samedi 23 juin 2012
Vers le papier ?
posté à 19h41, par
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Et hop, un nouveau numéro dans l’escarcelle A11 ! Celui qui va vous permettre de frimer sur les plages et de multiplier les conquêtes estivales. Oui, ce numéro 10 a été spécialement conçu pour durer tout l’été et vous prodiguer un réconfort maximum quand la canicule frappera et que le vendeur de glaces débordé n’aura plus que parfum pistache à vous proposer. Taïaut.
T’as vu, c’est l’été. La vie clapote. Les belettes chantent. Les écoliers jouent aux billes sur leur I-pod. La cigale a vaincu cette conne de fourmi et carbure au rosé pour célébrer sa victoire. Et les oies bernache des Buttes-Chaumont couvent leurs oisons d’un regard tendre et limpide. Yep, c’est la teuf. Cerise sur le clafoutis estival, le numéro 10 d’A11 a été imprimé lundi dernier, il est disponible en kiosques depuis aujourd’hui. Noir et bleu, qu’il est, avec une couverture si fourmillante qu’une reine fourmi y retrouverait pas ses œufs. Après un numéro 9 un chouïa plus court (28 pages), on est revenu aux fondamentaux, à savoir 32 pages. As said un proverbe qui tourne pas mal au Medef : abondance de biens ne nuit pas.
Pour vous mettre l’eau à la bouche, et parce qu’on a l’impression d’avoir fait le tour des manière d’annoncer un nouveau numéro (on va pas refaire le coup du ralliement à Dupont-Aignan, ça ferait réchauffé...), on a décidé de vous présenter ce numéro en choisissant 11 fragments, piochés de-ci de-là dans le canard, au petit bonheur la chance. Une manière de s’inscrire dans la vibe de cette couverture (signée Paul Loubet) qui multiplie les références et saute du coq à l’âne avec une belle prestance...
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Zombies en goguette
« Je ris, mais je ne peux m’empêcher de vous trouver stupides. D’une bêtise crasse ! Vous vous emballez sur ces péquins de l’horreur, bavassez à l’envi sur la sauvage épidémie qui vous emportera tous dans un flot sanglant, tremblez devant cette longue nuit des morts-vivants qui marquerait la fin de votre monde dit civilisé. Mais vous ne voyez pas que vous êtes déjà des zombies — le cannibalisme en moins, le capitalisme en plus. »1
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Amour périphérique
David aime les non-zones, les espaces en transition — le périphérique comme frontière intérieure, celle qui sépare Paris l’opulente de ses banlieues. « J’aime bien les endroits où personne ne veut aller, c’est là que je trouve mon bonheur. » Une philosophie qu’il applique en toutes choses, et même dans sa vie amoureuse. « Les copines, en général, c’est pour l’automne et l’hiver : je rencontre des mamies dans les parcs, des femmes de 60 à 70 ans qui m’accueillent un peu chez elles. Les jeunes femmes sont trop chiantes, trop exigeantes, celles plus âgées connaissent la vie. Et puis, quand tu fais l’amour avec une mamie, tu oublies tout, tu es dans un autre univers… »2
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Tabagie tunisienne
Entre deux wagons, il m’offre une Crystal. C’est une gigantesque saloperie, ces clopes brunes ou blondes, on ne sait plus, on les tousse, on les crache, et même quand je fumais l’herbe sèche du pré dans des feuilles A4 avec mes cousins c’était vachement meilleur. Wael lui s’enfume aux Crystal à hauteur de quatre ou cinq paquets par jour. « C’étaient les cigarettes les moins chères en prison. Les autres, les Merit, les Mars, je te parle pas des Marlboro, elles étaient hors de prix. Et si jamais t’en avais, on te les piquait tout de suite. Alors je fumais des Crystal, sans arrêt, il n’y avait que ça à faire. Quand ils me relâchaient, j’essayais de fumer d’autres clopes, meilleures, mais je n’ai jamais réussi : ça m’enflamme la gorge. » Il en allume une deuxième. « Tu vois, c’est peut-être bizarre, mais c’est ça, le pire, en prison, dans les postes de police. L’ennui. »3
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À Saint-Étienne comme ailleurs
La ville a changé, il convient désormais que ses habitants s’en montrent dignes.4
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Le gros chagrin des technophiles
