mercredi 3 décembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 11h10, par
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C’est une vaste offensive. Entre la proposition d’établissement de la majorité pénale à 12 ans, le retour de la vieille rengaine de la détection précoce des comportements délinquants ou les arrestations de bambins sans-papiers, le régime sarkozyste mène un vrai combat contre une certaine vision préservée de l’enfance. Parce que Sarkozy a des comptes à régler avec son passé ?
Je suis sûr qu’il y a parmi vous d’éminents connaisseurs de la psychanalyse.
Je n’en suis pas.
Et je ne connais pas grand chose aux théories freudiennes, ni à toutes celles qui ont prolongé les travaux du psychiatre autrichien.
Mais il y a une chose que je sais de Sigmund Freud.
C’est que pour lui, « l’origine des névroses est à chercher dans des traumatismes apparus durant l’enfance ».
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Je ne voudrais pas usurper mon rang.
Et faire œuvre de psychanalyste à la petite semaine.
Mais il y a certaines choses qui sont connues de l’enfance de Nicolas Sarkozy.
Qui éclairent d’un jour particulier ses coups de boutoirs actuels contre les mineurs.
Et qui pourraient laisser penser qu’il a une revanche à prendre et un compte à régler avec les moins de 16 ans.
Façon : j’en ai bavé, à votre tour !
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Heureuse, l’enfance de Nicolas Sarkozy ?
Sûrement pas.
Et le futur président l’expliquait dès 1994 aux journalistes de Globe, citation reprise par la journaliste Raphaëlle Bacqué dans un article du Monde : « Ce qui m’a façonné, c’est la somme des humiliations d’enfance. Je n’ai pas la nostalgie de l’enfance parce qu’elle n’a pas été un moment particulièrement heureux. »
Un thème développé par les journalistes Pascale Nivelle et Elise Karlin dans l’ouvrage Les Sarkozy, une famille française, qui revient longuement sur les premiers pas de l’autocrate en chef.
Conte ses batailles perpétuelles avec son frère aîné, Guillaume : « Deux diables, sous leur angélique blondeur. Depuis que Nicolas sait marcher, ils se battent toute la journée. Le petit asticote l’aîné, qui finit par cogner. Hurlements, arnica, punitions, jusqu’à la prochaine fois. »
Décrit ses emportements d’enfant boudeur : « Nicolas serre les dents, mur de colère assis sur sa serviette avec les genoux entre les bras. Il les déteste tous, ses frères, les filles, sa mère aussi, qui se moque gentiment de lui. Qu’ils aillent au diable, autant qu’ils sont ! Il se lève d’un bond, disparaît en enfonçant les talons dans le sable brûlant. D’un coup de vélo, il rejoint le club hippique, son coin de paradis. »
Et analyse cette souffrance générée par l’absence d’un père plus préoccupé de draguer la minette que de jouer au papa modèle : « Dès l’enfance, Nicolas s’est construit en butte au père absent, dans la violence du ressentiment, souffrant de sa taille et de sa solitude. »
Bref : le futur présidentiel meneur de revue ne rigolait pas tous les jours.
Le pauvre…
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Ce passé d’enfant malheureux, Nicolas Sarkozy en a fait un passif.
Une névrose d’adulte qui le pousse à l’évidence à mener combat contre tous les bambins, par tous les moyens à sa disposition.
Qu’il s’agisse de téléguider les conclusions de la commission Varinard, rapport rendu aujourd’hui et préconisant l’établissement de la majorité pénale à 12 ans.
D’envoyer à la charge le hargneux Lefèbvre, porte-parole du parti présidentiel qui vient opportunément de ramener sur le tapis la question de la détection précoce des comportements délinquants, déclarant : « Quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite. »
De faire interpeller, par le biais des sinistres hommes de main du ministère de l’Identité nationale, des enfants sans-papiers dans les écoles de l’Isère, jolie déclinaison française d’une vieille citation hargneuse de Poutine : « On les poursuivra jusque dans les salles de classe… »
Ou de faire lâcher des chiens renifleurs sur des collégiens, au prétexte d’une recherche de drogue et au motif que « les élèves ont peur de ces contrôles, ça crée de la bonne insécurité, satisfaisante à terme en matière de prévention », selon une infâme procureure de la République.
C’est pourtant clair, non ?
Nicolas Sarkozy déteste les enfants autant qu’il a détesté sa propre enfance.
Ce que Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature évoquant les travaux de la commission Varinard, dit beaucoup mieux que moi (et sans foireuse référence à Freud) :
« Il s’agit d’une vision réactionnaire, complètement rétrograde de l’enfance, qui consiste à considérer non pas que tout enfant de ce pays est avant tout une richesse, une potentialité, mais plutôt qu’une grande partie des enfants de ce pays sont d’abord une menace… On les enferme de plus en plus en plus tôt dans leur statut de mineur délinquant, et en gros, la société fait une croix sur eux… »