ARTICLE11
 
 

samedi 4 avril 2009

Sur le terrain

posté à 03h20, par Lémi, Herr Grimaud & JBB
15 commentaires

Strasbourg : à force de provocations policières, le feu aux poudres...
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Jeudi déjà, une manifestation assez brouillonne s’était conclue par une véritable chasse à l’homme policière. Hier, la pression est encore montée d’un cran entre les forces de l’ordre et les participants au contre-sommet de l’Otan. Après une provocation de trop - le blocage de l’entrée du camp - , de violents affrontements ont eu lieu, opposant manifestants et CRS. Récit.

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Ils ne faisaient pas le poids, les clowns. Grenades assourdissantes contre gros nez rouges, canons à eau contre perruques multicolores, autant dire souliers de bronze contre pieds d’argile. En clair, les CRS avaient tout loisir de jouer les guerriers, dispersant violemment - après les deux ou trois sommations d’usage - les pitres sympathiques qui leur faisaient face.

Quelques lacrymos, quelques gros pétards policiers destinés à faire autant de bruit que de peur, et zou : cette manifestation qui n’en était pas une, excursion joyeuse d’une trentaine de clowns venus du camp de Ganzau - base arrière des participants au contre-sommet de l’Otan - , était stoppé net en plein quartier du Neuhof, dispersée sans égards, matée sans difficulté. Mais voilà : s’il est facile pour une centaine de robocops policiers de faire étalage de leur puissance face à des nez rouges pacifistes, les mêmes font moins les malins quand les jeunes de la cité prennent le relais. Voire plus du tout, hein…

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Jeudi déjà, une alliance de fait s’était opérée, jeunes du Neuhof en scooter jouant les éclaireurs pour une escadrille d’anar encagoulés pressés d’en découdre avec les forces de l’ordre1. Jeudi aussi, ces mêmes jeunes avaient profité du début d’attaque de l’antenne du commissariat du Neuhof - vide et protégée de massifs rideaux de fer - pour récupérer certains des deux-roues qui leur avaient été confisqués.
Hier, bis repetitae, les jeunes encourageant les clowns et leur prêtant main-forte. Mieux : ils en ont profité pour donner une rapide leçon de de guérilla urbaine, démontrant comment deux motivés sur un scooter peuvent faire la nique aux policiers. Le procédé ? Simple comme bonjour : le pilote du scooter s’approche près du cordon de CRS barrant l’avenue tandis que le passager arrière tient en main un mortier (énorme feu d’artifice) ; un petit dérapage élégant, à une vingtaine de mètres des forces de l’ordre, histoire de placer la monture parallèle aux uniformes ; ne reste plus qu’à mettre le mortier en position de tir et à allumer la mèche, avant de compter les cibles touchées. Un, deux, trois, quatre CRS sérieusement bousculés. Diablement efficace.

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Évidemment : après ce coup d’éclat, la tension est montée d’un cran. Pourchassés par les lacrymos et les grenades assourdissantes - tirées au milieu des immeubles et sans aucune considération pour les habitants des lieux - , clowns et jeunes ont rapidement battu en retraite. Une dizaine de minutes ont suffi aux flics pour faire place nette, les nez rouge battant en retraite vers le camp de Ganzau et les jeunes du quartier laissant retomber la pression. Fin du premier acte.

Que fleurissent les barricades...

Il y a des choses qui se font. Et d’autres interdites aux hommes d’honneur. A l’évidence, les centaines de CRS qui se sont pointé à l’entrée du campement des anti-Otan - quelques dizaines de minutes après les affrontements rapides du Neuhof - ne font pas partie de ces gens qui connaissent les usages du monde. Ils auraient su, sinon, que pousser la provocation jusqu’à débarquer aux abords du camp pour en bloquer l’entrée ne se fait pas. Mais alors : pas du tout.

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Un peu de contexte, ici. Depuis qu’ils ont posé leurs tentes et pris position du terrain, les anti-Otan ont dû à deux reprises repoussé une intrusion des forces de l’ordre. Ils ont surtout eu droit à des provocations incessantes, dont la première - se retrouver parqué à six kilomètres du centre de Strasbourg et ne pouvoir jamais approcher de la ville, constamment bloqués par l’incroyable déploiement policier - leur est restée en travers de la gorge. Pas question, alors, d’accepter que les camions de CRS barrent la route à cent mètres du camp, empêchant quiconque d’approcher. Non plus que de tolérer que, de barrages en barrages, les forces de l’ordre réduisent le périmètre d’oxygène des contestataires à son plus strict minimum. No way !