Que ces affreux nihilistes soient extrêmement minoritaires ne calme guère les amis de la Technique, lesquels « ont besoin non pas de 98 % de l’opinion avec eux, mais de 100 % ; car toute réserve est un grief contre eux ; la technique est totalitaire ». Et, ajoute Ellul, « je soupçonne, au fond, dans cette attitude geignarde, l’affleurement d’une inquiétude, l’éclair d’un soupçon sur lequel ils accumulent les sacs de ciment et les souffles atomiques pour l’empêcher de brûler. ‹ Après tout, si par hasard nous nous étions trompés ? Si par hasard nous conduisions l’humanité à sa fin ? › Je ne parle pas tant de la fin atomique que de la fin de la conscience, la fin de la liberté, la fin de l’individu, la fin de la création, la fin de l’homme simplement humain. Si par hasard, ils nous conduisaient vraiment à l’anonymat de cette fourmilière si souvent à tort annoncée ? Il faut bien prendre ses précautions. Il faut, dans l’ultime sursaut de lucidité, pouvoir dire que c’est tous ensemble que nous avons marché. Tous ensemble en plein accord. Et que l’avant-garde était la moins responsable et la plus exposée : ‹ Plaignez-nous, plaignez-nous, bonnes gens. Nous avons eu bien du mal, et nous n’avions pas voulu cela… › »5
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Courroux des pêcheurs
« Cinq mille pêcheurs, venus de toute la Bretagne, avec nos femmes et nos enfants. On était un paquet de monde. Au départ, les femmes et les enfants devant, soutenant nos revendications. Et nous derrière. Quand ça a commencé à chauffer, quand les CRS ont balancé des grenades de dispersion, on est passés en première ligne, et on était sacrément bien outillés. C’est là où les CRS ont commencé à devenir blancs. Parce que nous, c’est pas des manifs d’étudiants. »6
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Manie dansante
Juillet 1518, Strasbourg. Dame Troffea danse frénétiquement dans les rues de la ville. Secouée de convulsions, elle s’agite en rythme, et rien ne semble pouvoir l’apaiser. Au bout de plusieurs heures de danse endiablée, elle s’écroule à bout de force dans les bras de son mari consterné. Le lendemain, dès son réveil, Frau Troffea reprend sa danse furieuse, sous le regard amusé des passants. Au bout du second jour, ses pieds abimés saignent, et la fatigue rend ses mouvements extrêmement violents et désordonnés. Le troisième jour, le bruit s’est répandu : la danse de Frau Troffea attire une foule nombreuse. Suivant l’impulsion, quelques badauds entrent en transe, accompagnant la danseuse. Au fil des jours, l’épidémie se propage : de trente danseurs convulsionnaires fin juillet, on passe à une centaine au début du mois d’août. Un mois plus tard, près de 400 personnes sont touchées par cette « manie dansante » !7
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Après la mort
« Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas un sens unique à donner aux restes humains, ni une seule réaction face aux morts. »8
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Le parti de l’imaginaire
« Je ne fais pas de la littérature engagée, mais de la littérature dégagée. Évidemment, sorti de mon état de romancier, je redeviens un citoyen, avec des convictions et des actions politiques. Mais tout cela est dissocié de l’activité d’écrivain. Par contre, je pense qu’au delà de l’engagement direct d’un texte se pose la question de ce qu’il provoque sur le long terme en circulant parmi la société des hommes. Le livre ne s’inscrit pas dans le temps court de la politique, il intervient dans une autre temporalité. Et je souhaite que mes livres permettent d’épanouir la faculté d’imagination du lecteur ; l’imagination est le premier pas dans la dissidence. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’extrême pauvreté du débat politique contemporain. Je ne planifie pas mes écrits en ce sens, cependant. Simplement : c’est ainsi que cela me vient. »9
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Privilèges
Dans le couloir, je croise une cadre du service, sorte de pimbêche tellement maniérée qu’on la dirait en perpétuel tournage d’une pub pour L’Oréal : « Enfin, Augustin, il est quand même normal que les médecins et les cadres bénéficient de privilèges ! » Privilèges. Le mot est enfin lâché ! C’est à ce moment-là que la phrase de Lordon rejaillit dans ma mémoire. Le boomerang du rapport médiéval en plein dans ma poire.10
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Noix
« Notre passé est plein de devenir, il suffit de casser les noix. »11
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Bing, c’est fini. Une sélection arbitraire à vocation marketing affichée. Avec un message simple : la suite ? Tu le trouveras dans le nouveau numéro d’Article11. Jacques Séguéla, sors de ce journal...
