samedi 26 mai 2012
Vers le papier ?
posté à 19h56, par
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On n’a pas toujours l’occasion de se marrer quand on fait un canard. Parfois, c’est chiant. On s’engueule. Ou on se demande à quoi bon. Et puis il y a les rayons de soleil : rencontrer des lecteurs motivants. Sabrer le rosé quand un bouclage est fini. Ou... recevoir notre premier droit de réponse - tout ce qu’il y a de plus officiel. Glorieuse reconnaissance.
Enfin ! Notre premier ! Plus de doute : à nous la cour des grands. De plein pied dans la jolie caste des vrais journaux qui reçoivent de vrais droits de réponse avec de vrais accusés de réception. Waouh, ça fait drôle...
Soyons justes, ce n’est pas tout à fait la première fois : d’autres ont déjà demandé à s’épancher sur nos pages en réponse à nos sournoises attaques. Les tristes drilles du Grand Soir l’ont fait, et avec eux toute une galaxie de sites tarés et de troubles personnalités. Mais les bougres n’avaient jamais été capables d’y mettre les formes prévues par la loi, à commencer par l’envoi d’une lettre très officielle au domicile du dit directeur de la rédaction. Donc : leurs demandes sont parties direct à la poubelle1. Tandis que, cette fois, les contraintes légales sont parfaitement respectées. Tout dans les règles. Chouette !
Et donc, ce droit de réponse ? Il vient tout droit de la revue Cassandre, publication pour laquelle « nous avons beaucoup de sympathie a priori »2. Oui : Cassandre. Ça surprend, tant on ne pensait pas que celles et ceux animant cette revue prendraient la mouche pour si peu. En l’occurrence, pour un très court passage d’un entretien avec Alain Brossat publié le 17 mai sur notre site et titré « La culture est devenue un moyen de gouvernement comme les autres ». L’auteur du Grand Dégoût culturel y évoquait la réception de son ouvrage dans les milieux dits culturels, précisant notamment : « Je pense par exemple aux personnes animant la revue culturelle Cassandre qui ont tenu à faire un entretien avec moi, alors même qu’ils sont installés au cœur du dispositif mis en place par Lang, nourri aux subventions et aux niches culturelles : j’ai aligné ce genre de personnages dans le livre, mais ils tiennent quand même à présenter mes positions. »
Pas vraiment l’attaque du siècle. D’ailleurs, nous n’avons pas songé une seconde à demander à Alain Brossat d’amender ses propos. Parce que ce ne sont pas nos pratiques : essayer d’aplanir les éventuelles aspérités d’une parole, très peu pour nous. Et parce qu’il nous semble que toute critique peut avoir, à l’occasion, quelque chose de salutaire. Nous sommes trop conscients de nos propres faiblesses et incohérences (yep, Article11 n’en manque pas...) pour ne pas estimer sain qu’elles puissent être pointées et discutées ; il devrait logiquement en être de même pour nos camarades de la presse alternative, Cassandre compris.
Pour être francs, on trouve cette demande de droit de réponse un brin contestable, tant l’entretien en question a donné naissance, en commentaires, à un débat riche et nourri. Des membres de la rédaction de Cassandre sont d’ailleurs intervenus pour discuter - et contester - les propos de l’auteur du Grand Dégoût culturel.
Quant au procédé lui-même, il nous paraît un tantinet ridicule - tant de formalisme pour si peu... Il se trouvera sans doute des langues perfides pour voir dans cette réaction somme toute assez bourgeoise une forme de confirmation des propos d’Alain Brossat...
Une dernière précision, avant que de mettre à votre disposition ce droit de réponse si attendu (si, si...) : on n’a évidemment rien contre Cassandre. Et même, on serait plutôt pour. D’abord parce que, même si on la lit rarement, il nous semble que la revue se situe globalement du bon côté de la barrière. Mais aussi, en mode mauvais esprit, parce qu’on sait bien que ce n’est pas les copains de CQFD, La Brique ou Z qui nous offriraient semblable occasion de nous poiler un peu en invoquant « l’article 13 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 et la loi pour la confiance dans l’économie numérique et ses décrets d’application de 2007 »... À tel point qu’on espère que ça va continuer, avec la réaction d’Alain Brossat à la réaction de Cassandre, puis la réaction de Cassandre à la réaction d’Alain Brossat à la réaction de Cassandre, puis etc etc... On les publiera toutes, ce sera une très jolie façon de faire passer l’été.
À mort l’esprit de sérieux, et que fleurissent mille droits de réponse sur notre route avinée !
Droit de réponse de Cassandre à l’interview d’Alain Brossat dans Article11
« Dans une interview légère (bien que touffue) d’Alain Brossat contre une culture devenue « un moyen de gouvernement parmi d’autres », la revue Cassandre/Horschamp (et plus particulièrement « les personnes qui l’animent ») se voient dénoncées comme « installées au cœur du dispositif mis en place par Lang, nourri aux subventions et aux niches culturelles ». De la part d’un universitaire qui a fait toute sa carrière dans une institution financée par l’argent public, l’attaque manque singulièrement de cohérence et d’élégance.
Elle manque de finesse aussi, en assimilant toute relation à la puissance publique comme compromettante, là où nous défendons au contraire qu’elle peut, et doit, être dialectique. Au risque sinon de voir la chose publique laissée aux mains des industries culturelles, et le champ du sensible et de la connaissance relégué à la frange radicale-chic, lui ouvrant un champ certes libre, mais vain, celui de se perdre dans une errance infinie vers les limbes romantiques...
Et elle manque surtout son but en témoignant d’une profonde méconnaissance de notre travail éditorial.
Nous tenons à votre disposition, si vous souhaitez approfondir le sujet, quelques exemplaires de notre revue, afin que vous vous fassiez par vous-mêmes un avis sur la façon dont nous portons l’offensive à ce sujet.
On aurait espéré voir l’esprit critique de la sympathique équipe d’Article11 porter le fer là où il le faut, dans nos causes communes, ou du moins mettre en abîme la pensée de cet universitaire, plutôt que de se laisser égarer avec lui dans un « dégoût » complaisant. »
1 Soyons francs : ces gens auraient-ils respecté à la lettre les obligations légales qu’on n’aurait pas non plus passé leurs droits de réponse. On ne se refait pas...
2 Pour reprendre les termes, à l’endroit d’Article11, du directeur de publication de la revue, dans la gentille lettre qui accompagne le droit de réponse en question.