mercredi 3 mars 2010
Le Charançon Libéré
posté à 13h20, par
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La politique est monde impitoyable, la télévision aussi. Le mélange des deux - spectacle de la politique à la télévision - ne peut donc être que féroce… Vincent Peillon, rebelle de pacotille, vient d’en faire les frais : son acte de contrition publique, plates excuses en direction d’Arlette Chabot, est visible partout, exposé en tous lieux. Une humiliation n’ayant d’autre but que de clamer : force reste à la télé.
Je suis bon public (Sénat) : je ne goûte rien tant que les belles histoires.
Et celle servie par la chaîne de la chambre haute à propos de Vincent Peillon - bande-annonce que tu retrouves partout sur le net depuis hier, avant une diffusion de l’émission en question le 16 mars - rentre assurément dans cette catégorie.
La chose n’a pu t’échapper : se joue là l’acte II d’une tragédie qui n’en est pas une, la conclusion grotesque d’une farce faussement insolente. Loin, très loin de Shakespeare.
Rappelle-toi… En l’acte I, Vincent-la-fronde-molle s’était fait rebelle, matamore d’opérette dénonçant, en un joli coup médiatique, les conditions d’un débat sur l’identité nationale organisé par Arlette Chabot. La carpe avait joué le coup de la chaise vide et s’en était expliqué des trémolos dans la voix : « Parce que tout mon engagement politique et citoyen est fondé d’abord sur les valeurs de la République, de la raison et de l’antifascisme, j’ai décidé de ne pas participer au débat d’indignité nationale organisé ce soir sur France 2 et d’attirer solennellement l’attention de mes compatriotes sur les graves dérives que subit notre démocratie. »
Le même en avait profité pour adresser un bras d’honneur à la directrice de la rédaction de France 2, réclamant instamment sa démission et celle de ses camarades directeurs, coupables d’avoir contribué à « cet exercice d’abaissement national ».
Une audace qui avait valu à l’insolent une grandiose mise au piloris, la meute des éditorialistes apathiesco-duhaméliens lui tombant sur le râble et condamnant - avec la plus extrême des vigueurs ; pour te dire, ils n’eussent sans doute pas été plus vindicatifs s’ils avaient reçu Hermann Goering sur leur plateau… - son attitude d’enfant gâté1.
Adoncques, on en était là : Chabot fâchée à mort, la horde médiatique solidaire avec elle, Peillon censément banni des médias mais droit dans ses bottines, martyr tombé au champ d’honneur de la dénonciation de la médiocrité télévisuelle.
Sonnerie aux morts, fermez le ban.
Mais voilà : il ne faut jurer de rien en politique, sauf de la désolante médiocrité de ceux qui la font.
Et prêter à ceux-là quelque intégrité, courage ou rectitude est d’une naïveté si atterrante qu’elle confine à la stupidité crasse.
Vincent-la-Fronde-molle vient d’en fournir une énième illustration.
Bravache de la veille qui se répand aujourd’hui en excuses sur Public Sénat, confessant avoir été « très maladroit » en demandant la démission de Chabot.
Rebelle de pacotille supportant si mal de payer le prix de son audace d’un jour - il est désormais tricard sur toutes les chaînes de France Télévision - qu’il a déjà retourné sa veste matelassée : « Je pense en même temps que j’ai fait des fautes que je n’analyse pas sur la démission d’Arlette Chabot. »
Et publicitaire pathétique qui en profite pour nous vendre le plus ridicule des scénarios de storytelling, cette image du brave homme préparant ses communiqués sur la table de la cuisine, avec son fils pour seul soutien : « J’ai fait ça dans ma cuisine. Mon fils qui a 13 ans est passé. Il m’a dit « tu ne devrais pas mettre ça ». C’était mon seul conseiller. Les choses sont artisanales. »
Comme c’est mignon…
Les choses ne sont pas artisanales, bien entendu.
Et il n’est rien de plus industriel que la politique, machine exigeante qui recycle les grandes ambitions des hommes en une infinité sidérante de médiocrités et bassesses.
Palette si large et détestable que la geste peillonesque - charger les moulins à vent avant de prendre la poudre d’escampette devant leurs ailes - ne fait finalement figure que de minuscule point de détail.
L’intérêt de la séquence est ailleurs.
Et réside essentiellement dans ce qui n’est pas montré et qui ne peut être vu, ricanements de pouvoir repu des éditocrates2, sourire victorieux des éditorialistes en vue et fier redressage de menton des grands noms des médias.
L’hallali les ravit, juste conclusion d’un procès de Moscou mené de main de maître, avec auto-contrition de rigueur chez l’accusé tremblotant.
C’est cela qu’il faut lire, comprendre, entendre de cette brève vidéo : force reste à la télé.
Et c’est la raison pour laquelle ce bref extrait se retrouve placardé sur tous les sites de presse, mis en avant sur tous les médias : nul ne doit ignorer la sanction - boycott et humiliation publique - frappant celui qui injurie le pouvoir médiatique.
Ce pourrait être réjouissant, tant Vincent-la-Fronde-molle a bien mérité, pour l’ensemble de son œuvre, de se faire ainsi ridiculiser.
Mais c’est juste navrant, énième victoire de ceux qui l’emportent tout le temps.
Lui est ce pendu du Moyen-Âge, placé à l’entrée d’une ville pour signifier aux éventuels délinquants la dureté de la sanction.
Et sa pendaison ne dit rien d’autre que la toute-puissance d’un seigneur des lieux ayant droit de vie et de mort sur chacun.