jeudi 4 mars 2010
Le Charançon Libéré
posté à 16h38, par
21 commentaires
Certains se plaignent que le génie français serait en voie d’extinction, faute de domaines en lesquels s’exprimer. Ceux-là se montrent bien injustes, qui oublient la jolie place tenue par notre pays sur le marché mondial de l’armement. Un rôle essentiel dans l’industrie de la mise à mort que la visite de Medvedev à Paris a permis d’encore conforter. Peu importe le sang… vive l’argent !
Je fais chaque jeudi une petite chronique sur la radio libre FPP, à 12 h 15. Comme d’habitude, je te la copie-colle ici. Pour peu que tu sois prêt à passer outre quelques bafouillages, tu peux même l’écouter en version audio, juste ci-dessous.
Ce matin, à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, j’ai passé un moment devant mon luxueux dressing-room, hésitant longuement sur les habits que je comptais porter - tel Sissi se rendant à son premier bal, mais en plus barbu.
Et si j’ai finalement décidé de ne pas endosser cette superbe vareuse kaki et ce pantalon camouflage que je réserve aux grandes occasions, c’est parce que je sentais bien que ça ne serait pas forcément apprécié par l’équipe de FPP - constituée d’indécrottables gauchistes et de pacifistes forcenés.
Sache pourtant, Ami, que le cœur y est.
Et considère que je suis aujourd’hui habillé à la mode militaire : imagine moi en kaki des grands jours, des pieds à la tête, affuble moi d’une jolie casquette à visière pyrotechnique et d’une arme imposante à l’épaule, tu feras mon bonheur.
Aujourd’hui, je fais symboliquement partie de notre grande et fière armée – disons que je suis colonel de réserve.
Et c’est une façon pour moi de m’associer aux splendides résultats de l’industrie d’armement tricolore.
(Et aussi, de suivre le glorieux chemin tracé par Lémi, devenuluimême.com)
Tu ne le sais peut-être pas, Ami.
Mais il est au moins un domaine où la France fait jeu égal avec les plus grandes puissances mondiales, où elle a gagné le respect planétaire et où son savoir-faire est universellement reconnu.
Ce domaine, c’est celui des armes : il n’est guère de pays capables de concevoir de meilleurs machines que les nôtres, quand il s’agit de trucider, charcuter, ratiboiser, anéantir, saigner, éviscérer, démolir, exploser, blesser, amputer ou tout simplement tuer.
On assure grave.
À tel point que - sonnez clairons, jouez trompettes ! - on gagne même des parts de marché : il y a trois semaines, un haut représentant du ministère de la Défense annonçait ainsi fièrement une augmentation de 21 % des prises de commande dans le domaine militaire en 2009.
Le même se réjouissant que la France soit désormais le quatrième exportateur mondial d’armements, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, et devant Israël – autant dire qu’on est en bonne compagnie…
Je ne sais pas pour toi, Ami, mais ce talent de la France à vendre son savoir-faire en matière de tueries diverses et de massacres variés me réjouit au plus haut point.
Et il n’est guère de moment où je me sente plus cocardier, plus patriote, plus « identité nationale » enfin, que quand on me met sous le nez les bilans comptables de l’industrie d’armement.
Si 2009 a été un bon cru sanguinaire, tout indique que 2010 pourrait être encore meilleure.
Notamment grâce à l’actuelle visite parisienne du président russe Medvedev, susceptible de faire joliment grimper notre quota d’équivalent tripes-et-boyaux - disons qu’il s’agit de la quantité de sang versé pour chaque euro de matériel militaire vendu par la France à l’étranger.
Medevdev, donc, a profité de sa visite parisienne pour faire un peu de shopping, et a rempli son caddie de tout plein de choses qui font boum, pan et pan-pan-pan.
Promettant de signer un contrat pour quatre porte-hélicoptères type Mistral, des impressionnants navires de guerre.
Se montrant très intéressé par nos véhicules blindés légers.
Et hésitant à ramener dans sa valise tout un lot de missiles, histoire de compléter parfaitement ce joyeux panier garni.
Autant dire, tu le comprendras facilement, qu’il était hors de question de froisser un mec aussi prompt à dégainer le chéquier1.
Et personne n’a pris le risque de mentionner le sujet des droits de l’homme.
Si ce n’est pour féliciter le porte-flambeau de Vladimir Poutine des prétendument très bons résultats russes en ce domaine :« Votre attachement à l’état de droit, au respect des lois, à la sécurité juridique, à la défense des droits de l’Homme facilite beaucoup le rapprochement entre nos deux pays », a ainsi chantonné Nicolas Sarkozy.
Et c’est une petite musique qui doit sonner très étrangement aux oreilles des opposants, journalistes et autres militants de la liberté qui croupissent dans les geôles russes, quand ils ne bouffent pas les pissenlits de la taïga par la racine.
Ce pourrait être déprimant de constater que la France est, une fois de plus, prête à sortir le tapis rouge pour le premier autocrate venue.
Qu’elle est disposée à se vendre au plus offrant.
Et qu’elle se soucie comme d’une guigne de savoir quel usage sera fait des technologies d’armement qu’elle refourgue à tout va.
Ça pourrait être démoralisant, donc.
Mais j’ai une heureuse nouvelle, qui va compenser toutes ces petites crapuleries commerciales et grandes saloperies militaires.
À en croire le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, il n’y a en effet aucune raison de s’en faire : « Je tiens pour acquis que la Russie ne fera pas un mauvais usage de ce matériel militaire » vendu par la France, a promis-juré-craché ce très haut responsable de l’alliance atlantiste.
Je te la remets, parce que ça vaut quand même son pesant de mines anti-personnelles : « Je tiens pour acquis que la Russie ne fera pas un mauvais usage de ce matériel militaire. »
Tant d’optimisme réchauffe le cœur.
Et un tel sens de la formule ouvre bien des perspectives.
J’aimerais juste entendre Anders Fogh Rasmussen préciser ce qu’est un « bon usage » du matériel militaire…
Comme ça, par pure curiosité…
1 Pour dire, il paraît que Medvedev est aussi rapide pour chopper du matos de combat que son maître Poutine l’est pour truicider du Tchétchène…