jeudi 26 mars 2009
Le Charançon Libéré
posté à 14h28, par
21 commentaires
Ah ça ! On allait voir ce qu’on allait voir ! Il allait en pleuvoir, des preuves de la culpabilité de ceux de Tarnac ! Un vrai festival ! Et ? Ben… non évidemment. En un article salutaire, Le Monde vient de confirmer ce dont tous se doutaient : le dossier d’instruction est vide. Totalement et tragiquement vide. Par contre, il dit beaucoup sur les méthodes pathétique de la police antiterroriste.
La radio libre FPP m’a gentiment proposé de faire une petite chronique hebdomadaire, le jeudi à 12 h 30. Comme je ne recule devant rien, je vous la copie-colle ici. Innovation (on est moderne ou on l’est pas…), les plus audacieux d’entre vous peuvent même écouter le fichier audio. Hop !
Je vais commencer avec une petite histoire.
Celle de cette campagne de publicité que le gouvernement anglais vient de lancer et que rapporte le site Les Observateurs de France24.
Une campagne comportant deux encarts très percutants.
Le premier consistant en une photo d’une rue anglaise banale dans un quartier résidentiel quelconque. On y aperçoit une jeune femme avec une poussette ; au premier plan, l’oeil s’arrête surtout sur une poubelle emplie à ras-bord, débordant de sac et de produit chimique.
Le côté droit de la publicité est réservé au message du gouvernement : « Ces produits chimiques ne seront pas utilisés dans une bombe car un voisin a averti la police. »
Et un peu en dessous cette invitation, « N’attendez pas que les autres le fassent. Si vous avez un doute, avertissez-nous », suivie d’un numéro de téléphone.
La deuxième publicité est constituée sur le même mode.
Une photo montrant des mères de famille et leurs jeunes enfants, tandis qu’on aperçoit à l’arrière-plan une caméra de surveillance. Sur le côté, ce message : « Aucune bombe ne va exploser ici parce qu’il y a plusieurs semaines un passant a averti la police qu’une personne s’intéressait particulièrement à la caméra de surveillance. »
En dessous, à nouveau, l’invitation à téléphoner aux autorités.
En ces temps où les gouvernements occidentaux se tirent la bourre pour mettre au point le pseudo danger intérieur, tous les antiterrorismes ont de quoi filer les chocottes.
Mais il me semble que l’antiterrorisme à l’anglaise a quelque chose de profondément spécifique.
En ce qu’il pointe la capacité des sociétés anglo-saxonnes à faire appel à la bonne volonté populaire, à inviter les citoyens à se faire rouages de la machine pour dénoncer leurs voisins et balancer tout personne assez basanée pour constituer un suspect en puissance.
Chez nous, les choses ne se passent pas ainsi.
Pas encore.
Et il faut sans doute y voir l’héritage de cet esprit jacobin, qui place au-dessus de tout l’idée d’un État fort et centralisateur, ainsi que le souvenir de la très peu glorieuse époque de Vichy, quand une bonne partie du pays s’est mise à joyeusement dénoncer aux autorités les juifs de la maison d’à côté.
Cela reviendra, sans aucun doute. Mais pour l’instant, les flics français ne demandent pas encore aux citoyens de faire leur sale boulot à leur place, à la différence des Anglais.
Ils s’en chargent tous seuls, comme des grands.
Et c’est bien normal tant les policiers français, spécialement ceux de l’antiterrorisme, sont naturellement doués pour les basses besognes.
Et sont si experts à fouiller les poubelle qu’ils ne comptent laisser personne le faire à leur place.
Je trouve que c’est tout à l’honneur de la police française.
Justement, il est un document quele journal Le Monde vient de rendre public, hier.
Et qui confirme cette capacité incroyable de la police antiterroriste à plonger littéralement dans la merde pour en exhumer un ou deux trucs peu ragoutants censés confirmer la culpabilité du suspect qu’ils ont décidé envers et contre tout d’alpaguer.
Ce document, c’est un résumé du dossier d’instruction de l’affaire de Tarnac, celle qui a vu neuf jeunes gens arrêtés sans aucune preuve parce que soupçonnés de s’en être pris à des catenaires de la SNCF et qui vaut à celui qui est présenté par les autorités comme le meneur de ce pseudo groupuscule anarcho-autonome, Julien Coupat, d’avoir déjà passé plus de 100 jours en prison, avec l’assurance qu’on ne le laissera pas sortir de sitôt.