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Donc : ça a pété. Deux heures d’affrontement très violents dans une rue d’un quartier résidentiel, celle qui serpente jusqu’à l’entrée du camp. Les flics canardaient à qui mieux-mieux, grenade assourdissante sur grenade assourdissante, lacrymo sur lacrymo, déluge de bombinettes assez impressionnant. Les anti-Otan, la plupart protégés par des cagoules ou des foulards, répliquaient par une pluie de bouts de pavés, de pierres et de bouteilles vides. Et les deux jouaient à reculer, avancer, reculer, avancer, reculer, avancer…
Au fur et à mesure, de petites barricades ont vu le jour, barrant la route en plusieurs endroits. Et les 500 personnes présentes n’ont pas lâché l’affaire, ne cédant ni devant le canon à eau (quand il était mis en batterie) ni face aux explosions. Jusqu’à compter en leurs rangs plusieurs blessés, touchés par les éclats des grenades assourdissantes, lesquelles ne faisaient pas vraiment de quartier en explosant.

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Et ? Les meilleurs choses ont une fin. C’est aussi vrai pour les baisers langoureux, les étreintes passionnées, les glaces vanille-fraise que pour les affrontements urbains. Surtout quand - il faut bien le reconnaître - ces affrontements relèvent davantage de questions de territoires et de volonté d’aller au contact que de réelle ambition politique. Pour dire les choses autrement : ce bref épisode de guérilla, pour jouissif qu’il ait été et justifié par les provocations policières, n’aura pas fait avancer des masses la cause des anti-Otan...

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Ce sont finalement les policiers qui ont sifflé la fin de partie. Sans crier gare, ils sont partis. Après un petit moment de surprise et de flottement, les contestataires ont fait de même, rejoignant leurs tentes. Un partout, balle au centre.

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Prémices du lendemain

Une fois les flics partis et l’excitation retombée, des tentatives d’organisation des festivités à suivre se sont ébauchées, un brin désordonnées. En ligne de mire, cette journée du samedi, sommet de la contestation censée réunir des dizaines de milliers de personnes. Préparatifs, donc. Chacun dans son coin d’abord, le village alternatif regorgeant de délégations promptes à mitonner des actions et à dégainer des résolutions ; et puis tous ensemble, parce qu’il faut bien dégager une ligne de conduite unitaire.

Unitaire ? C’est ce dernier point qui a été le plus difficile, seule ombre au tableau d’une organisation plutôt impressionnante. L’assemblée générale du vendredi soir, destinée à définir les modalités de la manifestation et l’attitude des militants face aux forces de l’ordre, a été un moment plutôt décousu, avec pas mal d’approximations dues aux traductions - chaque intervention était traduite en allemand, français et anglais. En filigrane a aussi resurgi cette embrouille qui, depuis toujours, oppose cocos et libertaires, les uns tentant de s’organiser efficacement, les autres réclamant autonomie et spontanéité. Le mot de la fin pour ce gaillard massif qui s’est levé, a pesté contre l’organisation avant de s’en aller au cri de « Staline is dead ! Tchao Baby ! ». Nous aussi, on est parti se coucher.

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1 Même si la chose tenait, ce jour-là, surtout de la course échevelée, sans grand but ni réels affrontements.


COMMENTAIRES

 


  • samedi 4 avril 2009 à 15h36, par Crapaud Rouge

    Permettez, jeunes gens, que je m’offusque contre cette interprétation totalement partisane des faits. L’Histoire avec grand H retiendra que les joyeux et pacifistes clowns n’hésitèrent pas à PRENDRE EN OTAGE la cité de Neuhof, contraignant sous la contrainte les jeunes innocents qui l’habitaient à prendre une part active aux combats. C’est inadmissible, tout bonnement.

    Mais plutôt festif, en effet. J’ai beaucoup apprécié la remarque perfide : « les mêmes [les flics] font moins les malins quand les jeunes de la cité prennent le relais ». Drôle de relais, à vrai dire, et drôle de rapprochement. Je ne veux pas dire qu’il est injustifié, bien au contraire, il me semble très significatif, mais de quoi au juste ? Si les flics « font moins les malins » face aux jeunes de la cité, n’est-ce pas le signe d’une « faiblesse » de l’état policier ? Si oui, on peut s’en réjouir, mais aussi se méfier, car la question se pose de savoir qui « règne » sur « la cité » et par quels moyens. Je ne crois pas à l’existence de l’anarchie, il y a toujours un « ordre ». Reste à savoir lequel.

    • « Permettez, jeunes gens, que je m’offusque »

      Eheh… on a toujours raison de s’offusquer.

      « Si les flics ’font moins les malins’ face aux jeunes de la cité, n’est-ce pas le signe d’une ’faiblesse’ de l’état policier ? »

      En tout cas, c’était assez jouissif :-)

      Plus sérieusement, c’était une alliance de fait. Les flics étaient sur le terrain des jeunes, je pense que c’est là la principale raison de l’union. Si le camp des anti s’était trouvé ailleurs qu’en bordure du Neuhof, il en serait sans doute été autrement.

      Mais quand même : il y a eu échanges et discussion. Et les jeunes du coin débarquaient au camp en scooter pour venir taper la discute autant qu’ils ont prêté main-forte lors de quelques manifs. Tout ça est plutôt très positif.



