mercredi 17 février 2010
Invités
posté à 19h38, par
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Alors que d’aucuns voudraient causer du bilan économique ou social du gouvernement, un sujet ô combien plus important mobilise Président Kapozy : le foulard islamique d’une candidate NPA. Si Al Qaida-Montreuil est en voie de démantèlement, le péril barbu reste constant. Retroussant ses manches, le président a prononcé une allocution télévisée des plus martiales sur le sujet. Retranscription.
D’un coup, le visage de Will Smith se fige dans une mimique ridicule. De même sur les autres chaînes : le clébard Royal Canin reste suspendu en sa course folle dans les champs de blé vers une gamelle qu’il n’atteindra jamais ; Madame météo-marine laisse planer un doute définitif sur la force des vents dans la zone Ustern-norsten-doguer… Sur les cinq chaînes nationales, un court écran noir précède le panonceau « Allocution présidentielle », sur fond de palais de l’Élysée. Et les radios nationales balancent, elles aussi, la Marseillaise pré-allocutoire.
Et… Président Kapozy apparaît, traits tendus, menton en avant, dans un joli costume Smalto vert-de-gris sur une chemise Bexley kaki et une cravate Hugo Boss assortie. Ça lui va bien.
D’emblée, la rapidité des petits mouvements du menton sur le côté ainsi que la fréquence de clignements d’yeux et de frémissements de la lèvre supérieure (côté gauche) annoncent que le moment est historique. Président Kapozy a posé ses deux mains à plat sur le bureau : « Française, Français, mes chers compatriotes, mes amis… »
Court mouvement des épaules, comme si le tronc du président sautillait sur lui-même. « L’heure est grave (haussement des sourcils soulignant la gravité). Nous avons décidé de combattre aux côtés du président Obama, mon ami, les forces des ténèbres partout où elles contraignent et asservissent des populations innocentes et où elles menacent le monde libre et la concurrence non-faussée. »
« Un monde libre, soit dit en passant, où, quand il y a une grève, on ne s’en n’aperçoit pas, où on peut aller s’acheter un canapé-lit le dimanche. »
Président Kapozy refait un mouvement d’épaule, accompagné d’une rotation de la tête. « Or, le camp de l’obscurantisme a ouvert un nouveau front que mes prédécesseurs socialistes, aveuglés par un angélisme irresponsable, n’ont pas voulu regarder en face : une 5e colonne. »
Redoublement de tics. Président Kapozy tripote sa montre Rollex verte assortie de discrets ornements finement dorés (trop la classe !). « Depuis des années, les ennemis de la démocratie - qui agitaient le drapeau de l’Islam régressif et contraire aux valeurs non-faussée de la démocratie vraie dans des terres lointaines et néanmoins exotiques - ont aussi développé sournoisement sur le territoire national un véritable réseau souterrain, un poste avancé, qui menace aujourd’hui la démocratie. »
Président Kapozy se redresse : « Aujourd’hui, tel le virus utilisant l’organisme contre lui-même, les mahométans s’appuient sur la démocratie - notre démocratie ! - pour placer sous leur joug infâme notre beau pays. »
Il semble perdu un moment. Son regard cherche un point de repère dans le vide alors qu’il déglutit ostensiblement. « Ainsi, sous couvert d’une anodine liste de syndicalistes fonctionnaires en colère, les islamistes prétendent présenter aux prochaines échéances électorales une femme voilée. »
« Oui, mes chers concitoyens ! » (Mouvement complexe accompagnant un mouvement du buste vers l’avant d’un regard par en-dessous et d’une oscillation de la tête ; le tout dans une posture étrange, les deux mains liées dans un frottement nerveux, qui n’est pas sans rappeler la mimique systémique du traître dans les films de série B.) « Hé oui… » Le président marque un arrêt. Subtil effet oratoire.
« L’heure est grave. Mais, Monsieur Elkabbach, je n’ai pas été élu pour laisser des hordes barbares s’emparer de notre pays sans réagir ». Ici, le président s’adresse à une sorte d’ami imaginaire avec qui il singe un dialogue. « Et il ne faut pas compter sur moi pour rester inactif devant l’intolérable. »
Il continue :
« La valeur la plus sacrée de notre république, la Laïcité, ne saurait être mise à mal par l’intrusion dans le corps des élus de la République du visage sinistre d’une religion récessive sous la forme d’une élue voilée, fusse-t-elle en possession d’un chatoyant accent méridional si cher aux oreilles de ceux qui ont grandi dans les hauts-de-Seine. »
Nouvelle riche série de tics trop longs à décrire.