Le Monde, donc, est le premier média à avoir eu accès au dossier d’instruction et à en rendre compte publiquement.
Et il confirme ce que tout le monde savait, c’est à dire que le dossier est aussi vide qu’il est possible de l’être. Plus vide, ça n’existe pas, ou alors on touche à la physique quantique et à la théorie des trous noirs.
Ce n’est pas vraiment une nouveauté.
Tant les autorités en auraient déjà fait état sur tous les tons, si elles avaient eu quoi que ce soit à se mettre sous la dent.
Mais avec la publication du résumé du dossier d’instruction, c’est désormais une certitude absolue.
Les flics n’ont absolument rien contre les neufs de Tarnac, même pas le plus petit début de commencement d’une avancée de quart de preuve.
Et la seule chose que le dossier démontre avec exactitude, c’est combien les policiers peuvent faire leur sale et dégueulasse boulot avec une liberté absolue, sans que rien ni personne ne s’oppose à leur exorbitant pouvoir.
Pour être clair : le dossier contient un seul aveu, témoignage sous X d’un homme affirmant avoir participé à une réunion lors de laquelle Julien Coupat aurait souligné « la possibilité d’avoir à tuer » en cas d’actions éventuelles.
Déposition totalement bidon puisque le site Mediapart a révélé fin janvier que ce témoin sous X était un mythomane reconnu, déjà condamné par un tribunal de province pour « dénonciation d’infractions imaginaires ».
Manque de chance : à part le témoignage de ce fou, les policiers n’ont que dalle, pas d’aveu, pas de preuve, aucune empreinte confirmant la culpabilité des suspects, aucune charge réelle et précise, rien du tout.
Ils n’ont rien, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Puisqu’ils ont été jusqu’à placer des caméras de surveillance aux domiciles parisiens de julien Coupat et de sa compagne, Ydlune.
Qu’ils en ont même placées sur les arbres qui entourent la maison de Tarnac.
Qu’ils ont aussi procédé à des écoutes téléphoniques de tous les suspects.
Qu’ils ont intercepté les mails de ces mêmes suspects.
Qu’ils ont pris en photos toutes leurs connaissances.
Qu’ils ont fouillé leurs poubelles.
Qu’ils ont aussi ouvert leur courrier.
Et qu’ils les ont suivi, tous, pendant des mois et des mois avant de les arrêter.
C’est là, au fond, le véritable enseignement de l’affaire de Tarnac, hormis le fait qu’il ne fait pas bon être innocent dans ce que certain s’entêtent encore à appeler une République.
Et s’il ne faut en retenir qu’une chose, c’est celle-ci : les flics ont tous les droits, vous n’en avez aucun.
Une toute puissance policière qui prouve définitivement que nous sommes passés d’un fragile État de droit à un immonde État de droite.
Euh…
Normalement, c’était ça ma conclusion.
Mais l’actualité m’en a apporté une autre.
Une dépêche d’agence de presse est tombée ce matin.
Et il faut la voir comme un coup de communication, la réplique du gouvernement à la publication par Le Monde de cet article sur le dossier d’instruction.
Débutant par un joli « L’étau se resserre sur le groupe Coupat », la dépêche relate la découverte - providentielle, comme par hasard, après cinq mois d’enquête, pile-poil en même temps que l’article du Monde, rhôôô… - d’un manuel de fabrication de bombe sur l’ordinateur de la compagne de Julien Coupat.
Et tente de le présenter comme une preuve définitive de la culpabilité de ceux de Tarnac.
En oubliant un peu vite qu’il ne leur a jamais été reproché un quelconque attentat à la bombe.
En camouflant très mal le fait que le dossier ne comporte toujours aucune preuve ni aveu.
Et en faisant fi tout aussi rapidement de la facilité à se procurer un tel manuel sur le net, j’en ai moi-même un sur mon ordi si les enquêteurs veulent bien se donner la peine d’entrer.
Tout ça n’est pas sérieux.
Mais rappelle qu’il n’y a pas que les flics à faire un sale boulot, parfois les journalistes aussi.
Sur ce, j’en ai terminé.
Juste : ne croyez pas ce qu’on vous raconte.