Pour le reste, il se murmure en régie qu’on se pose des questions concernant l’avenir d’Article11 version papier. Et que pas mal de choses pourraient changer après l’été. On se donne trois/quatre mois pour réfléchir, et on revient avec une nouvelle mouture pas piquée des hannetons. On vous en reparlera sur le site. D’ici là : joyeux été, bande de mouflon(ne)s.
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L’impression en images - photos by Lou
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S’abonner
Pour s’abonner, c’est très simple. Soit vous écrivez directement les informations essentielles (nom / prénom / contact (mail et/ou téléphone) / type d’abonnement / début de l’abonnement (à partir de quel numéro ?) / adresse d’envoi) et vous les glissez dans une enveloppe à destination d’Article11 - 2, rue Auguste Poullain, 93 200 Saint-Denis avec un chèque à plusieurs zéros (c’est aussi possible par virement bancaire : pour le RIB, cliquez sur l’icône ci-dessous).
Soit vous imprimez le formulaire d’abonnement (pdf à télécharger ci-dessous), et vous nous le renvoyez complété. On se charge du reste. Et miracle : vous recevrez le môme A.11 par la poste. A noter, l’abonnement est désormais de 15 euros pour la France métropolitaine, 18 euros pour l’UE, 22 euros pour le reste du monde. Toujours gratuit pour les prisonniers et les désargentés.
Notez qu’il est désormais possible de s’abonner en ligne, sur la page d’accueil du site.
Et aussi, on ne le dira jamais assez : si vous aimez ce canard, le meilleur moyen de l’aider est de le faire découvrir à d’autres, de propagander sans répit et de le diffuser. Abonnez de force vos mamans, vos grands-tantes, vos bébés, vos animaux domestiques, vos domestiques... Article11 vous le rendra au centuple. Ou pas.
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Rubrique « Vers le papier » / dans les épisodes précédents :
Entretiens avec la « concurrence »
Premier épisode : Le Tigre, à lire ici.
Deuxième épisode : Revue Z, à lire ici.
Troisième épisode : Le Postillon, à lire ici.
Quatrième épisode : CQFD, à lire ici.
Cinquième épisode : Le Jouet Enragé, à lire ici.
Sixième épisode : La Brique, à lire ici.
_ Septième épisode : Offensive, à lire ici.
Huitième épisode : Entretien avec Steven Jezo-Vannier : « Les années 1970, âge d’or de la presse parallèle ? », à lire ici.
Neuvième épisode : « La « fragile proposition » du Napoli Monitor », à lire ici.
Dixième épisode : « Entretien avec Maxime Jourdan : La presse sous La Commune ». A lire ici.
Onzième épisode : Entretien avec Alvar, de Diagonal : « On garde le même ennemi, mais on l’attaque autrement ». A lire ici.
Made in Article11
Numéro 9 : Sous les pavés, les urnes.
Numéro 8 : Le retour du chevalier noir (et rose).
Numéro 007 : Meurs un autre jour.
Article11.info : et la lumière fut.
Numéro 6 : Dans la jungle, terrible jungle
Numéro 5 : La revanche du malabar fluo
Numéro 4 : l’agent Orange en force !
Numéro 3 : l’Empire A.11 contre-attaque
Numéro 2 : back dans les bacs
Veni Vidi Imprimi
Abonnement Article11 - We need you !!!
Dernier inventaire avant liquidation.
Pause estivale : hiberner pour mieux gronder
Article11 papier : Une histoire de gros sous.
Une ligne éditoriale ? Peuh...
Vers le papier ? Chroniques de presse, pas pressées (vol. 1)
Vers le papier : sexe, presse and rock & roll !
Divers
Tempête dans un verre d’eau : Cassandre nous écrit.
« Un plan Marshall pour La Brique »
1 P.2, éditorial de Dracula.
2 P.4, « Le Peuple des confins ».
3 P.8, « Trois billets pour Sousse ».
4 P. 13, « Bienvenue chez les ch’tiphanois ».
5 P.14, « Ellul l’avait bien dit ».
6 p. 16, « Garder la pêche », entretien avec Gé, ex-marin pêcheur breton.
7 P.22, « 1518, Strasbourg entre dans la danse. »
8 P. 25, « L’État post-mortem », entretien avec Arnaud Esquerre.
9 P.30, « J’écris comme je rêve », entretien avec Jacques Abeille.
10 P. 32, chronique « Je vous écris du bureau ».
11 P. 12, citation d’Asger Jorn.