lundi 2 février 2009
Le Charançon Libéré
posté à 12h25, par
27 commentaires
Si certains se font une fierté de ne pas tenir compte des protestations et contestations, d’autres aimeraient bien mettre la main sur le « grisbi » électoral qu’elles représentent. A la pointe des tentatives de récupération, la sainte madone du Chabichou, qui a osé affirmer qu’il « n’y a pas de barrière infranchissable » entre la gauche de gouvernement et l’extrême gauche. Sans déconner ?
Il disait : « J’écoute, mais je ne tiens pas compte. »
Et il n’y avait guère de meilleur symbole de l’aveuglement sarkozyste, sinon les mutations de ce préfet et de ce directeur départemental de la sécurité coupables de n’avoir pas su faire taire quelques sifflets contre le déplaisant présidentiel.
Son Premier ministre confirme aujourd’hui, en une interview au Monde, combien il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : « Nous ne sous-estimons pas les inquiétudes, mais dans la situation de crise majeure dans laquelle nous nous trouvons, rien ne serait pire qu’un changement de cap ou une absence de décision », affirme François Fillon, droit dans ses bottines.
Façon pas même masquée de souligner que l’exécutif se fiche comme de son premier vote à main levée des deux millions de Français descendus dans la rue jeudi.
Et même, tentative audacieuse de récupérer les mécontentements au profit de la barque présidentielle, au surprenant motif que la mobilisation se serait d’abord effectuée « contre ceux qui sont à l’origine de la crise ».
Ce qui - n’ayons pas peur des raccourcis mensongers - constitue, selon François Fillon, « une forme de soutien exigeant aux initiatives que la France a prises pour engager la refonte des institutions financières internationales ».
Glorieuse affirmation laissant entendre que nous avons tous remué les gambettes jeudi pour encourager le président à multiplier les oukases et les anathèmes contre les profiteurs de la crise, posture en forme de rideau de fumée lui permettant à très bon compte de s’exonérer de toute responsabilité.
Oui : ça fait un choc…
__3__
Mais : au petit jeu de la récupération à deux balles et six centimes, François Fillon n’est qu’un petit joueur.
Tacticien maladroit manquant de culot et d’aplomb.
Et opportuniste sans conviction, qui ferait mieux de prendre exemple sur la sainte madone du chabichou1.
Ségolène Royal sachant, mieux que nul autre, surfer sur la vague des mécontentements.
Jusqu’à pratiquer le pire des tourismes militants, celui qui ne vise que les caméras de télévision au détriment de toute conviction.
Pour mieux se découvrir une âme de contestataire en quelques jours.
__3__
Alors…
On pourrait gloser sur le voyage de l’immaculée socialiste à Belem.
Et remarquer qu’elle est sans doute si peu connue en terre brésilienne que c’est bien le seul endroit où elle pouvait se rendre sans risquer de se faire huer et conspuer par les vrais militants de gauche.
On pourrait persifler sur sa politique de la main tendue aux radicaux, elle qui vient d’oser appeler - en une tribune pathétique publiée par le JDD - à la convergence entre ses intérêts propres et « ce qu’on appelle en France l’extrême gauche ».
Et rappeler qu’il y a un peu plus d’un an, l’illuminée du Poitou faisait la danse du ventre devant Bayrou, tout aussi pressée alors de faire main basse sur le réservoir de voix centriste qu’elle l’est aujourd’hui de récupérer le souffle croissant de la contestation.
Mais il vaut mieux en tirer un joli encouragement, belle preuve que nos luttes - celles des contestataires de tous poils, alternatifs et radicaux, large cohorte allant du Parti de gauche jusqu’à ces « anarcho-autonomes » pointés par le pouvoir - ne se sont jamais aussi bien portées.
Tant, si Ségolène Royal n’est qu’un pitoyable exemple de ce que la gauche politicienne peut produire de pire, il faut lui reconnaître un talent : elle sait toujours d’où vient le vent.
Et là, il souffle pour nous.
Oui : chouette !
1 En commentaires, l’érudite Françoise, du blog Les Carnets de Françoise et Gilles, m’indique que l’expression « sainte madone du chabichou », ne saurait convenir pour Ségolène Royal. Une objection très recevable. Mais, comme j’aime bien cette expression, je vais imiter Sarkozy : « J’écoute, mais je ne tiens pas compte ». Hop !