lancer le Medef. Autant dire que les rémunérations incroyables qu’ils s’octroyaient par le passé sont désormais de l’histoire ancienne. Euh… ou pas.
C’était la guerre.
Pour de vrai, hein.
Sarkozy trompetait tout ce qu’il pouvait, Parisot se défendait bec et ongles, l’opinion publique comptait les points d’un combat censément mené en son nom, les grands patrons attendaient de savoir à quelle sauce ils allaient être dévorés et le pays - en son entier - n’entendait plus parler que de ça, matin-midi-soir-et-même-la-nuit : encadrement des rémunérations, encadrement des rémunérations, encadrement des rémunérations, etc-etc…
C’était il y a seulement deux mois.
Autant dire : hier.
Ou bien il y a un siècle, tant le débat est passé par pertes et pas profits, enterré, oublié, dépassé.
Souvenez-vous : les journaux ne titraient que sur ça, les radios en parlaient toutes les cinq secondes, mêmes les télés avaient été contraintes d’introduire le sujet en tête de leurs JT.
Les grands patrons indignes voyaient leurs trombines placardées un peu partout, incapables cupides confrontés - pour une fois - au vil déplaisir d’une communication très négative.
L’homme de la rue secouait la tête en se disant que - quand même - il faudrait un jour ressortir les faux et les serpettes du placard pour reprendre d’assaut cette Bastille tellement oubliée que l’aristocratie a depuis longtemps repris ses aises, aussi méprisante et égoïste en ses atours contemporains qu’elle l’était au XVIIIe siècle.
Tant et tant que le président était monté au créneau, enchaînant les rodomontades comme à la parade, jurant ses grands dieux que « soit d’ici le 31 mars, nous avons des résultats, soit le gouvernement prendra ses responsabilités », avant de promettre que « les lois, elles, viendront, les sanctions, elles, viendront si c’est nécessaire ».
Tant et tant - encore - que Laurence Parisot, ultime rempart du patronat contre cette bolchévisation qui vient, avait partiellement rendu les armes, promettant que la corporation qu’elle représentait allait incessamment sous peu - d’ici quelques jours, deux semaines à tout casser - encadrer ces rémunérations imméritées qui faisaient grincer des dents le populo en son fauteuil, le soir à l’heure où bleuit le poste télévisé.
Fini de rire, quoi.
Las, les grands patrons vont pouvoir attendre un peu avant de grimper sur l’échafaud1 salarial.
Et nul doute qu’ils observent, avec un œil serein et un sourire amusé, la mise en place - avec trois semaines de retard sur le calendrier prétendument fixé par le gouvernement - de ce « comité des sages » du Medef exigé par Sarkozy et promis par Parisot.
Organe purement consultatif - le comité rendra des avis « confidentiels » et n’aura pas de pouvoir d’autosaisine : ouf, on respire… - dirigé par le vaillant Claude Bébéar.
Lequel vient déjà de faire savoir qu’il estimait inutile de « légiférer sur le sujet », qu’il pensait que la transparence dans les rémunérations des dirigeants est « une forme d’autorégulation extrêmement efficace » et qu’il considérait que le code éthique élaboré par le Medef « a un pouvoir psychologique fort car une entreprise qui ne le respecte pas est montrée du doigt ».
En clair : aucun encadrement en vue, pas la moindre trace de remise en cause, continuons comme si de rien n’était, alea-jacta-est-on-n’a-pas-fini-de-rigoler, on ne va quand même pas s’emmerder à fixer des contraintes aux grands patrons, non ?
Non.
L’issue de ce grand barnum médiatique et politique ne surprendra que les plus naïfs, ceusses qui pensent encore que le locataire de l’Élysée souhaite réellement « moraliser le capitalisme » et que tout n’est pas à jeter dans notre société sans morale ni honnêteté.
Les mêmes ne manqueront pas de s’esbaudir du culot des actionnaires du Crédit Agricole qui - réunis en assemblée générale - ont voté à une très large majorité le maintien des retraites chapeaux de quatre des dirigeants de la banque (soit 1,13 millions d’euros par an pour le seul directeur général, Georges Pauget).
Décision actée au mépris des protestations des salariés et - surtout - du décret du 22 avril dernier, lequel interdit les retraites chapeaux pour les entreprises ayant touché des aides de l’État2.
Foutage de gueule monstrueux et illégal, que les intéressés ne se soucient même pas de justifier, sinon par le vague prétexte que le régime en vigueur au Crédit Agricole serait « ancien »3.
Ceci - disais-je - ne surprendra que les plus naïfs d’entre vous.
En ce qui me concerne, je vais m’en tenir à la seule ligne de conduite qui soit réellement recevable.
Et répéter combien, pour que les choses changent enfin, il faut attendre que le dernier banquier soit pendu avec les tripes du dernier actionnaire.
Pas moins.