« Attention, personne ne pourrait m’accuser de défiance envers les valeurs de la spiritualité. J’ai, il n’y a pas si longtemps, exprimé au pape tout le respect que j’éprouvais pour les émissaires des vraies religions. Mais il y a spiritualité et spiritualité. Et remercier dignement mais avec retenue le fils de dieu pour son sacrifice en se rendant à la messe le dimanche matin, en famille et bien habillé, c’est autre chose que d’égorger un mouton dans sa baignoire en tenant des propos qu’on comprend même pas. »
À nouveau un temps. Président Kapozy articule maintenant avec application chacune des syllabes afin qu’aucun mot n’échappe à son auditoire :
« C’est pourquoi j’ai demandé dès ce matin à mon Ministre de la sécurité intérieure et au ministre des armées de déclencher l’opération Charles Martel.
Déjà, les troupes qui ont su porter la démocratie en Afghanistan ont, à l’heure ou je vous parle, pris position en périphérie des quartiers difficiles, potentielles bases arrières des ennemis de l’intérieur. Une ceinture de sécurité interdit (dans l’intérêt bien compris des habitants de ces lieux et des Français) jusqu’à normalisation de la situation toute entrée ou sortie du Val-Fourré, des quartiers nord et de l’ensemble de la Seine-Saint-Denis.
Dès demain, une opération de pédagogie à grande échelle, coordonnée avec l’épiscopat, nous permettra d’expliquer aux petits enfants les mesures simples pour lutter contre la prophylaxie islamiste (et cela dans toutes les classes de primaire).
Les fonctionnaires d’origine allogène devront prêter serment sur une tranche de jambon, rappelant ainsi leur fidélité aux valeurs de la République, en particulier concernant la dimension sacrée de la laïcité.
Bien entendu les partis et associations islamophiles (NPA, LO, Alternatifs, anarchistes, autonomes, Gisti, FASTI, RESF, épiceries de quartier) sont placés sous administration directe des préfectures.
L’ensemble des têtes de liste NPA sont déjà mis hors d’état de nuire et retenus dans les locaux du Ministère de la justice en attendant d’être entendus par le pôle anti-terroriste du parquet.
L’autorisation du port de la Burqa, du Niqab, de la barbe, de la robe pour les hommes et du Keffieh sera conditionnée à l’obtention d’une dérogation spécifique, à retirer au commissariat.
Dans un souci d’apaisement en ces heures difficiles pour la démocratie et pour la laïcité (qu’elle soit bénie sur 5 générations), il est expressément demandé aux radios et télévisions de ne pas diffuser de musique africaine, maghrébine ou moyen-orientale jusqu’à nouvel ordre.
La ligne 2 du métro parisien est provisoirement fermée entre Ménilmontant et Barbès.
Enfin, j’ai confié à Bernard Henri Lévy et Michel Onfray une mission exploratoire afin de trancher sur l’épineuse question de savoir dans quelle mesure l’Islam est compatible avec nos valeurs. En particulier, ils devront déterminer quelles sourates sont tolérables dans la version française du Coran qu’éditera le gouvernement.
Pour finir, le droit de grève et le droit du travail sont suspendus à titre conservatoire. De toute façon, ça ne peut pas faire de mal. »
Le président est maintenant debout :
« Mesdames, messieurs, Françaises, Français, l’heure est grave. Il est de la responsabilité de l’ensemble des corps intermédiaires de notre pays de prendre toute leur part dans ce grand combat démocratique. Ensemble, tout devient possible : Le fascisme vert ne passera pas. Vive la République. Vive la France. »
L’Élysée apparait de nouveau à l’écran sur fond de marseillaise, le tout agrémenté d’un message à caractère informatif : « C’était une allocution du président de la République. »
Les programmes reprennent. Ce n’est plus Will Smith à l’écran mais un film avec Louis de Funès et Galabru.
1 NB A.11 : N’oublie pas que Mathieu Colloghan ne se contente pas d’écrire avec style. Il peint et dessine, avec grande classe. Tu peux notamment retrouver ses dessins dans Fakir et Le Plan B, et admirer ses tableaux sur son blog.