  • Merci à vous pour ce récit circonstancié sur les événements de Strasbourg. Je ne sais si la « réunion » entre la banlieue et le reste des opposants à l’ordre mondial aura des lendemains, mais ce que je sais en tout cas c’est que le pouvoir en a la trouille.

    • C’est clair que ça leur fout la trouille. Suffit de ressortir la déclaration de Sarko (un peu crevé, pas le courage de la chercher) sur sa peur d’une union de fait entre militants et quartiers populaires.

      (De rien, c’était un plaisir :-) )



  • samedi 4 avril 2009 à 19h56, par DJM de Cambrai

    De la suffocation naît la provocation !
    Et putain, la provoc elle vient d’où ?

    Merci à vous.



  • dimanche 5 avril 2009 à 08h40, par Naunaunawak

    Difficile de se prononcer sur de tels événements malheureusement.

    Je ne peux pas faire en faire l’apologie, et pourtant je les comprends.

    J’ai envie de vomir à la lecture des commentaires des dirigeants politiques, même de gauche, mais ont-ils vraiment le choix ?

    N’est-ce pas là une « matérialisation » l’ennemi invisible que crée le gouvernement, lui donnant par cette occasion matière à légitimer ses politiques liberticides ?

    Les romans d’anticipation de ma jeunesse prennent forment devant mes yeux et je ne sais comment réagir... plus besoin d’ouvrir les œuvres de Vian, Orwell ou Rufin pour lire des extraits de L’écume des jours, de 1984 ou de Globalia.

    • « Je ne peux pas faire en faire l’apologie, et pourtant je les comprends. »

      Il y a de ça. Sans doute que, quand on est pris dans le truc, on finit par le légitimer. C’est plus ou moins notre cas, pour ce billet comme pour celui de dimanche. Mais c’était sans doute plus évident dans le cas de cette manif-ci, celle des clowns, où tout a été déclenché et entretenu par de constantes provocations policières.



  • lundi 6 avril 2009 à 12h21, par un-e anonyme

    Je suis un habitant de Strasbourg Neudorf, au 1er rang des violences perpetrées par les pacifistes (bizarre comme concept mais bon...)
    J’ai vu des mères de famille protéger l’école de leurs enfants face à des terroristes cagoulés et armés dans mon quartier. Certains pacifistes ont meme essayé de frapper une mère de famille qui voulait protéger l’école de ses enfants. Finalement, les gens de mon quartier ont formé un cordon humain pour protéger nos écoles... Les pacifistes ont du rebrousser chemin face à des mères de familles et des enfants.

    Quel honte pour les pacifistes qui détruisent, volent, et terrorisent une population qui veut simplement vivre, se déplacer et aller à l’école...

    NON A L’ANARCHIE QUE PRONE LES PACIFISTES....

    LA LIBERTE DES UNS S’ARRETE LA OU COMMENCE CELLE DES AUTRES...

    Ce week end à Strasbourg la Police a defendu ma liberté, les pacifistes ont terrorisés les habitants et le peuple...

    • « au 1er rang des violences perpetrées par les pacifistes »

      Je vous arrête tout de suite : les dommages n’ont pas été perpétrées par « les pacifistes », mais par des gens qui revendiquent la violence comme moyen de faire évoluer les choses. On peut douter - ou pas - de la justesse de leur combat, mais les assimiler à des pacifistes n’a aucun sens : ils se définissent justement en opposition au pacifisme.

      « Certains pacifistes ont meme essayé de frapper une mère de famille qui voulait protéger l’école de ses enfants. »

      J’espère que vous vous rendez compte que ce que vous écrivez n’a pas de sens.

      « Ce week end à Strasbourg la Police a defendu ma liberté, »

      Ça, il fallait oser…

      • mardi 7 avril 2009 à 16h38, par Sophie S.

        « Ce week-end la police a défendu ma liberté »
        Ah ah ! La bêtise atteint des sommets en ces temps. Une bien belle réussite pour notre Zébulon 1er qui prêche l’insécurité ou la sécurité question de faire oublier à la populace que le panier du marché est bien vide ce mois-ci.

        Chapeau bas à la personne qui a écrit cette immondice, fallait le faire en effet.

        Sophie S.



  • En tout cas c’est certain, pas d’avancée du coté des militants, et une bonne dose de justification de la privation de liberté et de la pression policière croissante pour le gouvernement... D’autant que les médias ont bien comme il faut noirci le tableau (le coté festif apparaissait pas vraiment au 20h...).

    Allez, on continue comme ça et dans 2 semaines ils tirent à balles réelles, et personne s’en offusquera (à part ceux qui auront le sang de leurs compagnons sur leurs veste)

    • « le coté festif apparaissait pas vraiment au 20h... »

      Comme d’hab : ne retenir qu’une certaine vision des choses… (à leur décharge, faut reconnaître que les médias n’étaient pas très nombreux quand les flics se sont attaqués aux clowns. Et ils l’étaient beaucoup plus quand l’affrontement était devenu très rude devant le camp des « anti »)

      « dans 2 semaines ils tirent à balles réelles »

      Souhaitons que non.

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