samedi 11 décembre 2010
Le Cri du Gonze
posté à 20h13, par
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Il a beau être encensé par toute la lénifiante presse « rock » française, Paulo Furtado, aka The Legendary Tiger Man, n’a rien d’un félin apprivoisé. Qu’il joue en solo ou en groupe (Wraygunn), le tigre de Lisbonne est passé maître dans l’art de la décharge sonique explosive, blues sous amphét en bandoulière. Bonne nouvelle : Jerry Lee Lewis a un fils, et il est portugais.
Cochon (de Lémi) qui s’en dédit. Pour une fois, cette rubrique ne va pas s’interdire de prospecter des territoires envahis par la consanguine famille des magazines « rock » grand public et des journaux à vocation pseudo-culturelle. Ceux qui se repiquent chroniques après chroniques les mêmes mots, les mêmes tics, les mêmes « monoformes » débilitantes. Suivez mon regard lénifié parcourant les pages culture des Inrocks, de Chronicart ou de Télérama dans la salle d’attente de mon chirurgien esthétique préféré...
Bref, si les plumitifs en question dégoûteraient de Bach les mélomanes les plus tenaces, il arrive pourtant que leurs emballements collectifs et téléphonés se trament autour d’un artiste valable. C’est souvent mauvais signe, preuve qu’il est temps de faire tes adieux au musicien, au cinéaste ou à l’écrivain en question. Reste que quelquefois, sûrement par inadvertance, ils pointent le doigt dans la bonne direction. Ongles sales, hygiène plus que douteuse, mais quand même.
The Legendary Tiger Man a beau être la nouvelle coqueluche des plumitifs rock, pour son dernier album (Femina1), sans doute son opus le moins réussi (ou plutôt : le moins déménageur), il n’empêche que Paulo Furtado (son vrai nom), genre de Jerry Lee Lewis portugais, est une putain de bénédiction sautillante. Qu’il joue en solo (The Legendary Tiger Man) ou en groupe (Wraygunn), il défouraille immanquablement là où ça gargouille : en pleines tripes. Un type capable d’utiliser leI have a dream de Martin Luther King en fond sonore d’un de ses morceaux (« Soul City »2) sans qu’on ne hurle au blasphème ne saurait être totalement mauvais. Surtout s’il aime courir nu dans les bois et dans ses concerts (expérience vécue), chante/fait chanter les femmes comme personne et ne rechigne jamais à entonner les deux plus grandes chansons de tous les temps (au moins) : « She Said » (Hasil Adkins) et « True Love Will Find You in the End » (Daniel Johnston, reprise ci-dessous avec Cibelle).
LGTM, pour les intimes, n’est sûrement pas un musicien de très haut niveau. Ni un parolier d’envergure ; far from Johnny Cash. On s’en fout. Car Tiger Man, fils spirituel d’Elvis et de Rufus Thomas, s’est tellement immergé dans le rythm and blues le plus cru et débraillé qu’il n’a plus grand chose de lusitanien. Il navigue hors frontières, personnage foutraque et tête à claque, mais incontestablement habité. Comme l’italien Adriano Celentano l’avait fait avant lui avec le rock des sixties, il a plongé corps et âme dans un idiome musical (le blues électrique chauffé à blanc) pour se l’approprier et le prolonger, n’oubliant ni le look prétentieux, ni la moue hautaine, ni le son cradosse et cru. Panoplie parfaite.
Cerise sur le porto, le Tigre de Lisbonne a commis il y a quelques années le plus bel hymne anti-Christmas de la décennie. Les premières mièvreries made in fin d’année se pointant à grand pas doucereux et gerbatoires, on ne saurait trop conseiller de glapir « Fuck Christmas Baby, I Got the Blues » dès que l’overdose se fait sentir. Auto-défense musicale :